Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 14 janvier 2009, régularisée le 19 janvier 2009, présentée par la société d'avocats Thibaut-Souchal, pour Mlle Samira A domiciliée ... ;
Mlle Samira A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703682 du 20 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 5 avril 2007 du ministre de l'intérieur mettant fin pour inaptitude professionnelle à sa scolarité en qualité d'élève-gardien de la paix à l'école nationale de la police de Nîmes ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
Vu le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
Vu les arrêtés du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire des 18 mars 2004 et 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 mai 2009 admettant Mlle A au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2010 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public ;
Considérant que Mlle A, nommée élève-gardien de la paix à compter du
1er mai 2005, conteste l'arrêté du ministre de l'intérieur du 5 avril 2007 qui met fin pour inaptitude professionnelle à sa scolarité comme élève-gardien de la paix à l'école nationale de police de Nîmes, refusant ainsi sa nomination en qualité de gardien de la paix stagiaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : Les candidats reçus sont nommés dans une école nationale de police ou un centre de formation de la police. / Les élèves qui, à l'issue de la période de formation, ont satisfait aux épreuves d'aptitude sont nommés gardiens de la paix stagiaires ; qu'aux termes de l'article 32 de l'arrêté du 18 mars 2004 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps de maîtrise et d'application de la police nationale, pris sur le fondement du décret précité : L'élève qui conteste la décision rendue par le jury d'aptitude visé aux articles 30 et 31 du présent arrêté peut demander, dans un délai de quarante-huit heures après en avoir reçu notification, à être entendu pour exposer ses arguments par une commission de recours dont la composition est déterminée par instruction du directeur de la formation de la police nationale. / Cette commission, présidée par le directeur de la formation de la police nationale ou son représentant, statue après avoir entendu l'élève, dans un délai de sept jours maximum après réception du recours ; que l'article 31 de l'arrêté du 18 octobre 2005 reprend les dispositions précitées de l'article 32 de l'arrêté du 18 mars 2004 qu'il abroge, en disposant en outre que la commission de recours est présidée par le directeur de la formation de la police nationale ou son représentant, assisté du directeur adjoint de la formation de la police nationale ou son représentant ainsi que d'un psychologue de la direction de la formation de la police nationale ;
Considérant que Mlle A, admise au concours de recrutement de gardien de la paix, a suivi à l'école nationale de la police de Nîmes la formation prévue par le décret n° 95-657 du 9 mai 1995 puis le décret du 23 décembre 2004, à l'issue de laquelle sont nommés gardiens de la paix stagiaires les élèves qui ont satisfait aux épreuves d'aptitude ; que, dans sa délibération du 8 mars 2007, le jury d'aptitude professionnelle a jugé qu'elle n'était pas apte à être nommée fonctionnaire stagiaire, ne l'a pas admise à renouveler tout ou partie de sa scolarité et a mis fin à cette scolarité ; que l'intéressée a déféré cette délibération devant la commission prévue par l'article 31 de l'arrêté du 18 octobre 2005 qui l'a confirmée par décision du 13 mars 2007 ; que, par la décision attaquée, le ministre de l'intérieur a mis fin à la scolarité de l'intéressée ;
Considérant, en premier lieu, que le vice de compétence qui entacherait la lettre de notification de la décision ministérielle attaquée est sans influence sur la légalité même de cette décision ; que le moyen ainsi soulevé est inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du jury d'aptitude professionnelle réuni le 8 mars 2007, que la décision attaquée a été prise en raison de l'inaptitude professionnelle de l'intéressée, eu égard à son comportement général et à son état d'esprit estimés incompatibles avec le fonctionnement de la police nationale, et non pour un motif disciplinaire déguisé afférent à des faits qualifiables de faute disciplinaire ;
Considérant, en troisième lieu et en ce qui concerne l'aptitude professionnelle de l'intéressée que, par la décision attaquée, le ministre s'est fondé sur la délibération du 8 mars 2007 du jury de fin de scolarité et sur la décision du 13 mars 2007 de la commission de recours ; qu'en soulevant un moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de son aptitude professionnelle, l'intéressée doit être regardée comme contestant par voie d'exception ladite délibération du 8 mars 2007 et ladite décision du 13 mars 2007 ; qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, même sous le degré de contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation, de contrôler l'appréciation faite par le jury de la valeur d'un candidat, ni l'appréciation faite par la commission de recours ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'appelante invoque des erreurs de fait tirées de la falsification matérielle de feuilles d'évaluations de missions opérées sur le terrain, de l'inexactitude de faits reprochés relatifs à un incident de tir, de l'inexactitude des éléments avancés dans le rapport du sous-brigadier Fournier et de sa prétendue attitude de victime de ses origines maghrébines et que, dans ces conditions, le jury et la commission de recours se seraient prononcés sur la base de pièces ou d'éléments matériellement inexacts ;
Considérant, tout d'abord et s'agissant de l'incident de tir reproché, à supposer qu'il soit matériellement inexact, que ce fait n'est pas déterminant par rapport aux nombreux autres griefs mentionnés par le procès-verbal de la réunion du jury du 8 mars 2007 ;
Considérant, ensuite, qu'il ressort des pièces du dossier que huit feuilles d'évaluation de missions opérées en novembre 2006, produites par l'appelante, présentent effectivement des ratures de nature à mettre en cause leur validité, de même que six des huit feuilles d'évaluation des missions opérées en décembre 2006, mais que tel n'est pas le cas des sept feuilles d'évaluation des missions opérées en janvier 2007 ; que le procès-verbal de la réunion du jury du 8 mars 2007 mentionne un manque de professionnalisme et d'implication dans 13 missions, sans s'appuyer sur les dites feuilles d'évaluation de novembre et décembre 2006 qui ne sont pas mentionnées, mais sur quatre rapports hiérarchiques rédigés les 24 janvier, 25 janvier, 29 janvier et 27 février 2007, rédigés par quatre évaluateurs différents, respectivement le gardien de la paix Ribera, le sous-brigadier Fournier, le commandant Huard, adjoint au chef du service de la sécurité de proximité de la CSP d'Avignon et le brigadier major Lieu Sahn ; que le contenu de ces rapports n'est pas matériellement contredit par les feuilles d'évaluation des missions opérées sur le terrain en janvier 2007 qui montrent pour six d'entre elles une attitude en décalage avec la situation du terrain ; que, dans ces conditions, à supposer que le jury ait eu connaissance des feuilles d'évaluation raturées des missions opérées en novembre et décembre 2006, il ne peut être regardé comme s'étant prononcé exclusivement au vu de ces feuilles et n'aurait pas ainsi été mis à même d'apprécier l'aptitude professionnelle de l'intéressée, qu'il a étudiée dans son ensemble ; que l'allégation selon laquelle le rapport du sous-brigadier Fournier contiendrait des éléments matériellement inexacts n'est pas établie de façon suffisamment sérieuse par la seule allégation que l'intéressée ne serait jamais sortie en patrouille avec ce sous-brigadier, alors que son rapport fait état de comportements constatés dans les locaux de police et rapportent les propos des fonctionnaires qui sont effectivement sortis en patrouille avec elle ; que la circonstance que le procès-verbal du jury ait mentionné 19 rapports d'élèves gardien de la paix rédigés entre le 7 février et le 11 février 2007, rapports d'élèves rédigés sous la contrainte de la hiérarchie selon l'appelante, ne peut être reprochée au jury qui s'est fondé à titre principal sur les quatre rapports hiérarchiques susmentionnés et a mentionné ensuite au surplus les rapports d'élèves à fin de concrétiser les divers griefs formulés dans les rapports ci-dessus ;
Considérant, enfin, que si le procès-verbal du jury mentionne également le grief tiré de ce que l'intéressée aurait tenter de jouer de ses origines maghrébines pour se placer en victime et tenter de rallier d'autres élèves d'origine maghrébine dans cette manipulation, il ressort toutefois de la lecture dudit procès-verbal que le jury aurait pris la même position sans ce grief, dès lors que se sont avérés déterminants dans son appréciation, outre le manque de professionnalisme et d'implication et le classement final de l'intéressée (1038ème sur 1111), le reproche, dont la matérialité n'est pas contestée, tiré de la tendance répétée de l'intéressée à remettre en cause le bien-fondé de certaines interventions ou interpellations et plus généralement le fonctionnement même de l'institution de la police nationale, se traduisant en particulier par des attitudes ou propos qualifiés par le jury de démobilisateurs, provocateurs, voire même parfois arrogants, de la part d'une élève à la personnalité étrange qui se démarque et montre des difficultés d'intégration avec ses collègues de travail ; que ces difficultés relationnelles d'intégration sont matériellement établies par les pièces du dossier, notamment les quatre rapports hiérarchiques susmentionnés et plus particulièrement par le rapport du commandant Huard qui a reçu l'intéressée en entretien ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni le jury, ni la commission de recours ne peuvent être regardés comme s'étant prononcé sur la base de pièces ou d'éléments matériellement inexacts pour apprécier l'aptitude professionnelle de l'intéressée ; qu'il s'ensuit que l'erreur de fait soulevée doit être écartée ;
Considérant, en cinquième lieu, que les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir sérieusement le détournement de pouvoir allégué par l'appelante tiré de l'animosité personnelle du responsable d'unité pédagogique de Nîmes et de l'hostilité qu'il a manifestée à son encontre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions en excès de pouvoir ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à l'appelante la somme qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'intérieur tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Samira A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 09MA001222