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19/05/2009 | FRANCE | N°06MA02842

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 19 mai 2009, 06MA02842


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2006, présentée pour Mme Chantal X, demeurant ... par Me de Pastors et par Me Pujol de la Selafa Fidal ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103246 du 27 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) d

e condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du co...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2006, présentée pour Mme Chantal X, demeurant ... par Me de Pastors et par Me Pujol de la Selafa Fidal ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103246 du 27 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2009,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;

Considérant que Mme X, associée de la société en nom collectif Casa Sansa à concurrence du tiers du capital social, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1995 et 1996, qui procèdent du rehaussement du bénéfice de cette société, imposable entre les mains des associés à proportion de leurs droits sociaux en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts ; que Mme X demande l'annulation du jugement du 27 juin 2006 rejetant sa demande ;

Sur les minorations de recettes :

En ce qui concerne le caractère sincère et probant de la comptabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a écarté la comptabilité de la société Casa Sansa, en raison d'une anomalie du compte caisse, dont il est constant qu'elle ne constitue pas un motif suffisant de rejet, et sur la base des déclarations de son gérant, M. , contenues dans un procès verbal d'audition du 21 août 1997, transmis à l'administration fiscale par le ministère public, en application des dispositions de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, dans lequel il a expressément reconnu que depuis l'année 1994, il n'avait pas déclaré l'intégralité des recettes de son commerce, qu'il avait rectifié sur son ordinateur les recettes de la journée pour abaisser le chiffre d'affaires avant le traitement par son comptable, omis de comptabiliser certaines recettes espèces et, enfin, retiré directement des espèces de sa caisse, ces agissements représentant selon sa propre estimation 3 à 5 % du chiffre d'affaires de la société ;

Considérant, d'une part, que le procès-verbal d'audition est intervenu dans le cadre des poursuites pénales engagées contre M. , prévenu des infractions d'altération frauduleuse de la vérité dans un écrit et d'exécution de travail dissimulé, découvertes à l'occasion d'une perquisition et d'une saisie effectuées le 20 août 1997 en matière de travail dissimulé ; que, par un jugement du 6 juillet 1998, devenu définitif, le Tribunal correctionnel de Perpignan a constaté la nullité de la perquisition, entraînant celle de la procédure subséquente, et a, pour ce motif, relaxé M. ; que, toutefois, l'administration ayant régulièrement obtenu communication de ce procès-verbal en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, la circonstance que cette pièce a fait l'objet, après sa communication, d'une annulation par le juge judiciaire ne la prive pas de la possibilité de s'en prévaloir pour écarter la comptabilité de la société Casa Sansa en raison de son absence de caractère sincère et probant et ce, même s'il s'agit d'un acte annulé de la procédure pénale et non d'une pièce recueillie à l'occasion d'une procédure pénale annulée ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des aveux de M. , que les minorations de recettes du restaurant ont été régulièrement effectuées sur l'ensemble de la période ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que les aveux circonstanciés du gérant de la société seraient inexacts ; qu'ainsi, et même si l'examen de la comptabilité n'a pas permis de corroborer ces aveux, l'administration a pu régulièrement considérer, sur la base du procès-verbal du 21 août 1997, que les coefficients de bénéfice brut résultant de la comptabilité, nonobstant le fait qu'ils sont conformes à ceux pratiqués dans la profession, ne reflétaient pas les conditions d'exploitation réelles propres à l'entreprise ; que c'est ainsi à juste titre que le vérificateur a écarté la comptabilité comme non sincère et non probante et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de la société sur l'ensemble de la période soumise à vérification ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

Considérant que le vérificateur a procédé à la reconstitution des recettes réalisées par la SNC Casa Sansa en utilisant la méthode dite des vins dont l'objet est de déterminer le pourcentage de vin vendu par rapport aux recettes totales ; que le chiffre d'affaires total est ensuite reconstitué en appliquant le coefficient ainsi déterminé à la quantité de vin réellement vendue, de laquelle sont déduites les consommations personnelles, les pertes et les offerts ; qu'en l'espèce et pour déterminer ce pourcentage, le vérificateur a utilisé un échantillon de factures clients portant sur environ six journées d'exploitation par mois sur l'ensemble de la période vérifiée ; que le pourcentage en définitive retenu par l'administration s'élève, après avis de la commission départementale des impôts, suivi par l'administration, à 14,8 % sur l'ensemble de la période ;

Considérant que si Mme X demande que le coefficient soit fixé à 16,70 %, elle n'établit pas d'une part, que l'échantillon retenu par le vérificateur serait insuffisant compte tenu des conditions de l'exploitation et, notamment, du caractère variable de l'activité de la société ; que, d'autre part, si elle indique avoir recalculé le coefficient en suivant la même méthode que le vérificateur mais sur la base d'un échantillon plus important, elle ne justifie pas par la production des factures clients de l'exactitude des tableaux qu'elle produit à la Cour, ni n'établit, à défaut de produire les résultats exhaustifs journaliers de la part des vins dans les repas, l'exagération des bases d'imposition ; que sa demande ne peut, en conséquence, qu'être rejetée ;

Sur le redressement résultant de la réintégration de la somme de 1 280 000 francs :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SNC Casa Sansa a acquis, le 6 novembre 1991, sous le régime des marchands de biens prévu à l'article 1115 du code général des impôts un fonds de commerce d'hôtel l'Hôtel de la Mairie de 17 chambres, attenant aux locaux du restaurant qu'elle exploite pour un prix de 1 280 000 francs ; que M. a acquis, à titre personnel, les murs de l'établissement pour un montant de 300 000 francs ; que la société a inscrit la valeur du fonds de commerce en stock et a constaté, dès l'année 1992, une provision pour dépréciation égale à la valeur d'achat ; qu'elle a constaté, à la clôture de l'exercice 1995, l'annulation de la provision et la disparition du fonds de commerce ; que le vérificateur a, dans la notification de redressement, réintégré la somme de 1 280 000 francs, en raison de l'absence de justification, tant des motifs qui avaient conduit la société à constituer une provision que des motifs qui avaient justifié la constatation en comptabilité de la disparition du fonds de commerce ; que dans sa réponse à la notification, la société a indiqué que M. et elle-même avaient été contraints à l'acquisition des murs et du fonds pour pouvoir effectuer des travaux de mise aux normes de la cuisine du restaurant mais que dès l'acquisition du fonds et en raison de leur état d'entretien, les locaux ne permettaient plus l'exploitation d'un hôtel ; qu'elle a justifié de l'insalubrité de l'immeuble par la production d'un constat d'huissier dressé le 26 mars 1993 ; que dans la réponse aux observations du contribuable, le vérificateur a alors considéré, sans cependant avoir procédé à une nouvelle notification du redressement, que compte tenu de la réponse de la société, elle avait entendu acquérir dès l'origine des droits immobiliers nécessaires à la poursuite et au développement de son activité de restaurant et que la valeur des droits immobiliers éléments incorporels de l'hôtel de la Mairie acquis par la société devaient figurer à l'actif du bilan ; que le ministre demande, devant la Cour, le maintien du redressement pour le même motif ; que, cependant, la SNC Casa Sansa ne s'étant portée acquéreur que d'un fonds de commerce, les murs ayant été acquis à titre personnel par M. , elle n'était pas autorisée à faire figurer à l'actif de son bilan des droits de nature immobilière ; que, compte tenu du motif du redressement en définitive retenu par l'administration, Mme X est, en conséquence, fondée à demander que le tiers de la somme de 1 280 000 francs, soit la somme de 426 666 francs, soit exclu des bases de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1995 ;

Sur le redressement résultant de la réintégration de l'amortissement sur les frais de recherche :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 1. Le bénéfice net imposable est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que la déductibilité des frais ou charges visés par les dispositions précitées est subordonnée à la condition que l'entreprise justifie les avoir supportés en contrepartie de services qui lui ont été effectivement rendus ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Casa Sansa a comptabilisé en frais de recherche des frais engagés par M. à Paris en 1993 et 1994 pour des montants respectifs de 282 975 et 269 607 francs, initialement comptabilisés à un compte courant d'associés et virés le 31 décembre 1995 au poste frais de recherche ; que si la requérante soutient que ces frais auraient été engagés dans le cadre de conventions dites d'engineering et de mise à disposition par lesquelles la société Casa Sansa aurait mis M. à la disposition des sociétés Cogertel et Gestion Résidences en vue de l'ouverture de deux restaurants à Paris, elle n'établit pas la réalité des recherches et des démarches entreprises par l'intéressé ; qu'il n'est donc pas établi que les frais qu'il a engagés l'auraient été dans l'intérêt de la société Casa Sansa ; que la demande afférente à ce redressement ne peut qu'être rejetée ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (... ) ;

Considérant que les minorations de recettes, qui représentent en l'espèce 22 % du chiffre d'affaires déclaré en 1995 et 17 % de celui déclaré en 1996, ne résultent pas d'une erreur mais d'une volonté délibérée de dissimuler les recettes exprimée dans le procès verbal du 21 août 1997, révélant l'intention d'éluder l'impôt ; que les pénalités de mauvaise foi appliquées aux redressements d'impôt sur le revenu résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires sont ainsi justifiées au regard des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est seulement fondée à demander que la somme de 426 666 francs soit exclue des bases de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1995 et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement du Tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 426 666 francs est exclue des bases de l'impôt sur le revenu auquel Mme X a été assujettie au titre de l'année 1995.

Article 2 : Il est accordé à Mme X une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995 et résultant de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 27 juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Chantal X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 06MA02842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02842
Date de la décision : 19/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BONNET
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : SELAFA FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-05-19;06ma02842 ?
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