Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2006, présentée pour M. Roger X, domicilié ...), par le cabinet Eric Duret, cabinet d'avocats ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202129 en date du 2 mars 2006 du Tribunal administratif de Nice, en tant qu'il rejette partiellement sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998 et des pénalités y afférentes ;
2°) de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998 et des pénalités y afférentes, restant en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ainsi que l'arrêté d'expérimentation du Vice-Président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2009 :
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Maillard du Cabinet Raymond Belnet pour M. X ;
Sur la procédure de taxation d'office et d'évaluation des bases d'imposition du contribuable :
Considérant qu'aux termes de l'article 170 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : Sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l'article 170, quel que soit le montant de leur revenu : 1° Les personnes qui possèdent (...) une voiture de tourisme destinée exclusivement au transport des personnes (...) 4° Les personnes dont la résidence principale présente une valeur locative ayant excédé, au cours de l'année d'imposition, 1 000 F à Paris et dans les communes situées dans un rayon de 30 kilomètres de Paris, 750 F dans les autres localités. ; qu'aux termes de l'article L.66 du livre des procédures fiscales : Sont taxés d'office : 1° A l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble des revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L.67 ; ... ; qu'aux termes de l'article L.67 du même livre dans sa version applicable au litige : La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L.66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours d'une première mise en demeure. ... ; qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts dans sa rédaction applicable pour les années 1997 et 1998 : 1.En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après ... ; que le 1 du barème prévu par les dispositions de l'article 168 précité est relatif à la résidence principale et précise que la base forfaitaire d'imposition correspondante est égale à cinq fois la valeur locative cadastrale de celle-ci et le 4 de ce même barème est relatif aux voitures automobiles destinées au transport des personnes et précise que la base forfaitaire correspondante est égale aux trois quarts de la valeur de la voiture neuve avec un abattement de 20 % après un an d'usage et de 10 % supplémentaires par année pendant les quatre années suivantes ;
Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, durant les années 1997 et 1998, M. X a eu à sa disposition une résidence principale dont la valeur locative était de 19 543,96 euros (128 200 F) et en sa possession des véhicules automobiles destinés au transport des personnes ; qu'il était, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 170 bis du code général des impôts, tenu de souscrire une déclaration de revenus au titre de chacune des deux années en litige ; qu'il est constant que M. X n'a pas rempli cette formalité, pour aucune de ces deux années malgré les mises en demeure que l'administration lui a régulièrement adressées les 25 mars et 6 mai 2000 ; que par suite, c'est à bon droit, que le service a fait application des dispositions combinées des articles L.66 1° et L.67 précités du livre des procédures fiscales, pour le taxer d'office pour défaut de déclaration de revenus ; que contrairement aux allégations de M. X, le service n'a pas mis en oeuvre à son encontre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article 168 précité du code général des impôts, mais simplement mobilisé les éléments du barème visé à cet article pour déterminer le montant des redressements à notifier ;
Considérant en second lieu que l'administration est en droit, lorsqu'elle procède à la taxation d'office en cas d'absence de déclaration de revenus ou de déclaration tardive des revenus, d'user, en vue de déterminer le revenu global du contribuable, tous les éléments d'information en sa possession, sous le contrôle du juge de l'impôt ; qu'elle peut à cette fin, notamment, alors même qu'elle n'a pas mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article 168 du code général des impôts, se référer aux rubriques du barème figurant à cet article ; que par suite, alors que M. X était en situation de taxation d'office pour défaut de déclaration en application des dispositions combinées des articles L.66 1° et L.67 du livre des procédures fiscales, le service, à défaut d'autres éléments en sa possession, pouvait utiliser les rubriques du barème de l'article 168 pour procéder à l'évaluation des bases d'imposition de celui-ci ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant que pour apporter la preuve qui lui incombe, de l'exagération de ses bases d'imposition, le requérant peut, soit critiquer la valeur retenue pour les éléments du barème dont a fait usage le service, soit démontrer que ses revenus imposables réels ont été inférieurs au montant résultant de l'application du barème, soit encore qu'il a disposé par ailleurs de revenus non imposables au moins à hauteur de ce montant ;
Considérant que M. X ne conteste ni l'existence ni les valeurs des éléments de train de vie retenus par le service, et se borne à soutenir qu'il ne disposait d'aucun revenu propre, son train de vie ainsi que celui de son fils mineur, étant assuré par sa concubine notamment grâce à l'aliénation par celle-ci d'un bien immobilier et de valeurs mobilières ; qu'il fait également valoir qu'il disposait d'une procuration sur les deux comptes de celle-ci, détenait une carte visa attachée à l'un d'entre eux et produit enfin un document établi par ses soins, retraçant l'ensemble des dépenses qu'il aurait engagées pour son fils et lui-même, dans divers grands magasins ou magasins d'habillement et autres ou auprès de professionnels ou établissements de santé, en produisant à l'appui des preuves de l'existence des débits correspondants sur les dits comptes ; que toutefois, ce faisant, il n'établit pas que les sommes inscrites au crédit de ces comptes constitueraient uniquement des revenus de sa concubine ou proviendraient de la réalisation d'éléments de capital détenu par cette dernière ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, alors même qu'il aurait usé de ces sommes pour assurer une partie de ses dépenses personnelles et de celles de son fils, et que les seuls mouvements sur son compte propre ouvert à la banque San Paolo ne sont constitués que de remboursements de frais médicaux ou d'assurance, M. X ne justifie ni de ce qu'il n'aurait disposé d'aucun revenu, ni de ce qu'il aurait pu financer son train de vie par des revenus ou ressources non imposables ;
Sur les pénalités :
Considérant que les droits à l'impôt sur le revenu, assignés à M. X ont été assortis de la majoration de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au titre des années 1997 et 1998, en cas de défaut de souscription de la déclaration à laquelle est tenue le contribuable, et en dépit de l'envoi par le service de deux mises en demeure ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que, d'une part, le législateur a prévu dans le code général des impôts plusieurs sanctions qui visent à réprimer des comportements de non-respect des obligations déclaratives, de gravité croissante ; que le pouvoir de contrôle de l'administration fait partie intégrante du système déclaratif, dont il constitue la contrepartie nécessaire ; que, dans ces conditions, l'amende sanctionnant l'infraction de défaut de souscription de déclaration malgré mise en demeure, appartient à un même ensemble de sanctions qui étaient prévues aux articles 1728, 1729 et 1730 du même code réprimant les comportements de retard, d'insuffisance ou d'omission de déclaration et même d'opposition à contrôle fiscal ; que les taux de la pénalité fiscale prévus par ces articles étaient de 10 %, 40 %, 80 % et 150 % ; que les dispositions des articles 1728, 1729 et 1730 du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende visait à réprimer ; qu'en outre, les dispositions de l'article 1728 prévoyaient des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai était constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux mises en demeure infructueuses ou encore opposition à contrôle fiscal ; que la loi elle-même avait ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que, par suite les dispositions de l'article 1728 dont a fait application le service pour infliger à M. X une majoration de
80 % n'étaient pas incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'application du principe de rétroactivité de la loi nouvelle plus douce :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxe, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter un acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti (...) d'une majoration de 10 % (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ; 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première. ; que, dans la rédaction de cet article 1728, issue de l'ordonnance susmentionnée du 7 décembre 2005 applicable à compter du 1er janvier 2006, la majoration de 40 % a été maintenue selon les mêmes conditions de mise en oeuvre mais celle de 80 % ne s'applique plus qu'en cas de découverte d'une activité occulte ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X a été régulièrement taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre des années 1997 et 1998 pour défaut de déclaration de ses revenus ; que toutefois en vertu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ... ; que découle de ce principe la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs d'infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts n'ont pas pour objet la seule réparation d'un préjudice pécuniaire subi par le Trésor, mais instituent une sanction tendant à réprimer les agissements qui y sont mentionnés et à en empêcher la réitération ; que, par suite, le principe susmentionné s'étend aux pénalités qu'elles prévoient ; qu'en l'espèce, il y a lieu, pour le juge d'appel, alors que dans sa nouvelle rédaction, l'article 1728 du code général des impôts n'est pas plus contraire à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que dans son ancienne version et alors qu'il est constant que le requérant n'a pas déposé ses déclarations de revenus au titre des années 1997 et 1998, dans les trente jours suivant la réception régulière et effective d'une première mise en demeure datée du 2 mars 2000, de prononcer d'office la décharge des pénalités qui ont été appliquées au titre des années 1997 et 1998 à concurrence de la différence entre le montant de celles infligées à un taux de 80 % et celui résultant du taux de 40 % résultant de la nouvelle rédaction applicable de l'article 1728 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté la totalité de sa demande tendant à la décharge des pénalités qui lui ont été infligées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : M. X est déchargé des pénalités mises à sa charge au titre des années 1997 et 1998 dans la mesure de la différence entre le montant des majorations qui lui ont été assignées, calculées au taux de 80 %, et celui résultant de l'application du taux de 40 % prévu par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 2 mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 06MA01418 2