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04/12/2008 | FRANCE | N°06MA00431

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2008, 06MA00431


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2006, présentée pour M. Roger X demeurant à ..., par Me Orbillot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105100 en date du 5 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ainsi que des pénalités qui les ont assorties ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 eu

ros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 10 février 2006, présentée pour M. Roger X demeurant à ..., par Me Orbillot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105100 en date du 5 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ainsi que des pénalités qui les ont assorties ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, présenté le 26 octobre 2006, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2008 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SNC Cultures et Jardins, dont l'activité consiste à mettre son savoir-faire et ses connaissances, dans le cadre de contrats de franchise, à la disposition de toute personne désirant créer ou développer un supermarché de fournitures de produits et de services dans le domaine agricole, l'administration fiscale a remis en cause la déduction au titre des années 1994 et 1995 par la société de charges exceptionnelles constituées par des abandons de créances consentis à sa filiale, la SARL Ferval et par des versements effectués au profit de la société Auxicomi ; que M. X a été, en sa qualité d'associé de la SNC Cultures et Jardins, assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1994 et 1995 ; qu'il relève appel du jugement en date du 5 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge de ces impositions ainsi que des pénalités qui les ont assorties ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que d'après l'article 60 de ce code, les sociétés de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels ; qu'en vertu de l'article L.53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci ; que les articles L.55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles d'une part, les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une notification de redressement motivée, et d'autre part, le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur le redressement notifié, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seule la société de personnes peut soumettre à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le désaccord persistant sur les redressements qui lui ont été notifiés ; qu'alors même que la réponse de l'administration adressée à titre personnel à M. X en réponse à ses observations mentionnait la faculté de saisir la commission, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le refus de l'administration de saisir la commission au sujet des redressements correspondant à sa quote-part des résultats de la SNC Cultures et Jardins serait de nature à vicier la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les abandons de créances consentis par la SNC Cultures et Jardins à la SARL Ferval :

Considérant que la SNC Cultures et Jardins a procédé à l'abandon des créances qu'elle détenait sous la forme de comptes courants créditeurs auprès de la SARL Ferval, société qui est sa filiale à 99,99 %, pour des montants s'élevant à 380 465 francs en 1994 et 190 232 francs en 1995 ;

Considérant que les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant que si le requérant soutient qu'il était de l'intérêt pour la SNC Cultures et Jardins de venir en aide à sa filiale, dont elle détenait la quasi totalité du capital et dont l'activité contribuait à la stratégie commerciale de développement de l'enseigne de la société mère, afin d'éviter que la mise en liquidation judiciaire de la SARL Ferval ne compromette le renom de cette dernière, l'administration fiscale fait valoir sans être contredite que la SARL Ferval n'exerçait plus d'activité depuis le 16 décembre 1991 et n'avait plus d'existence de fait dès lors que le courrier qui lui était adressé était retourné avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » et que les informations obtenues auprès du registre du commerce et des sociétés indiquaient qu'elle se trouvait en cessation de paiement ; qu'il ne résulte en outre pas de l'instruction que le retour de la SARL Ferval à une activité normale ait été sérieusement envisagé à la date des opérations litigieuses ; que, dans ces conditions, l'aide apportée par la SNC Cultures et Jardins, qui se trouvait elle-même en situation déficitaire à hauteur de plus d'un million de francs au titre de chacune des années 1994 et 1995, à la SARL Ferval, plus de trois années après la cessation d'activité de fait de cette dernière société, ne peut être regardée comme justifiée par la contrepartie alléguée par M. X ; que, par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe que les abandons de créances consentis par la SNC Cultures et Jardins à la SARL Ferval ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'une gestion commerciale normale et que le montant des sommes ainsi abandonnées a été réintégré à bon droit dans les résultats de la SNC Cultures et Jardins ;

En ce qui concerne les charges constituées par les versements effectués par la SNC Cultures et Jardins au profit de la société Auxicomi :

Considérant que la SCI Etoile du Rhône, alors dénommée SCI de l'Etoile, dont la totalité des parts est détenue par la SNC Cultures et Jardins soit directement pour 125 parts sociales soit indirectement par l'intermédiaire de la SARL Ferval, qui possède les 2 375 autres parts sociales, a pris en location en 1990, par un contrat de crédit-bail immobilier à la société Auxicomi, un immeuble à usage commercial ; que le requérant s'est porté caution solidaire à hauteur d'un million six cent soixante mille francs de la SCI de l'Etoile ; que celle-ci a connu des difficultés de paiement de ses loyers qui ont amené la société Auxicomi à saisir la juridiction judiciaire compétente pour obtenir paiement de sa créance ; que la SCI de l'Etoile et M. X ont été condamnés solidairement le 10 décembre 1992 à verser à la société Auxicomi une provision d'un montant de 458 915 francs ; qu'enfin, par un protocole d'accord non daté passé entre la société Auxicomi, d'une part, et la SCI de l'Etoile, M. X et la SNC Cultures et Jardins d'autre part, il a été décidé que cette dernière société se substituerait au requérant dans le cadre de son engagement de caution à l'égard de la société Auxicomi pour verser le solde des loyers impayés, cette dernière société acceptant de limiter sa créance à hauteur de la somme d'un million six cent soixante mille francs correspondant au montant de l'engagement de caution ; qu'en exécution de ce protocole, la SNC Cultures et Jardins a procédé à l'inscription en charges exceptionnelles de deux versements effectués au profit de la société Auxicomi pour un montant de 679 930 francs en 1994 et de 645 201 francs en 1995 ;

Considérant que l'exécution, par une société, d'opérations présentant un avantage pour un associé ne peut être regardée comme étrangère à une gestion commerciale normale que s'il est établi, compte tenu, le cas échéant, des règles gouvernant la charge de la preuve, que l'avantage consenti était contraire ou étranger aux intérêts de la société ;

Considérant qu'il résulte des faits susrelatés que les sommes versées à la société Auxicomi par la SNC Cultures et Jardins en 1994 et 1995 et comptabilisées en charges exceptionnelles constituent une aide accordée par cette dernière société à la SCI de l'Etoile et au requérant, en sa qualité de caution solidaire de la SCI ; que l'aide ainsi apportée par la SNC Cultures et Jardins à M. X ne comportait aucune contrepartie commerciale ou financière directe ; que si M. X fait état de contreparties indirectes en soutenant que l'immeuble pris en crédit-bail par la SCI était indispensable à l'activité de la SARL Ferval, qui le prenait en sous-location et dont il importait au surplus d'éviter la mise en redressement judiciaire compte tenu du rôle joué par la SARL dans la stratégie commerciale développée par la SNC Cultures et Jardins, la SARL Ferval, comme il a été dit, avait cessé toute activité de fait depuis trois ans à la date des versements effectués au profit de la société Auxicomi ; que les versements effectués par la SNC Cultures et Jardins au profit de la société Auxicomi doivent donc être regardés comme des opérations consentant un avantage à un associé et étrangères aux intérêts de la société ; que, par suite, à raison de ce chef de redressement également, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que ces opérations ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'une gestion commerciale normale et que le montant des sommes versées à la société Auxicomi a été réintégré à bon droit dans les résultats de la SNC Cultures et Jardins ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'il résulte de l'examen des notifications de redressements datées du 4 juillet 1997 adressées à la SNC Cultures et Jardins et à M. X à titre personnel que le vérificateur a indiqué que « compte tenu de la nature des infractions relevées (abandon des créances, libéralité consentie à une société ayant le même dirigeant), de leur caractère grave et répété (importance des sommes en cause et analogie des chefs de redressement notifiés lors d'un précédent contrôle), votre bonne foi ne peut être retenue » et qu'«aucun des associés de la SNC ne pouvait ignorer l'intérêt fiscal présenté par l'imputation des charges en cause (...) sur le résultat de la SNC (...), celle-ci ayant une conséquence directe sur leur revenu global respectif » ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette motivation, qui rappelle l'intention délibérée non seulement de la société mais de chacun de ses trois associés d'éluder l'impôt, serait insuffisante ou non personnalisée ; qu'en outre, les premiers juges ont relevé à bon droit que la circonstance que la réponse aux observations du contribuable du 25 mars 1998 n'a pas été signée par un inspecteur principal ne pouvait être utilement invoquée dès lors que cette réponse s'est bornée à confirmer la motivation des pénalités précédemment développée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roger X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

2

N° 06MA00431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00431
Date de la décision : 04/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SEP MATEU BOURDIN ALBISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-12-04;06ma00431 ?
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