Vu la requête enregistrée le 16 août 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par Me Alain Deguitre, avocat, pour M. Vincent X élisant domicile ...), ainsi que pour ses parents, M. Serge X et Mme Anne X, élisant domicile ...) ;
Les requérants demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 3 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant :
a) à l'annulation de la lettre du ministre de l'éducation nationale du 5 novembre 2001 refusant d'annuler le concours de l'École supérieure de commerce de
Marseille-Provence (ESCMP) organisé pour la session de 1998 et de suspendre à titre conservatoire les diplômes devant être décernés aux élèves admis à cette session ;
b) à l'annulation du concours d'entrée de l'ESCMP, session 1998, et, par voie de conséquence, à l'annulation de la liste d'admission et de la liste d'attente des candidats reçus au concours de 1998 ;
c) à ce que soit ordonnée toute mesure conservatoire utile ;
d) à l'annulation de la décision implicite de rejet, par le ministre de l'éducation nationale, de leur demande du 8 février 2002 tendant à obtenir la communication de différentes pièces ;
e) à ce qu'il soit ordonné au ministre de leur communiquer la délibération du jury ou la décision publiant les résultats du concours ;
2°/ de faire droit à leur demande de première instance ;
3°/ de condamner le ministre de l'éducation nationale au paiement de 3050 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2008 :
- le rapport de M. Gonzales, président-rapporteur,
- les observations de Me Deguitre pour les consorts X,
- les observations de Me Itrac pour la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence,
- et les conclusions de M. Brossier, commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article L.311-1 du code de justice administrative : « les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, le juge de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l'objet du litige ou l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduisent à attribuer au Conseil d'État » ; qu'aux termes de
l'article R.311-1 du même code : « Le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort... 4e des recours dirigés contre les décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale » ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, notamment de celles qui ont été versées par les parties à la suite de l'arrêt avant-dire droit du 13 novembre 2007, que, si le concours de l'Ecole supérieure de commerce de Marseille-Provence est organisé dans le cadre d'une filière dénommée «Ecricome » commune à d'autres écoles de commerce, les épreuves orales se déroulent dans chaque école devant un jury indépendant qui établit un classement pour l'admissibilité et l'admission des candidats en fonction de coefficients différents selon les écoles ; qu'ainsi, en l'absence de jury commun qui présenterait les caractéristiques d'un organisme collégial à compétence nationale, l'objet du litige soumis au tribunal administratif en ce qui concerne le concours de 1998 ressortissait à sa compétence ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.411-6 du code de justice administrative : « À l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R.751-1 à R.751-4, les actes de procédure sont accomplis à l'égard du mandataire... » ; qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants de première instance ont été avertis du jour où l'affaire devait être appelée à l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à leur mandataire, à l'adresse indiquée par ce dernier au greffe du Tribunal administratif de Marseille ; qu'ils ne sont donc pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas été régulièrement convoqués à l'audience par le tribunal, nonobstant la circonstance que le courrier soit revenu au tribunal revêtu de la mention : « n'habite pas à l'adresse indiquée » ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a suffisamment répondu à leurs moyens tirés d'une part, du caractère arbitraire de la notation de l'épreuve d'entretien subie par M. Vincent X et, d'autre part, de la compétence du ministre chargé de l'éducation nationale pour annuler le concours d'entrée à l'École supérieure de commerce de Marseille-Provence (ESCMP) ou pour suspendre les diplômes délivrés à l'issue de la scolarité des candidats admis à ce concours, en retenant, dans le premier cas, que les éléments produits par les intéressés ne suffisaient pas à eux seuls à établir que le jury aurait fondé son appréciation sur d'autres éléments que la valeur des épreuves subies par les candidats et, dans le second cas, que le ministre ne tirait d'aucun texte compétence pour annuler le concours ou pour suspendre à titre conservatoire les diplômes devant être décernés aux lauréats ;
Sur la recevabilité de la requête de première instance présentée à fin d'annulation, enregistrée sous le n° 01-07588 :
Considérant que cette requête contient des conclusions de M. Vincent X tendant expressément à l'annulation du concours d'entrée à l'ESCMP organisé en 1998 ; que, contrairement à ce que soutient la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence, la seule qualité de candidat à ce concours suffit à lui conférer intérêt pour en demander l'annulation, nonobstant la circonstance qu'il ait été finalement déclaré admis à ce concours après avoir été inscrit sur une liste d'attente ; que, par ailleurs, compte tenu de l'objet de ces conclusions qui tendent à l'annulation d'un concours, c'est à tort que le ministre chargé de l'éducation nationale soutient qu'elles ne seraient recevables qu'en tant qu'elles concerneraient l'attribution d'une note de 5,50/20 à l'épreuve d'entretien subi par M. X et l'inscription de ce dernier en liste d'attente ;
Considérant, par ailleurs, qu'à la date d'enregistrement de cette requête,
M. Vincent X, né le 13 décembre 1978, était majeur ; que si son père,
M. Serge X, est recevable, en sa qualité de président de certains jurys d'entretien oral du concours en litige, à demander l'annulation de ce concours, en revanche, sa mère,
Mme Anne X, ne fait état d'aucun intérêt lui donnant objectivement qualité pour contester le concours ; que les deux parents sont par ailleurs sans intérêt pour contester le refus du ministre d'annuler ledit concours ou de suspendre à titre conservatoire le visa des diplômes devant être délivrés en fin de scolarité, opposé à une demande que lui avait présentée
M. Vincent X ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'admettre la recevabilité de l'ensemble des conclusions de M. Vincent X, ainsi que des conclusions de M. Serge X dirigées contre le concours, et de soulever d'office l'irrecevabilité du surplus des conclusions de M. Serge X et de Mme Anne X ;
Sur le rejet des conclusions de la requête n° 01-07588 dirigées contre le concours de l'ESCMP :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du règlement pédagogique de l'ESCMP, que l'épreuve orale d'entretien au concours d'entrée était appréciée selon quatre critères : motivation et dynamisme, qualités relationnelles, qualités intellectuelles et capacités d'engagement ; que, dans la pratique, le jury attribuait à cette épreuve une notation littérale,
A (excellent), B (bon ),C (moyen), E (très insuffisant), qui était ensuite traduite en note chiffrée ; qu'en l'espèce, M. Vincent X, dont l'appréciation littérale finale à l'entretien était B, avec B dans chacune des rubriques considérées, a finalement obtenu à cette épreuve la note chiffrée de 5,50 sur 20, soit, avec un coefficient de 10, une note de 22, 5 sur 100 ; que cette disproportion manifeste entre la valeur de l'appréciation littérale et celle donnée par la note chiffrée, qui se trouve reproduite dans le cas de plusieurs autres candidats signalés par
M. X, ne peut être regardée, en l'absence de toute justification plausible fournie par la Chambre de commerce et d'industrie gestionnaire de l'ESCMP, que comme procédant de la prise en considération d'autres critères que la valeur des candidats aux épreuves orales d'admission, entachant ainsi d'illégalité les résultats de ce concours ; que M. Vincent X et M. Serge X sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté leur requête sur ce point et à en demander la réformation ;
Sur le rejet des conclusions dirigées contre la décision du ministre de l'éducation nationale, en date du 5 novembre 2001, refusant d'annuler le concours de l'ESCMP :
Considérant, en premier lieu, que le Tribunal administratif de Marseille était territorialement compétent pour statuer sur ces conclusions en raison de leur lien de connexité avec les conclusions des requérants examinées ci-dessus, au sens de l'article R.342-1 du code de justice administrative ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.443-1 du code de l'éducation : « Les écoles créées et administrées par les chambres de commerce et d'industrie en vertu de l'article 14 de la loi du 9 avril 1898 relative aux chambres de commerce et d'industrie sont soumises au régime des établissements visés à l'article L.443-2.» ; qu'aux termes de ce dernier article : « Les conditions dans lesquelles des écoles techniques privées légalement ouvertes peuvent être reconnues par l'État sont fixées par décret en conseil d'État. Le bénéfice de la reconnaissance peut toujours être retiré dans les mêmes conditions (...) Des certificats d'études et des diplômes peuvent être délivrés dans les conditions déterminées par arrêté ministériel après avis du Conseil supérieur de l'éducation, par les écoles techniques privées reconnues par l'État.» ; qu'il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre que le ministre peut intervenir dans les opérations du concours d'entrée à l'Ecole supérieure de commerce de
Marseille-Provence et en prononcer l'annulation ; que, dans ces conditions, si le recteur appose le visa de l'État sur certains diplômes universitaires, la seule circonstance que les opérations de ce concours soient critiquées par la voie contentieuse ne crée aucune obligation pour l'autorité administrative de suspendre à titre conservatoire les diplômes devant être délivrés aux élèves issus de ce concours ; qu'il en résulte que M. Vincent X n'est pas fondé à se plaindre du rejet, par les premiers juges, de ses conclusions dirigées contre le refus du ministre de l'éducation nationale opposé à sa demande tendant à ce qu'il prononce, en sa qualité d'autorité de tutelle de l'école de commerce, l'annulation du concours ou la suspension, à titre conservatoire, des diplômes ;
Sur le rejet des conclusions de la requête n° 02-03106 dirigée contre le refus implicite du ministre de communiquer certains documents :
Considérant, en premier lieu, que, parmi ces documents, le procès-verbal de la délibération du jury du concours a été réclamé directement par la Cour dans le cadre de l'instruction du litige principal relatif au concours ; que, compte tenu du lien de connexité entre les questions relatives à l'accès aux documents litigieux et le litige principal, il y a lieu pour la Cour, dans un souci de bonne administration de la justice, d'y statuer directement ;
Considérant, d'une part, que, dès lors qu'il vient d'être dit que le ministre n'est pas habilité à intervenir dans les opérations du concours d'entrée dans une école de commerce gérée par la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence, cette autorité ne peut ni détenir, ni a fortiori communiquer, le procès-verbal des délibérations du jury du concours d'entrée dans ladite école ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions du requérant dirigées contre le refus implicite du ministre de communiquer ces documents ;
Considérant, d'autre part, que si M. Vincent X se plaint en cause d'appel de n'avoir pas reçu communication de la délibération du jury de l'examen d'entrée de 1998, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a jamais saisi le ministre de l'éducation nationale d'une telle demande et n'a donc suscité l'intervention d'aucune décision sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête n° 02-03106 ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence, qui succombe dans la présente instance, ne peut prétendre au remboursement de ses frais de procédure ;
Considérant qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à MM. Vincent et Serge X la somme de 1500 euros au titre de leurs frais de procédure et de la mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le concours d'entrée à l'Ecole supérieure de commerce de Marseille-Provence organisé au titre de 1998 est annulé.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 3 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence est condamnée à verser 1500 euros (mille cinq cents euros) à MM. Vincent et Serge X en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Vincent X, à M. Serge X, à
Mme Anne X, à la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence, et au ministre de l'éducation nationale.
04MA01819
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