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12/06/2007 | FRANCE | N°07MA00580

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 12 juin 2007, 07MA00580


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 février 2007 sous le n° 07MA00580, présentée pour M. Mohamed X, élisant domicile ... par Me Donati, avocat ; M. Mohamed X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700096 du 25 janvier 2007 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a décidé sa reconduite à la frontière et à condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au

titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annule...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 février 2007 sous le n° 07MA00580, présentée pour M. Mohamed X, élisant domicile ... par Me Donati, avocat ; M. Mohamed X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700096 du 25 janvier 2007 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a décidé sa reconduite à la frontière et à condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté ainsi que la décision du même jour décidant de son placement en rétention ;

3) d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 5 jours à compter de la notification de l'arrêt à venir

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l' intégration, notamment ses articles 52 et 118 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006, publié au Journal officiel du 29 décembre 2006, modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er décembre 2006 par laquelle le président de la Cour a notamment désigné M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS, président, pour statuer sur les appels formés devant la Cour contre les jugements statuant sur des recours en annulation d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2007 à laquelle siégeait M. Duchon-Doris, président désigné :

- les observations de Me Donati pour M. X ;

- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la rédaction du jugement attaqué, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a, au cours de l'audience du 25 janvier 2007, procédé de sa propre initiative à une substitution de base légale concernant la décision de reconduite litigieuse et mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ; qu'il a ainsi considéré que l'arrêté de reconduite trouvait son fondement dans le 1° ou 2° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, et que ces dispositions pouvaient dès lors être substituées à celles du 3° de ce même article ;

Considérant, toutefois, que si le juge de l'excès de pouvoir peut, à la demande de l'auteur de la décision ou d'office, substituer un texte à celui qui a servi de base légale à la décision d'éloignement contestée dans le cas où celle-ci aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un texte différent de celui dont la méconnaissance est invoquée, c'est à la condition impérative que l'intéressé ne soit pas privé des garanties procédurales dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'en l'espèce, la substitution de base légale, relevée d'office par le premier juge au cours même de l'audience, ne pouvait être décidée dès lors qu'elle avait pour effet de priver le requérant des nouvelles garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ; qu'en effet, l'étranger qui est éloigné selon la procédure de l'obligation de quitter le territoire dispose notamment, à compter de la notification de la mesure d'éloignement, d'un délai d'un mois pour quitter le territoire français, d'un délai identique, au surplus suspensif, pour demander l'annulation de cette mesure au tribunal administratif qui, lui-même, dispose d'un délai de trois mois pour y statuer en formation collégiale ; que de telles garanties de procédure ne sont pas offertes à l'étranger faisant l'objet d'une reconduite à la frontière relevant du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; que, dès lors, le jugement critiqué doit être regardé comme entaché d'une irrégularité substantielle et doit par suite être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. X devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : « I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (…). L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, sauf s'il a été placé en rétention. II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1º Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2º Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; 4º Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ; 5º Si l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification, établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour ; 6º Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; 7º Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public. 8º Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2º ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail. » ; qu'en vertu des articles 52 et 118 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, les dispositions des 3° et 6° du II de l'article L. 511-1 précité ont été abrogées à compter du 29 décembre 2006, date de publication du décret susvisé modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;

Considérant que, par arrêté du 23 janvier 2007, le préfet de la Haute-Corse a pris à l'encontre de M. X une mesure de reconduite à la frontière et fixé le Maroc comme pays de destination ; qu'il ressort de l'examen des motifs de cette décision, que le préfet s'est fondé explicitement sur le refus de délivrance de titre de séjour qui avait été opposé à l'intéressé ainsi que sur les dispositions, pourtant abrogées, du 3° de l'article L. 511-1 précitées, pour prononcer la décision litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision de reconduite à la frontière en litige, prise à l'encontre de M. Mohamed X, doit être annulée comme non fondée ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté fixant le pays de renvoi :

Considérant que l'arrêté préfectoral fixant le pays de renvoi doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2006 de maintien en rétention :

Considérant qu'aux termes de l'article L.551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (…) 3º Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L.511-1 à L.511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (…) . » ;

Considérant que l'annulation de la mesure d'éloignement prive de toute base légale la décision de placement en rétention administrative ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler cette dernière décision ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt qui prononce l'annulation de l'arrêté attaqué pour défaut de base légale n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, les conclusions de la requête de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à la suite de l'annulation par le juge administratif d'un arrêté de reconduite à la frontière, il appartient à l'autorité administrative, d'une part, de munir sans délai l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, de statuer à nouveau sur son cas dans un délai raisonnable afin de le placer dans une situation régulière au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que le présent jugement, qui annule l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X, implique nécessairement que ce dernier soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet de la Haute-Corse ait à nouveau statué sur son cas ; que, par suite, il y a lieu, en application des dispositions combinées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de munir M. Mohamed X d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait statué sur son cas, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de M. Mohamed X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative précité, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 25 janvier 2007 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. Mohamed X par le préfet de la Haute-Corse le 23 janvier 2007 ainsi que la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Corse de munir M. Mohamed X, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait statué sur sa situation.

Article 4 : L'Etat est condamné à payer à M. Mohamed X la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed X et au ministre de l'intérieur.

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N° 07MA00580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 07MA00580
Date de la décision : 12/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-06-12;07ma00580 ?
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