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08/01/2007 | FRANCE | N°03MA00917

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2007, 03MA00917


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 mai 2003 sous le n°03MA00917, présentée par Me Deplano, avocat, pour la société CARILLION BTP, venant aux droits de la société SA NICOLETTI, dont le siège est zone industrielle, 1ère avenue, à Carros le Broc (06510) ;

La société demande à la Cour :

1) de réformer le jugement n° 97-03607 du 23 octobre 2002, notifié le 19 mars 2003, par lequel le Tribunal administratif de Nice :

a) a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de

4.739.301,20 F TTC soit 722.501,81 euros, arrêtée au 30 octobre 1998, en réparation du...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 mai 2003 sous le n°03MA00917, présentée par Me Deplano, avocat, pour la société CARILLION BTP, venant aux droits de la société SA NICOLETTI, dont le siège est zone industrielle, 1ère avenue, à Carros le Broc (06510) ;

La société demande à la Cour :

1) de réformer le jugement n° 97-03607 du 23 octobre 2002, notifié le 19 mars 2003, par lequel le Tribunal administratif de Nice :

a) a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 4.739.301,20 F TTC soit 722.501,81 euros, arrêtée au 30 octobre 1998, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi consécutivement aux sujétions imprévues qui ont affecté selon elle l'exécution du marché du 3 août 1994 ayant pour objet des travaux de génie civil relatifs à l'aménagement de la R.N. 7 entre les sections PR 59-421 et PR 60-644

b) a fait partiellement droit à sa demande d'intérêts moratoires en appliquant ces derniers sur la somme de 1.696.613,10 F HT (258.647 euros) à compter du 25 février 1996, avec capitalisation des intérêts échus au 8 septembre 1997, 12 novembre 1998, 8 novembre 1999 et 30 août 2002 ;

c) a mis à sa charge les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 125.701,64 F (19.163,09 euros) ;

2) de condamner l'Etat à lui verser à titre indemnitaire la somme de 722.501,81 euros (4.739.301,20 F ) augmentée des intérêts moratoires, des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation ;

3) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

…………………………….

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 27 octobre 2003, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui conclut au rejet de la requête ;

…………………………….

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 22 novembre 2006, présenté par Me Deplano, avocat, pour la société CARI, venant aux droits de la société CARILLION BTP, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

……………………………

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2006:

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Deplano, avocat, pour la société CARI,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un marché de travaux publics du 3 août 1994, la société SA Nicoletti, aux droits de laquelle vient la société appelante CARILLION BTP, s'est vue confier par l'Etat (ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer) les travaux d'élargissement des tronçons PR59-421 et PR60-644 de la R.N. 7 dans le sens Monaco-Nice ; que la masse des travaux consistant en des opérations de terrassement, de soutènement et de revêtement de chaussée, initialement prévue pour un montant de 8.392.761,70 F HT, a été portée à la somme de 9.192.340 F HT par avenant du 28 octobre 1996 ; que l'entrepreneur SA Nicoletti, qui a accepté cet avenant en émettant des réserves quant à des sujétions imprévues et des travaux supplémentaires ordonnés mais insuffisamment payés, a demandé à ce titre devant le Tribunal administratif de Nice une indemnisation totale de 4.739.301,20 F TTC, incluant des intérêts moratoires ;

Considérant que l'appelante soutient que les difficultés qu'elle a rencontrées sur le chantier, nées de la sous-estimation de la quantité de la roche à briser et des dimensions des tranchées à creuser, ainsi que de la présence non prévue d'autres intervenants, de la réalisation d'une partie des opérations la nuit et de la modification des plans de circulation, présenteraient un caractère imprévisible de nature à justifier une indemnisation ;

Considérant, en premier lieu et en ce qui concerne les difficultés rencontrées quant à la nature géologique du terrain, qu'il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise indique que le dossier de l'appel d'offres contenait une erreur sur la nature de la roche à briser en mentionnant une brèche rouge entre les profils 10 à 48, à la place d'une roche calcaire jurassique, soit sur 38 % des 1.214 mètres linéaires prévus ; que dans ces conditions, les renseignements géologiques communiqués par l'Etat à l'entrepreneur préalablement à la conclusion du marché, qui ont gravement sous-évalué la longueur de la couche de roche dure à briser, ont constitué un obstacle à la bonne réalisation du chantier par l'entreprise ; que ni les circonstances que le marché a été conclu à forfait et que le prix du marché s'entendait quelle que soit la nature des terrains rencontrés, ni les stipulations des articles 1.02 « consistance des travaux » et 3.06 « déblais » du cahier des clauses techniques particulières autorisant l'utilisation du brise-roche hydraulique, ne sont de nature à exclure l'indemnisation de l'entrepreneur, dans la mesure où celui-ci justifie que les difficultés imprévues qu'il a rencontrées ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ; que tel est bien le cas en l'espèce du fait de l'importance des dépenses supplémentaires exposées par la société CARILLION BTP pour surmonter les obstacles ci-dessus mentionnés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'incertitude des renseignements géologiques fournis par l'administration sur l'existence de roche dure ne pouvait être ignorée par un entrepreneur expérimenté en la matière comme la société SA Nicolletti, dont il est constant qu'elle avait obtenu des marchés similaires dans des secteurs géographiques voisins ; que l'entreprise a ainsi sous-estimé les difficultés du chantier qui étaient à attendre de cette structure géologique et qu'elle doit également supporter les dépenses supplémentaires qui sont résultées pour elle de cette erreur d'appréciation ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 50 % la part de responsabilité de l'Etat dans la survenance des difficultés rencontrées lors du bris de la roche calcaire dure entre les profils 10 à 48 ; qu'il ressort du rapport d'expertise, qui n'est pas contesté sur ce point, que le préjudice subi à ce titre par l'entrepreneur s'élève à 417.780 F HT (503.842,68 F TTC, soit 76.810,32 euros) ; qu'il résulte de ce qui précède que la société CARI, venant aux droits de la société CARILLION BTP, elle-même venant aux droits de la SA Nicolletti, est fondée à demander à la Cour de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité de 38.405,16 euros TTC, compte-tenu du partage de responsabilité susmentionné ;

Considérant, en deuxième lieu et en ce qui concerne la sous-estimation des dimensions des tranchées à creuser, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la vétusté de l'ancienne conduite d'adduction en eau, découverte en cours de chantier et nécessitant la mise en place d'une conduite de diamètre 300 plus longue que prévue, ainsi que la nécessité de réaliser des surdimensionnements non prévues afférents à des conduites de diamètre 500 et 600, ont généré des surcoûts pour l'entrepreneur ; que ce dernier ne conteste toutefois pas sérieusement en appel que ces surcoûts lui ont été indemnisés par l'avenant n°1 qui a appliqué aux longueurs, largeurs et profondeurs supplémentaires finalement réalisées les tarifs unitaires du contrat, lesquels pouvaient valablement être utilisés pour des travaux de même nature ; qu'il y a lieu dans ces conditions pour la Cour de confirmer sur ce point le jugement attaqué par adoption des motifs des premiers juges ;

Considérant, en troisième lieu et en ce qui concerne les autres sujétions imprévues invoquées, que l'appelante soutient que la présence sur le chantier des concessionnaires de divers réseaux (E.D.F. et C.G.E.), non prévue selon elle, aurait généré des retards et des surcoûts dans la réalisation de son chantier ; qu'il résulte de l'instruction que le cahier des clauses techniques particulières, notamment son article 1.02 « consistance des travaux », stipulait que les déplacements des réseaux concédés ne seraient pas compris dans le marché, signifiant ainsi qu'ils étaient prévus concomitamment aux opérations d'affouillement et de terrassement, sans être à la charge de la société SA Nicoletti ; que, dans ces conditions, la présence simultanée des entreprises des concessionnaires chargés de déplacer leurs réseaux, lors des travaux d'affouillement et de terrassement, ne peut être regardée comme présentant un caractère imprévisible et exceptionnel de nature à justifier une indemnisation, compte également tenu de l'expérience en la matière de la société SA Nicolletti ; que, de même, la sujétion imposée consistant à réaliser plus de travaux de nuit que prévus ne peut non plus être regardée comme présentant un caractère imprévisible et exceptionnel de nature à justifier une indemnisation, eu égard au trafic existant sur la R.N. 7 et compte également tenu de l'expérience en la matière de la société SA Nicolletti ; qu'il est en de même de la modification des plans de circulation qui ne revêt pas un caractère exceptionnel en l'espèce ; qu'il s'ensuit que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'indemnisation des sujétions imprévues nées de la présence des concessionnaires susmentionnés, de travaux de nuit et de certaines modifications des plans de circulation, par un jugement qui est suffisamment motivé sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est fondée à demander à la Cour de réformer le jugement attaqué qu'en tant qu'il rejette sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables des difficultés rencontrées sur le chantier nées de la géologie du terrain ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser, à ce titre, l'indemnité susmentionnée de 38.405,16 euros TTC ;

Sur les intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché litigieux: « I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser trente-cinq jours (…) / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal (…) » ; que l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976, applicable au marché litigieux dispose: « 13-34 : Le projet de décompte final établi par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte final (...) 13-42 : Le décompte général signé par la personne responsable du marché doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : quarante cinq jours après la date de remise du projet de décompte final » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et ainsi que l'a relevé le Tribunal par le jugement litigieux qui n'est pas querellé sur ce point, que l'entrepreneur a adressé son projet de décompte final le 10 janvier 1996 et qu'en application des dispositions précitées, ce dernier a droit aux intérêts moratoires appliqués sur le solde du marché à compter du 25 février 1996 ; que dans ces conditions, l'appelante a droit aux intérêts moratoires prévus par l'article 178 du code des marchés publics appliqués sur l'indemnité susmentionnée de 38.405,16 euros TTC à compter du 25 février 1996 ; qu'en application de l'article 1154 du code civil, ces intérêts porteront eux-même intérêts le 8 septembre 1997, date de la demande de leur capitalisation à laquelle une année était échue, puis le 8 septembre 1998 et à chaque année échue à compter de cette date ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et compte-tenu du partage de responsabilité susmentionné, de mettre les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 19.163,09 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nice du 22 octobre 1998, à la charge de l'Etat et de la société CARI, chacun pour moitié ;

Sur l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu pour la Cour, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'appelante tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris les dépens ;

DECIDE

Article 1er: L'Etat est condamné à verser à la société CARI, venant aux droits de la société CARILLION BTP, elle-même venant aux droits de la SA Nicolletti, l'indemnité de 38.405,16 euros TTC.

Article 2 : En application de l'article 178 du code des marchés publics, cette somme de 38.405,16 euros TTC portera intérêts moratoires à compter 25 février 1996. Les intérêts porteront eux-mêmes intérêts le 8 septembre 1997, puis à chaque année échue à compter de cette date.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 19.163,09 euros, sont mis à la charge, d'une part de l'Etat à hauteur de 50 % , d'autre part de la société CARI, venant aux droits de la société CARILLION BTP, à hauteur de 50 %.

Article 4 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille en date du 23 octobre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus de la requête n°03MA00917 est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société CARI, venant aux droits de la société CARILLION BTP, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N°03MA00917 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA00917
Date de la décision : 08/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : SCP ESCOFFIER-WENZINGER-DEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-01-08;03ma00917 ?
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