Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 décembre 2003 sous le ndd03MA024350 présentée pour Mme Annick X, élisant domicile ...), par Me Weyl, avocat ;
Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montpellier n° 99-2121 du 9 octobre 2003, en tant qu'il rejette ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 31 août 1999 et du 14 septembre 1999 la suspendant de ses fonctions et de la décision implicite de l'administration refusant de lui accorder la protection prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, d'autre part, à l'indemnisation de son préjudice et au prononcé de mesures d'exécution ;
2°) d'annuler la décision de refus implicite de lui accorder la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que les décisions des 31 août et 14 septembre 1999 ;
3°) d'ordonner la publication de tout communiqué de presse de désaveu des comportements dont elle a été victime ; subsidiairement, de condamner l'Etat à lui payer une somme de 35.000 euros correspondant au coût de la publication du jugement dans plusieurs organes de presse ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 euro à raison de l'atteinte à sa dignité et à sa réputation, et une somme de 35.000 euros à raison de l'atteinte à ses conditions matérielles ainsi qu'en réparation de tous autres chefs de préjudices ;
5°) de prescrire le retrait de son dossier des documents portant atteinte à sa dignité et à son image ;
6°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2006 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, rapporteur,
- les observations de Me Weyl pour Mme X,
- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions tel que formulé à la page 2 du mémoire enregistré au greffe de la Cour le 30 août 2005, Mme X a entendu limiter ses demandes à l'annulation la décision implicite de l'administration refusant de lui accorder la protection prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et à l'indemnisation de son préjudice ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : «La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.» ; que cette disposition établit à la charge de l'Etat ou des collectivités publiques intéressées, et au profit des fonctionnaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques relatives au comportement qu'ils ont eu dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, institutrice à l'école primaire «Les Cigales» à Fabrègues (Hérault), a été mise en cause par les parents d'élèves et les enseignants de cette école dans deux lettres adressées à l'inspecteur d'académie ; que ces lettres réclamaient son départ de l'école, son placement en congé de maladie, ainsi que la vérification de son aptitude physique sur le plan psychiatrique ;
Considérant que par lettre du 10 juin 1998, Mme X demandait à l'inspecteur d'académie «d'intervenir dans [son] établissement, par telle note appropriée, pour marquer quelle a été la position de l'administration, de telle sorte que ne puisse persister l'appréciation actuelle selon laquelle [elle aurait] monté en épingle un fait anodin, d'intervenir avec la même fermeté pour rappeler l'ensemble de la communauté éducative à la nécessité de travailler ensemble, sans exclusive. Ces initiatives, et l'autorité [qu'elle a] la conviction que [l'inspecteur d'académie voudra] bien y mettre, sont seules de nature à mettre un terme à cette situation en la normalisant» ; que cette lettre doit être regardée comme une demande de protection au sens des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ;
Considérant, d'une part, que les termes des courriers adressés à l'autorité hiérarchique de Mme X contenaient, sur son aptitude physique, des appréciations d'ordre psychiatrique qui représentaient des outrages au sens du texte précité ; que l'aptitude de Mme X avait, en outre, été mise en cause par un responsable du rectorat dans un article publié dans le journal «Midi Libre» du 16 septembre 1998 et son comportement général critiqué dans plusieurs autres journaux locaux ;
Considérant, d'autre part, que le devoir de l'Etat lui imposait d'accorder sa protection à Mme X alors même qu'aucune procédure judiciaire n'avait été engagée ni à son encontre ni à l'égard de ses détracteurs; que la lettre d'ordre privé, adressée le 18 mai 1998 à Mme X par l'inspecteur d'académie, lui indiquant qu'il avait apprécié sa conduite et tiré toutes les conséquences concernant le directeur, ne peut être regardée comme ayant constitué la protection exigée par les textes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de l'inspecteur d'académie refusant de lui accorder le bénéfice de la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et sa demande d'indemnité ;
Sur la demande d'indemnités
Considérant que l'illégalité dont est entachée la décision refusant d'accorder à Mme X le bénéfice de la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressée en fixant l'indemnité due à 6.000 euros ;
Considérant, en revanche, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision illégale ait causé à Mme X un préjudice financier direct ; que la demande présentée à ce titre doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme X la somme de 1.500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 99-2121 du Tribunal administratif de Montpellier du 9 octobre 2003 est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme X tendant à l'annulation de la décision implicite de l'inspecteur d'académie refusant de lui accorder le bénéfice de la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et sa demande d'indemnité.
Article 2 : La décision implicite de l'inspecteur d'académie refusant d'accorder à Mme X le bénéfice de la protection prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 est annulée.
Article 3 : L'Etat (Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche) est condamné à verser à Mme X la somme de 7.500 euros (sept mille cinq cents euros).
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
N° 03MA02435 2