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08/09/2006 | FRANCE | N°05MA00048

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 08 septembre 2006, 05MA00048


Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 janvier 2005 sous le n° 05MA00048, présentée par Me Moulet, avocat, pour la commune de MONDRAGON, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1) de réformer le jugement du 2 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille : a) a déclaré nul, à la demande de la société RLJTP, le contrat conclu le 4 novembre 2002 entre la commune et cette société, b) l'a condamnée à verser à ladite société la somme de 16.500 euros à titre in

demnitaire, ainsi que la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés et non co...

Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 janvier 2005 sous le n° 05MA00048, présentée par Me Moulet, avocat, pour la commune de MONDRAGON, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour :

1) de réformer le jugement du 2 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille : a) a déclaré nul, à la demande de la société RLJTP, le contrat conclu le 4 novembre 2002 entre la commune et cette société, b) l'a condamnée à verser à ladite société la somme de 16.500 euros à titre indemnitaire, ainsi que la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2) de condamner la société RLJTP à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 janvier 2005 sous le n° 05MA00049, présentée par Me Moulet, avocat, pour la commune de MONDRAGON, représentée par son maire en exercice ;

La commune demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué susvisé du Tribunal administratif de Marseille en date du 2 novembre 2004 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil, notamment son article 1153 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment son article L.313-3 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2006 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux fins de la viabilisation d'une friche appartenant à la commune de MONDRAGON dans la perspective d'y édifier un nouveau stade, le maire de cette commune a accepté le 4 novembre 2002 le devis proposé par la société RLJTP pour les travaux de terrassement du terrain, incluant la démolition au brise-roche hydraulique de près de 2.500 m3 de rocher et leur transport environ à 200 mètres ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille, d'une part, a constaté la nullité de ce contrat conclu le 4 novembre 2002, d'autre part, a condamné la commune de MONDRAGON à verser à la société RLJTP la somme de 16.500 euros au titre de l'enrichissement sans cause de la commune ; que celle-ci demande, dans l'instance n° 05MA00048, la réformation de ce jugement et, dans l'instance n° 05MA00049, le sursis à son exécution ; que ces deux instances sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de MONDRAGON et tirée du décès de M. René Legroux :

Considérant que M. René Legroux a pu régulièrement introduire le 6 juin 2003 devant le Tribunal administratif de Marseille une requête au nom de la SARL RLJTP dont il était le gérant ; que la circonstance qu'il soit décédé postérieurement, le 14 juin 2004, s'avère sans incidence sur la recevabilité des prétentions de la société, personne juridique distincte désormais représentée par l'épouse de M. René Legroux devenue gérante ;

Sur la déclaration en nullité du contrat :

Considérant que le Tribunal administratif de Marseille a déclaré nul le contrat litigieux du 4 novembre 2002, au motif de l'incompétence de son signataire ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'absence de décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois (…)» ;

Considérant que le juge du contrat, qui n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation d'un contrat à l'exception des recours introduits par déféré préfectoral, peut toutefois en déclarer la nullité, à la demande d'un des co-cocontractants ; qu'un tel contentieux en déclaration de nullité d'un contrat n'est pas soumis à l'existence d'une décision préalable, dès lors que la nullité ne peut être constatée que par voie juridictionnelle, et à tout moment de la procédure ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la commune de MONDRAGON doit être rejetée ;

En ce qui concerne l'incompétence du signataire du contrat ;

Considérant, d'une part, que la commune appelante ne produit pas plus en cause d'appel qu'en première instance de délibération du conseil municipal de MONDRAGON autorisant son maire à signer le contrat litigieux du 4 novembre 2002 ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2122-22-4° du code général des collectivités territoriales, le maire d'une commune peut être chargé, par délibération de son conseil municipal et pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés de travaux qui peuvent être passés en la forme négociée en raison de leur montant, lorsque les crédits sont prévus au budget ; que si le contrat litigieux du 4 novembre 2002 doit être regardé comme un marché négocié conclu sans formalité préalable, compte tenu de son montant inférieur à 90.000 euros et en application de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur, la commune de MONDRAGON ne produit toutefois aucune délibération de son conseil municipal, antérieure au 4 novembre 2002, autorisant son maire à conclure de tels contrats en application de L. 2122-22-4° susmentionné ; que la circonstance qu'elle produise une telle délibération en date du 28 août 2003 s'avère sans incidence, dès lors que le pouvoir ainsi délégué au maire n'a pu l'être de façon rétroactive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à tort, constaté la nullité du contrat litigieux, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la société RLJTP ;

Sur les conclusions indemnitaires de la société RLJTP :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux indemnitaire :

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, la liaison du contentieux indemnitaire, par une réclamation préalable ou une décision de refus d'indemnisation, n'est pas exigée en matière de travaux publics ; que contrairement à ce que soutient la commune appelante, les travaux de terrassement réalisés par la société RLJTP, à la demande et pour le compte d'une personne publique dans le but de préparer un terrain lui appartenant servant d'assiette à la réalisation d'un nouveau stade communal, constituent des travaux publics ; que dans ces conditions, la commune de MONDRAGON n'est pas fondée à opposer une fin de non-recevoir tirée de l'absence de décision préalable liant le contentieux ; qu'en tout état de cause, une demande d'indemnisation fondée sur l'enrichissement sans cause, invoquée lors de la déclaration en nullité par le juge d'un contrat, est invocable à tout moment de la procédure juridictionnelle, y compris pour la première fois en appel ;

En ce qui concerne la responsabilité quasi-contractuelle (enrichissement sans cause) :

Considérant que le cocontractant de l'administration, dont le contrat est entaché de nullité, est fondé à réclamer le remboursement des dépenses qu'il a engagées et qui ont été utiles à la collectivité ; qu'il résulte de l'instruction que la société RLJTP a procédé à des opérations d'affouillement et de terrassement pour un volume de 1.500 m3 de déblais, sur les 2.500 m3 prévus au contrat ; que le caractère utile de ses dépenses n'est pas sérieusement contesté ; que si, par voie d'appel incident, la société RLJTP conteste l'évaluation de ces dépenses utiles fixée à 16.500 euros par les premiers juges, et qu'elle produit des factures de location pour

7.427,46 euros, elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir de façon précise le montant de 10.062,46 euros HT de mise à disposition de matériels qu'elle invoque ; que dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant lesdites dépenses utiles au montant de 16.500 euros retenu par les premiers juges ; que la circonstance que le contrat litigieux prévoyait un montant total de 5.616,40 euros, montant manifestement entaché d'une erreur matérielle au lieu de 56.164 euros, s‘avère sans incidence compte-tenu de la nullité de ce contrat ;

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle :

Considérant que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, le cocontractant peut invoquer, outre l'enrichissement sans cause, la réparation du dommage imputable à cette faute et demander à ce titre le paiement du bénéfice dont il estime avoir été privé par la nullité du contrat ;

Considérant que la société RLJTP, qui n'avait pas chiffré les conclusions relatives à son manque à gagner en première instance, demandant à cet égard aux premiers juges de procéder à une expertise, est recevable à évaluer en cause d'appel son indemnisation au montant forfaitaire de 4.000 euros ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'elle n'apporte devant le juge d'appel aucun élément, comptable ou financier, de nature à établir sérieusement qu'elle escomptait un tel bénéfice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de MONDRAGON et la société RLJTP ne sont pas fondées à se plaindre que les premiers juges ont fixé à 16.500 euros l'indemnisation de la société RLJTP ;

Sur les conclusions reconventionnelles de la commune de MONDRAGON :

Considérant que la commune de MONDRAGON invoque, à titre subsidiaire, une compensation entre l'indemnisation à verser à la société RLJTP et la créance qu'elle estime détenir sur cette dernière du fait du manquement à ses obligations contractuelles ; qu'en raison toutefois de sa nullité, le contrat en litige n'a pu faire naître d'obligations à la charge des parties ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à tort, rejeté ses conclusions reconventionnelles fondées sur l'inexécution fautive par la société RLJTP de ses obligations contractuelles ;

Sur la demande incidente de la société RLJTP relative aux intérêts au taux légal majoré et au produit de leur capitalisation :

Considérant que l'intérêt au taux légal prévu par l'article 1153 du code civil peut être majoré de cinq points en cas d'inexécution d'un jugement et en application des dispositions de l'article 3 de la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975, reprises à l'article L.313-3 du code monétaire et financier, aux termes desquelles : « En cas de condamnation, le taux de l'intérêt légal est majoré de 5 points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire (…) » ;

Considérant que la société RLJTP, qui réclame que l'indemnisation de 16.500 euros prononcée par les premiers juges soit augmentée des intérêts au taux légal majoré à compter du

4 janvier 2005, doit être regardée comme invoquant le bénéfice des dispositions précitées ; que de telles conclusions, relatives à l'exécution du jugement attaqué et formées par l'appel incident du 26 mai 2005, constituent toutefois un litige distinct de l'appel principal de la commune de MONDRAGON afférent à la réformation de la condamnation au paiement de 16.500 euros susmentionnée ; que, dans ces conditions, la demande de la société RLJTP relative aux intérêts au taux légal majoré et au produit de leur capitalisation s'avère irrecevable et ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions de la commune appelante tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué :

Considérant que le présent arrêt statuant au fond, les conclusions susmentionnées sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er: Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 04MA00049 de la commune de MONDRAGON tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille en date du 2 novembre 2004.

Article 2 : La requête n° 05MA00048 de la commune de MONDRAGON est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société RLJTP sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société RLJTP, à la commune de MONDRAGON et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 05MA0048 - 05MA0049 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00048
Date de la décision : 08/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : MOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-09-08;05ma00048 ?
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