Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 août 2005 sous le n°05MA02195, présentée pour Mme Amal X, élisant domicile chez Mme Fatima X ... par Me Martins-Mestre, avocat au barreau de Toulon ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504215 du 6 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 juillet 2005 par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
5°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 2286,74 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 27 décembre 2004 par laquelle le président de la Cour a notamment délégué M. Jean-Christophe Duchon-Doris, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2006 à laquelle siégeait M. Duchon-Doris, président délégué ;
- les observations de Me Martins-Mestre pour Mme X ;
- et les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 776-1 du code de justice administrative, l'instruction et le jugement des recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ne sont soumis qu'aux dispositions des articles R. 776-2 à R. 776-20 dudit code, lesquelles ne prévoient pas que les observations produites en défense par l'administration doivent être communiquées au requérant ; qu'en l'absence de dispositions expresses, le principe général du caractère contradictoire de la procédure n'imposait pas une telle communication, dès lors que le requérant, régulièrement averti du jour de l'audience, a été mis en mesure de prendre connaissance de ces observations, dont il lui appartenait de demander communication ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait. » ;
Considérant que Mme X s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 mai 2005, de la décision du 28 avril 2005 du préfet du Var lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction d'une part que Mme X, entrée le 21 mars 2004 sur le territoire français à l'âge de 24 ans, était, à la date de la mesure de reconduite attaquée, enceinte des oeuvres de son compagnon tunisien en situation régulière qui a reconnu l'enfant à venir, et fait valoir, sans être contredite sur ce point, que sa grossesse est difficile comme l'indique le certificat médical qu'elle produit attestant qu'il est souhaitable que l'intéressée ne s'éloigne pas du service où elle est suivie, d'autre part qu'elle vient en aide à sa soeur, divorcée et mère de trois enfants, dont l'un est handicapé, et qui a dû se mettre à travailler pour subvenir à sa famille, en juillet 2004 ; qu'elle fait en particulier valoir qu'elle prend en charge l'enfant handicapé en l'accompagnant tous les matins et soirs au centre spécialisé où il est scolarisé et produit, à cet égard, un certificat du médecin traitant de ce dernier attestant que le profil psychologique et le comportement de l'enfant rend indispensable la présence, en dehors des heures scolaires, d'une tierce personne à ses côtés ; que, dans ces conditions, Mme X est fondée à faire valoir, sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la mesure de reconduite attaquée, porte au respect de sa vie familiale et personnelle une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 juillet 2005, par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu' une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que le III de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas » ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Var de délivrer à Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que celui-ci ait, à nouveau, statué sur son cas ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 6 août 2005 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 juillet 2005 par lequel le préfet du VAR a décidé de reconduire Mme Amal X à la frontière est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du VAR de délivrer à Mme Amal X une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme Amal X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Amal X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
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N° 05MA02195