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15/06/2006 | FRANCE | N°05MA02726

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 15 juin 2006, 05MA02726


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 octobre 2005, sous le n° 05MA02726, présentée pour M. Tevhik X, élisant domicile ... par la SCP Omaggio et Associés, avocat ; M. X demande au président de la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 054776 du 19 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2005 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa reconduite à la frontière ;


2°/ d'annuler ledit arrêté ;

3°/ de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 octobre 2005, sous le n° 05MA02726, présentée pour M. Tevhik X, élisant domicile ... par la SCP Omaggio et Associés, avocat ; M. X demande au président de la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 054776 du 19 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2005 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°/ d'annuler ledit arrêté ;

3°/ de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la communauté européenne ;

Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision n°64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

Vu la décision n°1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la décision C-188-00 du 19 novembre 2002 de la Cour de justice des communautés européennes ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision, en date du 27 décembre 2004, par laquelle le président de la Cour a délégué, en application des dispositions de l'article R.776-19 du code de justice administrative, M. Laffet, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de son interpellation à la frontière franco-espagnole, le 16 septembre 2005, M. X, de nationalité turque, n'a pu justifier ni d'une entrée régulière sur le territoire français, ni d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'au surplus, M. X s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 15 février 2005, de la décision du 9 février 2005 par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé la reconduite à la frontière de M. X comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne saurait être accueilli ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (…) 3º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte » ;

Considérant que si M. AKANAMAHROUCH fait valoir qu'il réside en France de manière continue depuis 1992, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, le caractère habituel et continu de sa domiciliation sur le territoire national depuis plus de dix années comme l'exige l'article L.313-11 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en particulier, les documents versés au dossier, constitués essentiellement de bulletins de salaires, ainsi que différentes attestations émanant de ses relations proches, ne suffisent pas à établir que la condition exigée par l'article L.313-11 3° précité est remplie pour la période couvrant les années de 1995 à 1998 ; qu'au surplus, il ressort du récépissé d'une demande de statut de réfugié déposée le 9 septembre 1999 que le requérant a déclaré être entré en France en juillet 1998 ; qu'ainsi, le préfet des Pyrénées-Orientales, en refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en vigueur à la date de cette décision de refus mais désormais repris à l'article L.313-11 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant, dont l'épouse et les enfants résident en Turquie ; que le requérant n'est donc pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision préfectorale du 9 février 2005 rejetant sa demande de titre de séjour pour soutenir que le préfet des Pyrénées-Orientales ne pouvait légalement prendre à son encontre une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1er de l'article 6 de la décision n° 1/80 en date du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l ‘accord d'association conclu le 12 septembre 1963 entre la Communauté économique européenne et les Etats membres de la Communauté, d'une part, et la République de Turquie, d'autre part : «1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : (…) bénéficie, dans cet Etat membre, après quatre ans d'emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix » ;

Considérant qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes, notamment dans sa décision susvisée du 19 novembre 2002, que l'article 6, premier paragraphe, troisième tiret, de la décision n° 1/80 du conseil d'association doit être interprété en ce sens qu'un travailleur turc, dont l'entrée sur le sol de l'Etat membre d'accueil a été régulière, et qui a légalement exercé une activité économique réelle et effective au service d'un employeur, en contrepartie de laquelle il a perçu une rémunération correspondant au travail fourni, occupe un emploi régulier au sens des dispositions précitées ; que lorsqu'un tel ressortissant turc a ainsi travaillé auprès d'un employeur pendant une période ininterrompue de quatre années au moins, il bénéficie dans l'Etat membre d'accueil, conformément à l'article 6 paragraphe 1, troisième tiret, de la décision du conseil d'association, du droit de libre accès à toute activité salariée de son choix ainsi que d'un droit corrélatif de séjour ;

Considérant qu'il résulte par ailleurs de cette même décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes, d'une part, que le caractère régulier de l'emploi exercé doit s'apprécier au regard de la législation de l'Etat d'accueil, qui régit les conditions dans lesquelles le ressortissant turc est entré sur le territoire national et y exerce un emploi, d'autre part, que la reconnaissance des droits qui découlent de l'article 6 précité n'est pas subordonnée à la condition que le caractère régulier de l'emploi soit établi par la possession par ledit ressortissant d'un document administratif spécifique, tel un permis de travail ou de séjour, et qu'en conséquence les droits conférés par ces dispositions aux ressortissants turcs déjà régulièrement intégrés au marché du travail d'un Etat membre sont reconnus à leurs bénéficiaires indépendamment de la délivrance par les autorités compétentes de documents administratifs qui ne peuvent que constater l'existence de ces droits sans cependant pouvoir en constituer une condition ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X, qui ne démontre pas le caractère régulier de son entrée en France, aurait occupé un emploi régulier pendant une période ininterrompue de quatre années au moins ; qu'il résulte de l'interprétation ci-dessus rappelée de la Cour de Justice des Communautés Européennes que l'intéressé ne répond pas aux conditions fixées par les dispositions l'article 6, premier paragraphe, troisième tiret, de la décision n°1/80 précitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2005 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa reconduite à la frontière ; que sa requête doit, dès lors, être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Tevhik X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X, au préfet des Pyrénées-Orientales et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

2

05MA00554

PP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 05MA02726
Date de la décision : 15/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard LAFFET
Rapporteur public ?: Mme FERNANDEZ
Avocat(s) : SCP OMAGGIO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-06-15;05ma02726 ?
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