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02/06/2006 | FRANCE | N°03MA01531

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 02 juin 2006, 03MA01531


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2003 présentée par M. et Mme Antoine X, demeurant ..., par la SCP d'avocats André et André ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

11/ d'annuler le jugement n° 982775 en date du 30 avril 2003 du Tribunal administratif de Nice rejetant leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1990 et 1991 et au prélèvement social de 1% assis sur les revenus des années 1990 et 1991 ainsi que des pénalités y afférentes ;

22/ de prononcer la décharge totale

des desdites impositions ;

3°/ de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 3 000 ...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2003 présentée par M. et Mme Antoine X, demeurant ..., par la SCP d'avocats André et André ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

11/ d'annuler le jugement n° 982775 en date du 30 avril 2003 du Tribunal administratif de Nice rejetant leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1990 et 1991 et au prélèvement social de 1% assis sur les revenus des années 1990 et 1991 ainsi que des pénalités y afférentes ;

22/ de prononcer la décharge totale des desdites impositions ;

3°/ de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 370 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu la convention franco-ivoirienne du 6 avril 1966 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2006,

- le rapport de M. Duchon-Doris , président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement de première instance et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés à ce titre par M. et Mme X :

Considérant qu'il ne ressort pas du dossier de première instance, en l'absence d'avis de réception prévu à l'article R.611-3 du code de justice administrative, signé des requérants, et nonobstant les mentions du jugement, qu'ait été adressé à M. et Mme X le mémoire en défense présenté par l'administration des impôts devant le tribunal administratif et sur lequel s'est fondé celui-ci pour rejeter leur requête ; que M. et Mme X sont dès lors fondés à soutenir que la procédure contentieuse a été entachée d'irrégularité et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 30 avril 2003 ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées en première instance par les époux X ;

Sur la domiciliation fiscale en France des contribuables :

En ce qui concerne la loi interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts, « les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus » et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : « sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A, a) les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, b) celles qui exercent en France une activité professionnelle…, c) celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques …» ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges d'une part, qu'au cours des années litigieuses 1990 et 1991, l'épouse et les enfants de M. X ont séjourné en permanence à Cagnes sur Mer puis à Saint Laurent du Var dans une propriété dont les consommations d'électricité et les frais de téléphone attestent d'une occupation permanente, et que ses enfants ont suivi leurs études en France et ont été pris en charge par la caisse d'allocations familiales des Alpes Maritimes ; que d'autre part, au cours des mêmes années, M. X était propriétaire de plusieurs biens immobiliers en région parisienne et dans les Alpes Maritimes, de plusieurs véhicules automobiles immatriculés en France, détenait 90 % des parts de la SARL Piscine du Cap à Saint Laurent du Var, dont il s'occupait en fait de la gestion, des parts dans deux SCI sises en France et était titulaire de plusieurs comptes bancaires en France ; que par suite, M. X doit être regardé comme ayant eu en France, au cours des années litigieuses, à la fois son foyer et le centre de ses intérêts économiques et en conséquence, comme y étant domicilié fiscalement au sens des dispositions précitées des articles 4 A et 4 B du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'application de la convention franco-ivoirienne :

Considérant qu'aux termes de l'article 2-1 de la convention fiscale conclue entre la France et la Côte d'ivoire le 6 avril 1966 : « Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son « foyer permanent d'habitation », cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations permanentes sont les plus étroites. Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des états contractants où elle séjourne le plus longtemps. En cas de séjour d'égale durée dans les deux états, elle est réputée avoir son domicile dans celui dont elle est ressortissante. Si elle n'est ressortissante d'aucun d'eux, les autorités administratives supérieures des états trancheront la difficulté d'un commun accord » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'au cours des années litigieuses, l'épouse et les enfants de M. X vivaient de manière habituelle en France dans des résidences leur appartenant et que M. X a exercé en France, par le biais de la SARL Piscine du Cap dont il n'est pas contesté en appel qu'il était le gérant de fait, une activité professionnelle et qu'il doit en conséquence être regardé comme ayant eu en France, au cours desdites années, son « foyer permanent d'habitation » au sens des stipulations précitées de la convention franco-ivoirienne, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que M. X ait, au cours de la même période, séjourné de manière importante en Côte d'Ivoire et y ait également exercé une activité professionnelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il les a regardés comme ayant eu leur domicile fiscal en France au cours des années 1990 et 1991 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la saisine de la commission départementale et de l'interlocuteur départemental :

Considérant en premier lieu qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'administration établit d'une part que les contribuables et leur conseil ont été régulièrement convoqués par lettres recommandées avec avis de réception à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en date du 26 juin 1996 et qu'il ne s'y sont pas présentés, d'autre part que l'avis rendu par cette commission leur a été notifié selon la même voie le 19 juillet 1996 ; que par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission manque en fait ;

Considérant en second lieu que si les requérants soutiennent que l'administration aurait méconnu d'une part les dispositions de l'article 1951 F du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, aux termes duquel : « … pour des motifs tirés de la protection de sa vie privée, le contribuable peut demander la saisine de la commission d'un autre département », d'autre part, les dispositions de la charte du contribuable vérifié, opposables en vertu de l'article L.10 du livre des procédures fiscales, pour défaut de saisine de l'interlocuteur départemental, ils ne justifient pas avoir formulé des demandes en ce sens auprès de l'administration ; qu'en particulier, la lettre en date du 19 août 1993 qu'ils ont adressée à l'administration en réponse à la demande d'éclaircissements ou de justifications ne peut être regardée comme comportant de telles invitations ; que par suite, leur argumentation sur ce point doit être rejetée ;

En ce qui concerne la régularité de la taxation d'office :

Considérant qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements… Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés… » ; qu'aux termes de l'article L.69 du même livre : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16 » ;

Considérant en premier lieu que M. et Mme X soutiennent que l'administration ne pouvait leur adresser des demandes de justifications portant sur leurs crédits bancaires faute d'avoir établi que ces crédits étaient supérieurs au double de leurs revenus déclarés ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. et Mme X, au titre des années 1990 et 1991, des premières demandes de justifications en date du 14 octobre 1992 faisant apparaître respectivement des crédits inexpliqués de 1 333 700 F et de 1 157 679 F, puis, après découverte d'un compte bancaire dissimulé, des secondes demandes en date du 20 juillet 1993, portant sur des crédits inexpliqués supplémentaires respectivement de 9 406 835 F et de 9 863 354 F ; qu'il est constant que les revenus déclarés par les époux X s'élevaient, au titre de 1990, à la somme de 857 974F et, au titre de l'année 1991, à la somme de 554 463 F ; que par suite, si l'administration était légalement en droit d'adresser aux requérants, sur le fondement des dispositions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, la demande de justifications en date du 20 juillet 1993 relative à l'année 1990 et les demandes relatives à l'année 1991, M. et Mme X sont fondés à faire valoir qu'à la date de la première demande relative à l'année 1990, l'administration n'avait pas préalablement établi que les crédits inexpliqués étaient supérieurs au double de leurs revenus déclarés au titre de ladite année ; qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer la décharge des impositions procédant de la taxation des crédits inexpliqués mentionnés sur la demande en date du 14 octobre 1992 relative à l'année 1990 ;

Considérant en second lieu et pour le surplus qu'à défaut d'avoir apporté les éléments de nature à établir la nature et l'origine de l'ensemble des mouvements constatés sur leurs comptes, M. et Mme X ont été régulièrement taxés d'office par application des dispositions de l'article L.69 précité du livre des procédures fiscales à raison des crédits restés inexpliqués ; que la circonstance que l'administration ait, dans la notification de redressements, regroupé les différentes opérations bancaires en litige selon la qualification que leur avaient donnée les contribuables ne saurait démontrer, comme ils le soutiennent, que leurs réponses aux demandes de justifications adressées par l'administration étaient suffisantes et de nature à établir la réalité et l'origine de ces crédits bancaires ;

En ce qui concerne la procédure relative aux revenus catégoriels :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation…Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée » ; que si le requérant soutient en appel que l'administration a violé ces dispositions pour défaut de motivation de la notification de redressements et de la réponse à ses observations, il n'assortit son moyen d'aucune précision alors par ailleurs qu'il résulte de la lecture de ces documents qu'ils exposent l'ensemble des motifs de droit et de fait justifiant les redressements et en particulier, sur le fondement des réponses mêmes du contribuable, l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'intérêts en capital et dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux des intérêts versés par une société de construction vente ; que par suite, le moyen doit être rejeté ;

Sur le bien-fondé et le montant de l'impôt :

Considérant en premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. et M. X ne sont pas fondés à soutenir que leur domicile est en Côte d'Ivoire au sens de la convention fiscale conclue entre la France et la Côte d'Ivoire le 6 avril 1966 ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'imposition de leurs revenus imposables relèverait exclusivement de la juridiction fiscale de la Côte d'Ivoire doit être rejeté ;

Considérant en deuxième lieu que pas plus en appel qu'en première instance, les requérants n'apportent de précisions permettant de démontrer, comme ils le soutiennent, que les sommes apparaissant au crédit de leurs comptes bancaires procéderaient de flux patrimoniaux et non de revenus ;

Considérant en troisième lieu que la circonstance, à la supposer établie, que la SCI de construction vente La Parouquine aurait dégagé un résultat bénéficiaire de 50 871 F en 1990 et déficitaire en 1991 n'est pas de nature à faire obstacle à l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux des sommes perçues par M. X en provenance de cette SCI ; que par suite, et en tout état de cause, le moyen doit être rejeté ;

Sur les pénalités exclusives de bonne foi :

Considérant que l'administration, en relevant la dissimulation au vérificateur d'un compte bancaire comportant d'importants crédits inexpliqués par rapport aux revenus déclarés et l'importance des sommes éludées, doit être regardée comme ayant établi l'absence de bonne foi des contribuables et justifié l'application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à demander la décharge de l'imposition procédant de la taxation d'office des crédits inexpliqués mentionnés, au titre de l'année 1990, dans la demande de justifications en date du 14 octobre 1992 ;

Sur les conclusions relatives aux frais irrépétibles :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. et à Mme X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme X sont déchargés, au titre de l'année 1990, de l'imposition qui procède de la taxation d'office des crédits inexpliqués mentionnés, au titre de l'année 1990, dans la demande de justifications en date du 14 octobre 1992.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 30 avril 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au précédent article.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et à Mme X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 03MA01531 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA01531
Date de la décision : 02/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. RICHER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. BONNET
Avocat(s) : SCP ANDRE ANDRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-06-02;03ma01531 ?
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