La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2006 | FRANCE | N°03MA00147

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 13 mars 2006, 03MA00147


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 janvier 2003 sous le n°03MA00147, présentée par la SCP Minguet-Karouby-Esteve, avocats, pour la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA, dont le siège social est Le Mansard, 1 place Roméo de Villeneuve à Aix-en-Provence (13090) ;

Elle demande à la Cour :

1) de réformer le jugement du 5 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille :

- l'a condamnée, solidairement avec la société Segilped, à verser à titre indemnitaire à la chambre de commerce et d'industrie Marsei

lle-Provence la somme de 7.390,91 euros, augmentée des intérêts légaux à compter ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 janvier 2003 sous le n°03MA00147, présentée par la SCP Minguet-Karouby-Esteve, avocats, pour la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA, dont le siège social est Le Mansard, 1 place Roméo de Villeneuve à Aix-en-Provence (13090) ;

Elle demande à la Cour :

1) de réformer le jugement du 5 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille :

- l'a condamnée, solidairement avec la société Segilped, à verser à titre indemnitaire à la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence la somme de 7.390,91 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 1er octobre 1996, eux-mêmes capitalisés le 27 février 2001 ;

- l'a condamnée à garantir la société Segilped à hauteur de 70 % des condamnations prononcées solidairement contre ces deux sociétés ;

- a mis les dépens à sa charge, solidairement avec la société Segilped, ensemble l'a condamnée à verser la somme de 750 euros à la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2) à titre principal, de rejeter les prétentions de la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence ;

3) à titre subsidiaire, de condamner la société Segilped à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations pouvant être mises à sa charge ;

4) de condamner ladite chambre de commerce à lui rembourser la somme versée de 6.540,46 euros ;

5) de condamner cette chambre de commerce à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2006 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Y... de la SCP Karouby-Minguet-Este pour la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA, de M. Z... représentant la C.C.I. Marseille Provence, de Me X... pour l'entreprise Segilped,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par acte d'engagement du 27 avril 1992, la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA s'est vue confier la maîtrise d'oeuvre de la rénovation de l'immeuble Bastide Grand Pré appartenant à la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence ; que le lot « peintures » a été attribué à la société Segilped en qualité d'entreprise générale et sous-traité à l'entreprise de peinture Gay ; que ce lot a fait l'objet d'une réception sans réserve le 15 octobre 1992 ; que des désordres sont apparus postérieurement à cette réception, se manifestant par un craquelage des revêtements ; que la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence, maître de l'ouvrage, en a demandé réparation sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à sa demande en condamnant conjointement et solidairement la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA et la société SEGIPELD à supporter la charge des dépens et à lui verser une indemnité de 7.390,91 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 1er octobre 1996, eux-mêmes capitalisés le 27 février 2001 ; que si le quantum de la réparation accordée n'est plus contesté en appel, le principe de la mise en oeuvre de la garantie de bon fonctionnement et le partage de responsabilité opéré par les premiers juges le demeurent ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne le principe de la mise en oeuvre de la garantie de bon fonctionnement :

Considérant qu'en application des principes dont s'inspirent les dispositions de l'article 1792-3 du code civil, les enduits et les revêtements de peinture en litige doivent être regardés comme constituant un des éléments d'équipement du bâtiment dont le constructeur est tenu de garantir le bon fonctionnement pendant une durée minimale de deux ans à compter de la réception des travaux, dès lors que les désordres qui les affectent en l'espèce ne peuvent être couverts ni par la garantie contractuelle de parfait achèvement, ni par la garantie décennale mise en oeuvre selon les principes dont s'inspirent les articles 1972 et 2270 du code civil ; qu'il est constant que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 15 octobre 1992 et que les premiers désordres sont apparus avant l'expiration du délai de garantie de deux ans ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la circonstance alléguée selon laquelle la superficie des désordres incriminés se limiterait à quelques mètres carrés n'est pas établie et, en tout état de cause, n'est pas de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité engagée au titre de la garantie de bon fonctionnement qui ne nécessite, à la différence de la garantie décennale, aucun caractère généralisé des désordres ; que l'appelante n'est dès lors pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient admis, à tort, le principe de la mise en jeu de la garantie de bon fonctionnement à raison des désordres susmentionnés ;

En ce qui concerne la forclusion de l'action fondée sur la garantie de bon fonctionnement :

Considérant qu'aux termes de l'article 2244 du code civil : « Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir » ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions, applicables à la responsabilité de bon fonctionnement des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrages publics, qu'une demande en référé présentée par une collectivité publique et tendant à la désignation d'un expert aux fins de constater des désordres imputés à des constructeurs ou d'en rechercher les causes, a pour effet non de suspendre, mais d'interrompre le délai de deux ans à l'expiration duquel la responsabilité de ces constructeurs ne peut plus être recherchée devant le juge administratif à raison desdits désordres ;

Considérant, en premier lieu, que la demande d'expertise formée en référé par la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence et enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Marseille le 28 avril 1994, visait de manière explicite des malfaçons occasionnant des désordres dans les locaux du bâtiment rénové et se manifestant notamment par un craquelage profond des revêtements ; que cette requête mentionnait également des démarches de règlement amiable de ces difficultés ; qu'une demande d'expertise comportant ces indications avait nécessairement effet interruptif ; que par suite, et en application des dispositions précitées de l'article 2244 du code civil, le délai de l'action en garantie de bon fonctionnement, qui avait commencé de courir le 15 octobre 1992, date de la réception sans réserve des travaux de rénovation de l'ouvrage susmentionné, a été interrompu du 28 avril 1994, date de la saisine du juge de référé aux fins de désignation d'un expert, jusqu'à la date de notification de l'ordonnance rendue le 16 mai 1994 par le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, à compter de laquelle a commencé de courir un nouveau délai de deux ans ;

Considérant, en deuxième lieu, que la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence a présenté une seconde requête en référé expertise, enregistrée le 19 mai 1995 au greffe du Tribunal administratif de Marseille ; que cette requête demandait explicitement des « mesures complémentaires d'expertise » et visait ainsi des désordres semblables à ceux étudiés par le premier rapport d'expertise ; qu'il résulte de l'instruction que le second rapport de l'expert a effectivement conclu que les désordres incriminés, tant lors de la première que lors de la seconde expertise, avait la même origine quels que soient les locaux et présentaient un caractère évolutif ; que, dans ces conditions, la seconde demande d'expertise revêtait, par son objet identique à celui de la première demande d'expertise, un caractère interruptif ; que par suite, et en application des dispositions précitées de l'article 2244 du code civil, le délai de l'action en garantie de bon fonctionnement, qui avait commencé de courir au plus tôt le 16 mai 1994, a été interrompu le 19 mai 1995, date de la seconde requête en référé ; qu'ainsi un nouveau délai de deux ans a commencé de courir à compter de la notification de la seconde ordonnance rendue le 15 juin 1995 par le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, qui est intervenue au plus tôt le 15 juin 1995 ; qu'il s'ensuit que le 1er octobre 1996, date à laquelle la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence a saisi le Tribunal administratif de sa requête au fond, l'action en garantie de bon fonctionnement, qui devait être intentée dans les deux ans, n'était pas prescrite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelante et la société Segilped ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille n'a pas rejeté comme prescrite l'action en garantie de bon fonctionnement de la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence ;

En ce qui concerne la responsabilité solidaire des constructeurs :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la maîtrise d'oeuvre des travaux en litige était assurée par la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA et que l'exécution des travaux incombait à la société Segilped en qualité d'entrepreneur général ; que du seul fait de leur participation à la réalisation des ouvrages affectés des désordres susmentionnés, la responsabilité solidaire de ces deux constructeurs doit être engagée, même en l'absence de faute, envers le maître de l'ouvrage sur le terrain de la garantie de bon fonctionnement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA et la société Segilped ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu leur responsabilité conjointe et solidaire au titre de la garantie de bon fonctionnement et les ont, par suite, déclarés solidairement responsables des désordres affectant les revêtements de peinture de l'ensemble immobilier dont s'agit, en les condamnant conjointement et solidairement à supporter la charge des dépens ainsi qu'à verser au maître de l'ouvrage des dommages et intérêts d'un montant de 7.390,91 euros ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que la société SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA par son appel principal, et la société Segilped par son appel incident, contestent le partage de responsabilité respectif de 70%-30% opéré par le Tribunal et réitèrent devant le juge d'appel leurs appels en garantie mutuel ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA, qui avait la charge de la maîtrise d'oeuvre, a commis une faute dans la conception des travaux, du fait qu'elle ne s'était pas assurée de façon suffisamment sérieuse de l'état de solidité des supports, alors qu'il s'agissait de travaux de rénovation ; qu'elle invoque à cet égard de façon inopérante, compte tenu de la mise en oeuvre de sa responsabilité sans faute en sa qualité de constructeur, les stipulations de l'article 3 du Cahier des clauses techniques particulières « peintures » afférent à un marché de travaux signé entre le maître de l'ouvrage et la société Segilped ;

Considérant, d'autre part, que la société SEGIPELD, en acceptant de réaliser les travaux de peinture sans vérifier de façon suffisamment sérieuse, en sa qualité de professionnel, l'état de solidité des supports et en n'émettant aucune réserve, alors qu'une peinture acrylique aurait été notamment plus adaptée, doit être regardée comme ayant également commis une faute ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en retenant un partage de responsabilité à raison de 70% pour la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA et à raison de 30% pour la société SEGIPELD ; que, dans ces conditions, ces deux constructeurs ne sont pas fondés à demander que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il a retenu un tel partage de responsabilité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le requête de la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la société Segilped est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP RAINAUT-CARTA-TRIACCA, à la société Segilped, à la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

2

N° 03MA00147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA00147
Date de la décision : 13/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP KAROUBY-MINGUET-ESTEVE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-03-13;03ma00147 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award