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28/02/2006 | FRANCE | N°04MA01824

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 28 février 2006, 04MA01824


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2004, présentée pour M. Rodolphe X, par Me Guiraud, élisant domicile ... M. Rodolphe X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0003064 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant principalement à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994, 1995 et 1996 et des pénalités y afférentes après avoir constaté que les habitants de l'île de Saint-Barthélemy sont exonérés de tout impôt direct et que la transactio

n qu'il a conclue le 9 mars 1999 est nulle ;

2°) de dire et juger que les habi...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2004, présentée pour M. Rodolphe X, par Me Guiraud, élisant domicile ... M. Rodolphe X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0003064 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant principalement à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994, 1995 et 1996 et des pénalités y afférentes après avoir constaté que les habitants de l'île de Saint-Barthélemy sont exonérés de tout impôt direct et que la transaction qu'il a conclue le 9 mars 1999 est nulle ;

2°) de dire et juger que les habitants de Saint-Barthélemy sont exonérés de tout impôt direct ;

3°) de prononcer la rescision de la transaction en date du 9 mars 1999 ;

4°) de prononcer la décharge des cotisations litigieuses ;

5°) subsidiairement de soumettre au Conseil d'Etat une demande d'avis concernant le statut fiscal des habitants de Saint-Barthélemy ou, plus subsidiairement, surseoir à statuer jusqu'à la promulgation de la loi organique suite au référendum du 7 décembre 2003 ;

6°) encore plus subsidiairement, constater qu'il a exécuté les obligations résultant de la transaction ;

………………………………………………………………………………………

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales

Vu l'acte du 26 mars 1804 du gouvernement royal suédois ;

Vu la loi du 3 mars 1978 approuvant le traité conclu le 10 août 1877, pour la rétrocession à la France de l'île de Saint-Barthélemy, ensemble le décret du 12 mars 1878 portant promulgation dudit traité, avec le protocole qui était annexé ;

Vu l'article 55-B de la loi du 29 juin 1918 ;

Vu la délibération du Conseil Général de la Guadeloupe du 2 juin 1922 ;

Vu la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 ;

Vu le décret n° 48-563 du 30 mars 1948 ;

Vu la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 ;

Vu l'article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2006,

- le rapport de M. Duchon-Doris , président assesseur ;

- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement de première instance :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. X a expressément contesté devant le Tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article 2053 du code civil, la validité de la transaction qu'il a conclue le 9 mars 1999 avec l'administration fiscale au motif tiré de l'inexécution par l'administration de ses obligations et de l'existence de la créance fiscale sur laquelle elle porte ; que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ce moyen qui n'était pas inopérant, alors qu'il était de nature à faire obstacle aux conséquences qu'ils ont tirées de l'exécution de la transaction sur la recevabilité de l'action contentieuse dont ils étaient saisis ; que M. X est dès lors fondé, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nice ;

Sur la validité de la transaction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.247 du livre des procédures fiscales : L'administration peut accorder sur la demande du contribuable…3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités, et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives… ;

Considérant que M. X, domicilié dans l'île de Saint-Barthélemy jusqu'en juillet 1998, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au terme duquel lui ont été notifiés, selon la procédure de taxation d'office prévue par l'article L.66-1 du livre des procédures fiscales pour absence ou retard de dépôt de ses déclarations de revenus, des redressements relatifs à ses revenus imposables des années 1994, 1995 et 1996 ; que par une transaction en date du 9 mars 1999 conclue par application des dispositions de l'article L.247-3 du livre des procédures fiscales, l'administration s'est engagée à une remise de pénalités de 110.074 F sous condition du paiement par M. X d'une somme de 776.195 F représentant les droits dus et les pénalités laissées à sa charge ; que la validité de la transaction a été prolongée jusqu'au 30 septembre 1999 ; que pour contester la validité de cette transaction, M. X fait valoir d'une part que l'administration n'a pas respecté ses propres engagements en le poursuivant sur l'intégralité de la dette et d'autre part que la créance fiscale sur laquelle porte ladite transaction est inexistante ;

En ce qui concerne la remise en cause de la transaction par l'administration :

Considérant que la circonstance que, le 23 juin 1999, deux commandements de payer aient été adressés par erreur à M. X par la Trésorerie de Grasse portant sur l'intégralité de la dette, n'est pas de nature à remettre en cause la validité de la transaction, dès lors que lesdits commandements, non suivis d'effet, ont été annulés le 20 septembre 1999, et qu'il n'est pas contesté que l'administration a procédé en janvier 2000 au dégrèvement des pénalités conformément à ses engagements contractuels ;

En ce qui concerne l'existence de la créance fiscale objet de la transaction :

Considérant en premier lieu que l'acte du 26 mars 1804 du gouvernement royal suédois, qui se borne à ajourner l'instauration d'une capitation et d'un impôt foncier dans l'île de Saint-Barthélemy, n'a pas reconnu aux habitants de cette île un droit à exemption définitive et irrévocable d'impôt direct ; que dès lors, les stipulations de l'article 3 du protocole annexé au traité du 10 août 1877 par lequel la Suède a rétrocédé l'île de Saint-Barthélemy à la France, aux termes desquelles la France succède aux droits et obligations résultant de tous actes régulièrement faits par la Couronne de Suède ou en son nom pour des objets d'intérêt public ou domanial concernant spécialement la colonie de Saint-Barthélemy et ses dépendances n'ont ni pour objet ni pour effet de garantir aux habitants de Saint-Barthélemy un droit à être définitivement exemptés de tout impôt direct, lequel ne leur avait pas été reconnu avant le transfert de l'île sous la souveraineté française avec le consentement de sa population ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 3 mars 1878 portant approbation du traité susmentionné L'île de Saint-Barthélemy sera considéré, au point de vue politique, administratif et judiciaire, comme une dépendance de la Guadeloupe. En conséquence, toutes les lois, tous les règlements et arrêtés publiés ou promulgués à la Guadeloupe, auront force et vigueur à Saint-Barthélemy à partir du jour de l'installation de l'autorité française dans cette île ; que, conformément à l'article 55 B de la loi du 29 juin 1918, un arrêté du gouverneur de la Guadeloupe et dépendances en date du 29 juin 1922 a rendu exécutoire une délibération en date du 2 juin 1922 du conseil général de la Guadeloupe et dépendances établissant dans cette colonie un impôt général sur le revenu et en fixant le mode d'assiette et les règles de perception dans les formes et conditions proposées par le Conseil d'Etat ; que cet arrêté et cette délibération ont été régulièrement publiés au journal officiel de la Guadeloupe le 6 juillet 1922 ; qu'ainsi les habitants de la commune de Saint Barthélemy ont été, à compter de l'entrée en vigueur de cette délibération, légalement soumis comme les autres habitants de la colonie de la Guadeloupe et dépendances à un impôt général sur le revenu ;

Considérant, en troisième lieu, que la loi du 19 mars 1946 qui a érigé en départements français les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française dispose, en son article 2 que les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine qui ne sont pas encore appliqués à ces colonies… feront l'objet de décrets d'application à ces nouveaux départements ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 mars 1948, pris régulièrement sur le fondement de cette disposition législative : sous réserve des exceptions, dérogations et mesures transitoires énumérées dans les articles qui suivent, sont déclarés exécutoires dans le département de la Guadeloupe à compter du 1er janvier 1948, et pour autant que leurs dispositions n'y sont pas déjà introduites : le code général des impôts directs et taxes assimilées en vigueur dans la France métropolitaine au 19 mars 1946 et les textes qui l'ont modifié et complété, les lois et ordonnances relatives aux contributions directes et taxes assimilées en vigueur dans la France métropolitaine à la même date et non codifiées et les textes qui les ont modifiées ou complétées, les décrets et arrêtés pris pour l'application du code et des textes susvisés ; qu'enfin, l'article 20 du décret susmentionné dispose que le régime particulier appliqué aux dépendances de Saint-Martin et Saint-Barthélemy est maintenu provisoirement en vigueur. ;

Considérant, d'une part, que, comme il a été dit précédemment, à la date où est intervenu le décret du 30 mars 1948, les habitants de la commune de Saint-Barthélemy n'étaient pas, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, placés sous un régime juridique différent de celui applicable aux autres habitants du département de la Guadeloupe ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 20 de ce décret ne peuvent être interprétées comme ayant eu objet de maintenir provisoirement en vigueur un régime juridique particulier aux habitants de cette commune en matière d'impôt sur le revenu ;

Considérant, d'autre part, qu'à supposer que l'impôt général sur le revenu institué par la délibération du conseil général de la Guadeloupe du 2 juin 1922 n'ait pas été effectivement mis en recouvrement dans la commune de Saint-Barthélemy durant toute la période antérieure à la départementalisation de la colonie, la disposition de l'article 20 précité n'a pas pu, eu égard à la portée de l'habilitation de l'article 2 précité de la loi n° 46-451 du 19 mars 1946, avoir également pour objet et pour effet de conférer une base juridique à un régime particulier d'exonération résultant d'une situation de fait illégale en plaçant la dépendance de Saint-Barthélemy en dehors du champ d'application de l'article 1er dudit décret ; que cet article du décret, qui ne traite pas de la matière fiscale, ne peut constituer davantage une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L.80A du livre des procédures fiscales ;

Considérant par ailleurs qu'en admettant même que, depuis l'intervention du décret du 30 mars 1948, les habitants de la commune de Saint-Barthélemy aient en fait bénéficié de certaines tolérances en matière d'établissement de l'impôt sur le revenu, M. X n'établit pas qu'elles procédaient d'une interprétation de la loi fiscale contenue dans des instructions administratives ou de réponses publiées à des questions écrites de parlementaires, et que l'administration n'avait pas rapportée à la date à laquelle il aurait pu être réputé en avoir fait application, c'est à dire à la date limite qui lui était impartie pour souscrire la déclaration de ses revenus des années au titre desquelles ont été établies les impositions contestées ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, il y a lieu de rejeter l'argumentation de M. X sur ce point ;

Considérant enfin et sans qu'il soit besoin de présenter sur ce point une demande d'avis au Conseil d'Etat, que ni la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, ni le référendum organisé le 7 décembre 2003 et les actes qui ont pu en découler ne sont de nature à remettre en cause l'existence de la créance fiscale à la date de la conclusion de la transaction du 9 mars 1999 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la transaction qu'il a conclue le 9 mars 1999 porte sur une créance inexistante ;

Sur la recevabilité des conclusions en décharge de M X :

Considérant qu'aux termes de l'article L.251 du même livre : Lorsqu'une transaction est devenue définitive après l'accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes… ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, conformément aux termes de l'accord du 9 mars 1999, M. X a payé le 7 septembre 1999 l'intégralité de la dette laissée à sa charge, et l'administration a procédé au dégrèvement des pénalités auquel elle s'était engagée ; qu'ainsi, les obligations prévues par la transaction ont été exécutées ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article L.251 du livre des procédures fiscales s'opposaient à la remise en cause, par la voie contentieuse, des droits et des pénalités objet de la transaction ; que par suite et sans qu'il y ait eu lieu de statuer sur l'argumentation de M. X relative au caractère discriminatoire de la procédure fiscale diligentée contre lui et de la rupture d'égalité devant les charges publiques qu'impliquerait son assujettissement à l'impôt, ses conclusions en décharge, qui sont irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 29 juin 20004 est annulé.

Article 2 : La demande de M. Rodolphe X est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rodolphe X et au Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 04MA01824 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 04MA01824
Date de la décision : 28/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. RICHER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. BONNET
Avocat(s) : CABINET GUIRAUD-ZIBERLIN-BOQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-02-28;04ma01824 ?
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