Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 septembre 2004 sous le n°04MA01943, présentée par la SCP Delaporte-Briard-Trichet, avocats, pour M. X... , ..., ainsi que son mémoire ampliatif du 28 octobre 2004 ;
Il demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n°0400208 en date du 28 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamné, à la demande du préfet de la Corse-du-Sud, à remettre en état les lieux qu'il occupe illégalement sur le domaine public maritime à Bonifacio, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 75 € par jour de retard passé ce délai, l'administration pouvant y procéder d'office aux frais du contrevenant ;
2) de rejeter les prétentions du préfet de la Corse-du-Sud ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué a rejeté de façon insuffisamment motivé son moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des faits ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur matérielle quant à la situation géographique et la nature des lieux de la prétendue infraction ; le procès-verbal a situé les lieux du litige sur la plage de Piantarella, alors qu'il s'agit du lieu dit Cala Longa ; le dossier de demande de renouvellement de l'autorisation d'occupation temporaire pour l'année 2004, émanant de la mairie de Bonifacio, mentionne le lieu de Cala Longa ;
- le Tribunal a commis une erreur de droit, dès lors que le procès-verbal produit par le préfet a été établi au cours de l'instruction de la demande de renouvellement de son occupation, laquelle s'est avérée lui être favorable ;
- le Tribunal a commis une seconde erreur de droit en ne recherchant pas si l'intégralité des lieux incriminés (appontement, terrasse, escaliers et cale de mise à l'eau ) appartenait au domaine public maritime ; il y a lieu de se fonder sur le niveau atteint par le plus haut flot de l'année pour délimiter le domaine public maritime ; la terrasse (terre-plein de 32,45 m²) ne se situe pas sur le domaine public maritime, mais à 0,80 mètres au-dessus du niveau le plus haut de la mer ; son existence, antérieure à 1963, avait pour objet d'aplanir les différences de niveaux sur cette zone exclusivement rocheuse ; le Tribunal n'a pas distingué, parmi les équipements incriminés, ladite terrasse de l'appontement, de l'escalier et des rails ;
- l'ordonnance royale de la marine de 1681 ne s'applique qu'au domaine public maritime auquel appartiennent les seuls lais et relais exondés postérieurement à la loi n°63-1178 du 28 novembre 1963 ; ceux qui ont été exondés antérieurement ne sont pas protégés par les dispositions répressives de cette ordonnance royale ; ainsi, le terrain d'assiette du terre-plein appartient au domaine privé de l'Etat ;
- les installations en litige présentent une utilité publique ; elles existaient avant la création en 1982 de la réserve naturelle et ont été utilisées à des opérations intérêt général, dont des missions scientifiques ; la parcelle se confond avec le paysage environnant ; le passage de sa propriété est libre pour accéder à la route ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 23 décembre 2004, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'autorisation d'occuper temporairement le domaine public au droit de la propriété de l'appelant, au lieu-dit « Cala Longa Piantarella », sur le territoire de la commune de Bonifacio, a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2003, pour un emplacement total de 67,80 m² servant d'assiette à un appontement (18,29 m2), une terrasse (32,45 m²), un escalier (2,13 m²), une cale de mise à l'eau (14,97 m²) ; un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de l'appelant le 26 janvier 2004 ;
- le moyen de l'appelant tiré l'insuffisante motivation du jugement attaqué n'est assorti d'aucune précision ;
- le moyen tiré de l'erreur de fait quant au lieu géographique de l'infraction doit être écarté, dès lors que les installations litige se situe à 700 mètres du lieu Piantarella et à 1.600 mètres du lieu Cala Longa, ces distances justifiant l'indication de la localisation la plus proche, à savoir Piantarella ; l'intéressé n'a jamais remis en cause cette localisation dans tous les arrêtés successifs d'occupation temporaire du domaine public qui lui ont été délivrés jusqu'en 2003 ;
- les lieux sur lesquels ont été édifiées les installations de l'appelant appartiennent au domaine public maritime ; ce dernier n'a jamais contesté la nécessité d'obtenir des autorisations d'occupation dudit domaine public ; la contestation tirée de ce que ces parcelles n'appartiendraient pas au domaine public maritime a été soulevée pour la première fois en appel et s'avère irrecevable ;
- les circonstances tirées de ce que ses installations s'intègrent au paysage et n'empêchent pas le public d'accéder au domaine public maritime sont sans influence sur la matérialité et le bien-fondé de la contravention de grande voirie et de la peine infligée ;
Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 novembre 2004 sous le n°04MA2369, présentée par la SCP Delaporte-Briard-Trichet, avocats, pour M. X... , ..., qui demande que la Cour prononce le sursis à exécution du jugement attaqué susvisé ;
Il présente à l'appui de ses prétentions les mêmes moyens que ceux qu'il a développés dans ses écritures enregistrées dans l'instance susvisée n°04MA1943 et invoque en outre le caractère sérieux de ses moyens d'annulation et le préjudice difficilement réparable qui naîtrait de l'exécution du jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 décembre 2004, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui conclut au rejet de la requête et soutient que les deux conditions prévues par l'article R. 811-17 du Code de justice administrative ne sont pas remplies en l'espèce ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 novembre 2005, commun aux deux instances n°04MA1943 et n°04MA2369, présenté par la SCP Delaporte-Briard-Trichet, avocats, pour M. X... , qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens,
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Vu le mémoire, enregistré le 5 décembre 2005, commun aux deux instances n°04MA1943 et n°04MA2369, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
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Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2006, non communiqué, commun aux deux instances n°04MA1943 et n°04MA2369, présenté par la SCP Delaporte-Briard-Trichet, avocats, pour M. X... , qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance royale d'août 1681 sur la marine ;
Vu la loi du 29 floréal an X et le décret du 10 avril 1812 ;
Vu la loi n°63-1178 du 28 novembre 1963 modifiée ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2006 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ;
- les observations de Me Y... de la SCP Delaporte-Briard-Trichet pour M. ;
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement† ;
Sur la jonction :
Considérant que les deux instances susvisées enregistrées sous les n° 04MA1943 et 04MA2369 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en indiquant que le refus de renouveler de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime dont bénéficiait M. n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le Tribunal ne peut être regardé comme ayant insuffisamment motivé le jugement attaqué, dès lors que cette assertion conclut un raisonnement juridique qui fait état, d'une part et en droit, des stipulations de l'article 1er de ladite autorisation en vertu desquelles aucun renouvellement ne pouvait être accordé après le 31 décembre 2003, d'autre part et en fait, de ce que l'appelant n'avait jamais dénoncé l'erreur matérielle figurant sur cette autorisation afférente à la dénomination des lieux en litige ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre VII du livre IV de l'ordonnance susvisée d'août 1681 : « Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu'où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves. » ; que ces dispositions doivent être entendues comme fixant la limite du domaine public maritime, quel que soit le rivage, au point jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que l'article 2 du titre VII du livre IV de la même ordonnance royale fait défense à toutes personnes de bâtir sur les rivages de la mer, d'y planter aucun pieux, ni faire aucun ouvrages qui puissent porter préjudice à la navigation, à peine de démolition des ouvrages, de confiscation des matériaux et d'amende arbitraire ; que ces dispositions ont notamment pour effet, en vue de la conservation du domaine public maritime, d'interdire, sauf autorisation, toute construction ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. a bénéficié d'une autorisation d'occuper temporairement le domaine public maritime au droit de sa propriété, sise sur le territoire de la commune de Bonifacio, et qui a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2003, pour un emplacement total de 67,80 m² servant d'assiette à un appontement (18,29 m²), une terrasse (32,45 m²), un escalier (2,13 m²), une cale de mise à l'eau (14,97 m²) ; qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à son encontre le 26 janvier 2004 ; que si l'appelant invoque une erreur matérielle quant à la situation géographique des lieux d'implantation des immeubles incriminés, qui entacherait ce procès-verbal et le jugement attaqué, un tel moyen n'est pas établi, dès lors qu'il n'est pas contesté que les installations en litige se situent à 700 mètres du lieu-dit « Piantarella » et à 1.600 mètres du lieu-dit « Cala Longa » et qu'ainsi ledit procès-verbal pouvait mentionner sans irrégularité le lieu-dit « Piantarella » ; que la circonstance que le dossier de demande de renouvellement de l'autorisation d'occupation temporaire pour 2004 mentionnait le lieu-dit « Cala Longa » n'est pas de nature à établir l'erreur de fait alléguée, compte tenu notamment du fait que l'appelant n'avait jamais dénoncé le lieu-dit figurant sur son autorisation ;
En ce qui concerne la terrasse de 32,45 m² :
Considérant que l'appelant invoque la loi susvisée du 28 novembre 1963 et soutient qu'une partie de ses installations ne seraient pas situées sur le domaine public maritime, mais sur des lais et relais existant antérieurement à l'année 1963 et appartenant au domaine privé de l'Etat en l'absence d'incorporation ; que la fin de non-recevoir soulevée par le ministre intimé contre ce moyen, motif pris de son caractère nouveau en appel, doit être écartée, s'agissant d'un moyen d'ordre public tiré du champ d'application de ladite loi du 28 novembre 1963 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 modifié de cette loi du 28 novembre 1963, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Peuvent être incorporés au domaine public maritime, sous réserve des droits des tiers, les lais et relais de la mer faisant partie du domaine privé de l'Etat à la date de la promulgation de la présente loi ; qu'en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 17 juin 1966, pris pour l'application de cette loi, la délimitation, côté terre, des lais et relais de la mer incorporés au domaine public maritime en application de l'article 2 précité est faite après enquête, tous droits des tiers réservés ; qu'il résulte de ces dispositions que l'incorporation dans le domaine public maritime des lais et relais de la mer, faisant partie du domaine privé de l'Etat et existant antérieurement à l'année 1963, ne peut être prononcée qu'après qu'il a été procédé à leur délimitation, côté terre ; que si, en vertu de l'article 2 du décret du 19 septembre 1972, l'incorporation des lais et relais de la mer est prononcée par arrêté préfectoral, cette disposition n'a ni pour objet, ni pour effet de dispenser l'administration de procéder à leur délimitation préalable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il n'existe aucun acte administratif délimitant et incorporant au domaine maritime, côté terre, les lais et relais de la mer appartenant au domaine privé de l'Etat et sur lesquels est construite la terrasse de 32,45 m2 de l'appelant, dont il n'est pas contesté qu'elle est construite sur des lais et relais existant antérieurement à l'année 1963 et situés à près d'un mètre au dessus du niveau de la mer ; que les clichés photographiques produits par le ministre intimé le 5 décembre 2005 ne peuvent être regardés comme établissant sérieusement que cette terrasse serait atteinte par les plus hauts flots de l'année, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que, dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que le Tribunal a commis une erreur en faisant droit à la demande de démolition du préfet de la Corse-du-Sud de l'ensemble des installations incriminées de l'appelant, sans distinction, alors que sa terrasse n'est pas située sur le domaine public maritime ; que, dès lors, le jugement attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il condamne M. à remettre dans leur état primitif les lieux sur lesquels est implantée cette terrasse (32,45 m²), en tant qu'il le rend passible à ce titre d'une astreinte de 75 €par jour de retard, et qu'il autorise l'administration à exécuter d'office la remise en état aux frais de l'intéressé ;
En ce qui concerne l'appontement (18,29 m²), l'escalier (2,13 m²) et la cale de mise à l'eau (14,97 m²) :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des plans et photographies jointes, que ces installations sont atteintes par la mer, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles et empiètent, par conséquent, sur le domaine public maritime ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'autorisation de l'appelant d'occuper temporairement ces lieux expirait au 31 décembre 2003 ; que la circonstance que le procès-verbal susmentionné du 26 janvier 2004 ait été établi au cours de l'instruction de la demande de renouvellement de son occupation s'avère inopérante, en l'absence de tout renouvellement effectif et compte tenu de l'article 1er de ladite autorisation, en vertu duquel aucun renouvellement ne pouvait être accordé après le 31 décembre 2003 ; que s'avèrent également inopérantes, dans le présent contentieux de protection du domaine public, les circonstances alléguées que les installations en litige avaient été utilisées à des opérations d'intérêt général, telles des missions scientifiques, ou se confondraient avec le paysage environnant ; que s'avère enfin sans influence la circonstance alléguée que les installations seraient d'accès libre, à la supposer établie, dès lors que l'appelant ne conteste pas en être le propriétaire et le principal bénéficiaire, compte tenu de l'autorisation susmentionnée qu'il détenait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il le condamne à remettre dans leur état primitif les lieux sur lesquels sont implantés l'appontement de 18,29 m², l'escalier de 2,13 m² et la cale de mise à l'eau de 14,97 m², lui inflige à ce titre une astreinte de 75 € par jour de retard et autorise l'administration à exécuter d'office la remise en état des lieux aux frais de l'intéressé ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
Considérant que la Cour ayant statué au fond, les conclusions susmentionnées à fin de sursis à exécution sont devenues sans objet ;
Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés non compris dans les dépens et présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. .
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Bastia en date du 28 juin 2004 est annulé en tant qu'il condamne M. à remettre dans leur état primitif les lieux sur lesquels est implantée sa terrasse de 32,45 m², le rend passible à ce titre d'une astreinte de 75 € par jour de retard et autorise l'administration à évacuer d'office les lieux.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
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N° 04MA01943 / 04MA02369