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09/02/2006 | FRANCE | N°01MA00279

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 09 février 2006, 01MA00279


Vu la requête sommaire, enregistrée le 7 février 2001, présentée pour la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT, dont le siège est ..., par la SCP d'avocats Delaporte-Briard ; La SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 95-4507/95-4508 du 19 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Saint-Raphaël à lui verser une indemnité de 205 817 100 F en réparation des chefs de préjudice imputables à la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Cap Estérel, outre les i

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2°)...

Vu la requête sommaire, enregistrée le 7 février 2001, présentée pour la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT, dont le siège est ..., par la SCP d'avocats Delaporte-Briard ; La SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 95-4507/95-4508 du 19 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Saint-Raphaël à lui verser une indemnité de 205 817 100 F en réparation des chefs de préjudice imputables à la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Cap Estérel, outre les intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser en réparation du préjudice subi une somme de 205 817 100 F ainsi qu'une somme de 140 517 424 F, lesdites sommes étant assorties des intérêts de droit ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts échus aux dates auxquelles elle a été demandée en première instance et à compter de la date d'enregistrement de la requête ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi du 2 mai 1930 relative aux monuments naturels et aux sites ;

Vu le code de justice administrative, ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006,

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de Me Y... de la SCP Vincent-Delaporte-François-Henri Briard pour la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT et de M. X... de la D.D.E. du Var pour M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté ministériel du 4 janvier 1985, la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Cap Dramont, qui avait pour objet la réalisation de 105 000 m² de surface hors oeuvre nette (SHON), a été créée sur le territoire de la commune de Saint-Raphaël ; que cette décision est devenue définitive à la suite de l'intervention de l'arrêt en date du 16 octobre 1992 par lequel le Conseil d'Etat a rejeté les recours formés contre ledit arrêté ; que le plan d'aménagement de zone (PAZ) a été approuvé par un arrêté du préfet du Var du 18 juillet 1986 et une convention d'aménagement a été conclue le 19 mars 1987 entre la société de développement du Dramont Aguay ( S.D.D.A ) et la commune de Saint-Raphaël ; que, le 10 décembre 1987, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT a acquis la totalité des terrains de la ZAC et s'est substituée aux droits de la S.D.D.A, par un avenant du 10 mai 1988 à la convention de ZAC ; que, par un jugement en date du 4 juillet 1991, le Tribunal administratif de Nice, saisi de recours d'associations, a annulé l'arrêté préfectoral du 18 juillet 1986 portant approbation du PAZ et, par des jugements des 24 octobre, 21 novembre et 5 décembre 1991, a annulé, par voie de conséquence de l'annulation du PAZ, des permis de construire délivrés à l'aménageur dans ce secteur ; qu'à la suite des annulations ainsi prononcées, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT a saisi le Tribunal administratif de Nice de deux demandes indemnitaires, la première tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Saint-Raphaël à lui verser une indemnité de 205 817 100 F en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'impossibilité d'achever la ZAC et la seconde tendant à la condamnation des mêmes collectivités publiques à lui verser une indemnité de 140 517 424 F au titre d'actions en responsabilité formées à son encontre par des co-contractants ; que lesdites demandes avaient pour fondement la responsabilité pour faute de l'Etat et de la commune de Saint-Raphaël, à raison, pour l'Etat, de l'approbation d'un PAZ illégal et de la carence fautive de ses services dans l'instruction et le contrôle de légalité des permis de construire illégaux, et en ce qui concerne la commune, à raison de la signature d'une convention d'aménagement entachée de nullité et de la délivrance de permis de construire illégaux ; que le Conseil d'Etat ayant, par un arrêt en date du 29 novembre 1996, annulé le jugement précité du 4 juillet 1991 et, par des décisions en date du 6 février 1998, annulé les jugements susmentionnés du Tribunal administratif de Nice annulant divers permis de construire, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT s'est, d'une part, désistée de ses actions en tant qu'elles étaient dirigées contre la commune de Saint-Raphaël et a, d'autre part, modifié, en cours d'instance, le fondement de ses demandes indemnitaires en tant qu'elles étaient dirigées contre l'Etat, en invoquant dorénavant la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques, du fait de l'abandon du projet d'aménagement de ZAC, la responsabilité de l'Etat du fait de la violation du principe de confiance légitime ainsi que la responsabilité pour faute des services étatiques du fait de la longueur excessive de la procédure juridictionnelle afférente aux recours en annulation dirigés contre le PAZ et les permis de construire, en violation des stipulations de l'article 6 §1de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, le 3 janvier 1996, un décret en Conseil d'Etat, portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var du massif de l'Estérel oriental sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer, des Adrets de l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et du Tanneron, a été pris, incluant les parties de la ZAC du Cap Dramont non encore construites ; que, par un arrêt en date du 22 mars 1999, le Conseil d'Etat a rejeté la requête présentée par la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation partielle du décret susmentionné du 3 janvier 1996 en tant qu'il a inclus les terrains compris dans la ZAC ; que, le 23 octobre 1997, le conseil municipal de la commune de Saint-Raphaël a approuvé la révision du plan d'occupation des sols (POS) de la commune classant en zone ND les terrains non construits de la ZAC du Cap Dramont correspondant aux anciens secteurs ZA 1 et ZA 5 du PAZ ; que, par la présente requête, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT relève appel du jugement en date du 19 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice, après avoir joint les deux demandes indemnitaires dont l'avait saisi ladite société et après avoir pris acte du désistement des conclusions aux fins de condamnations formées par ladite société à l'encontre de la commune de Saint-Raphaël, a rejeté ses demandes dirigées à l'encontre de l'Etat et demande, en outre, à la Cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 205 817 100 F, soit 31 376 614,63 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative invoquée par la ministre de l'écologie et du développement durable :

Considérant que, s'il ressort de l'ensemble des dispositions de la loi du 2 mai 1930 susvisée, en particulier de l'article 8, repris à L.341-6 du code de l'environnement, que le législateur a entendu instituer un régime spécial d'indemnisation des servitudes résultant des mesures de protection des sites prises en application de cette loi et confier aux tribunaux judiciaires la connaissance des litiges auxquels cette indemnisation peut donner lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations mêmes de la société appelante, que cette dernière ne demande pas l'indemnisation du préjudice résultant directement du classement, au titre de la loi du 2 mai 1930, des terrains non construits de la ZAC en vertu du décret précité du 3 janvier 1996 mais demande l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques, à raison de «l'abandon» par l'Etat du projet d'aménagement de la ZAC qui se serait manifesté tant par l'abstention des services de l'Etat à faire appel du jugement susvisé du tribunal administratif de Nice du 4 juillet 1991 que par l'intervention du décret de classement du site du 3 janvier 1996 en tant qu'il concerne les terrains en cause ; qu'une telle demande ressortit à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, l'exception d'incompétence susvisée doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement contesté, que ce dernier vise et analyse avec une précision suffisante l'ensemble des conclusions et moyens formulés par les parties, dont notamment ceux de la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT ; qu'en particulier, ledit jugement vise, contrairement à ce que soutient la société appelante, le chef de préjudice relatif au caractère indu de certaines participations exigées de l'aménageur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en rejetant la demande de la société requérante, formulée sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques, au motif «qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'abstention du ministre à faire appel du jugement du Tribunal administratif de Nice ayant annulé le PAZ, alors que la société requérante avait elle-même interjeté appel de ce jugement, et le classement d'une partie des terrains de la ZAC au titre de la loi du 2 mai 1930 puissent être regardés comme un abandon par l'Etat du projet d'aménagement de la ZAC», les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement au regard de l'argumentation développée par la société requérante au soutien de ses conclusions ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en rejetant la demande de la société requérante fondée sur les dispositions de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme, aux motifs non seulement que le préjudice allégué ne pouvait ouvrir droit à réparation en l'absence d'atteinte à des droits acquis ou de modification de l'état antérieur des lieux mais également du fait qu'il ne présentait ni un caractère spécial ni un caractère anormal, les premiers juges ont, par cette dernière mention, nécessairement estimé que la société requérante ne supportait pas «une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi» qui constitue l'une des trois dérogations au principe de non indemnisation des servitudes d'urbanisme institué par cet article ; qu'ils ont, par suite, suffisamment motivé leur jugement sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité du fait d'une insuffisante motivation ;

Au fond :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la ministre de l'écologie et du développement durable :

Sur la responsabilité pour faute :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance du principe de confiance légitime :

Considérant que si, dans sa requête sommaire, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT a contesté le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ce fondement de responsabilité, elle n'a formulé, au soutien de cette contestation, aucun moyen de nature à mettre la Cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal administratif aurait pu commettre en rejetant ce fondement ; qu'au surplus, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer, dans l'ordre juridique national, que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que, tel n'est pas en l'espèce, dès lors que ni le décret de classement du site du 3 janvier 1996 ni le POS révisé de la commune de Saint-Raphaël n'ont été pris pour l'application du droit communautaire ; que, par suite, un tel moyen était inopérant ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait de la longueur excessive de la procédure juridictionnelle et le lien de causalité avec le préjudice allégué :

Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lorsque le litige entre dans leur champ d'application, ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Considérant que le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale - compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours - et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement ;

Considérant, en premier lieu, que la société appelante demande l'engagement de la responsabilité de l'Etat en raison de la durée excessive de la procédure juridictionnelle relative au recours en annulation dirigé contre l'arrêté préfectoral du 18 juillet 1986 approuvant le PAZ de la ZAC Cap Dramont qui s'est déroulée de mars 1987 à novembre 1996 ;

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société appelante et nonobstant le fait que l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 novembre 1996 infirmant le jugement du Tribunal administratif de Nice du 4 juillet 1991, n'ai pas fait l'objet d'une publication au recueil Lebon ni même d'une indexation et que le commissaire du gouvernement auprès du Conseil d'Etat dans l'instance en cause ait estimé que l'argumentation des associations requérantes de première instance était peu consistante, que le litige d'excès de pouvoir relatif au PAZ ne peut être considéré comme dénué de toute complexité eu égard tout d'abord à son objet même, s'agissant d'une opération d'urbanisme importante en bordure du littoral, compte tenu, également, de la divergence d'appréciation des premiers juges et du Conseil d'Etat sur le moyen principal d'annulation retenu par le tribunal administratif et tiré de la violation de l'article L.146 ;6 du code de l'urbanisme relatif aux espaces remarquables , appréciation que le commissaire du gouvernement auprès du Conseil d'Etat a qualifié de délicate, et alors que le recours en annulation en cause était appuyé de nombreux moyens de légalité externe et interne ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du tableau relatif au déroulement de la procédure contentieuse versé par la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT au dossier de première instance, que, devant le Tribunal administratif de Nice, un délai de deux ans et neuf mois s'est écoulé entre le dépôt, le 26 mars 1987, de la requête introductive d'instance de l'association, qui sollicitait l'annulation du PAZ, et le mémoire en intervention de la S.D.D.A produit en janvier 1990 ; que les premiers juges ont statué sur le litige en cause, dans le délai d'un an à compter du mémoire en défense produit en juin 1990 par la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT et quatre mois après la production, en mars 1991, d'un mémoire complémentaire du préfet ; que, devant le Conseil d'Etat, postérieurement à l'enregistrement, le 2 janvier 1992, du mémoire ampliatif de la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT à sa requête d'appel, enregistrée le 3 septembre 1991, l'association requérante de première instance a produit un mémoire en défense en mars 1992 auquel la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT n'a répliqué qu'en mai 1994 ; que si la société appelante fait valoir que le Conseil d'Etat n'était pas tenu d'attendre, pour statuer sur le litige, la production d'un tel mémoire et si un délai de deux ans et six mois s'est écoulé entre l'enregistrement de ce mémoire et la décision du Conseil d'Etat, la production tardive de ce mémoire, qui est effectivement intervenue, a pu contribuer à l'allongement de la durée de la procédure devant le Conseil d'Etat compte tenu de la nécessité pour les juridictions administratives d'assurer un débat contradictoire entre les parties ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que, dans les circonstances de l'espèce, un délai de neuf ans et six mois pour statuer sur le litige d'excès de pouvoir relatif au PAZ de la ZAC Dramont, eu égard à la complexité de l'affaire, au comportement des parties et à l'exercice des voies juridictionnelles, n'a pas présenté un caractère anormal ; que, par suite, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat de ce chef ni sur le fondement des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives ni sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'à supposer même que la durée de la procédure en cause ait été excessive, le préjudice allégué par la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT, et tiré de l'impossibilité d'achever l'opération d'aménagement, ne résulte pas directement du délai dans lequel la juridiction administrative a statué mais est imputable exclusivement à l'inconstructibilité résultant du classement des terrains non construits de la ZAC en zone ND par le POS révisé de la commune approuvé le 23 octobre 1997 ; que si la société appelante fait valoir que ledit classement se borne à tirer les conséquences du classement des terrains en cause, au titre de la loi du 2 mai 1930, opéré par le décret du 3 janvier 1996, et que, dans l'hypothèse où un délai normal de jugement de l'instance d'excès de pouvoir relative au PAZ aurait été observé par la juridiction administrative, elle aurait été en mesure d'achever l'opération d'aménagement avant le classement du site, un tel classement ne faisait pas, par lui-même obstacle, à la poursuite de l'opération d'aménagement ; que, l'aménageur n'ayant aucun droit au maintien d'une ZAC ou d'un PAZ, la société appelante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait subi, du fait de la durée anormale de la procédure contentieuse, une perte de chance sérieuse d'achever l'opération d'aménagement ;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que les permis de construire qui avaient été annulés par les jugements précités du Tribunal administratif de Nice, jugement infirmés par le Conseil d'Etat par des décisions du 6 février 1998, ont été entièrement exécutés ; que, par suite, à supposer que le délai de jugement de ces instances ait présenté un caractère excessif, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT ne justifie d'aucun préjudice de ce chef ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT demande l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat, sur le fondement de la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, à raison de « l'abandon » par l'Etat de l'opération de ZAC ;

Considérant, d'une part, qu'en l'absence de toute renonciation expresse par l'Etat à l'opération d'aménagement, il ne résulte pas de l'instruction que l'abstention de l'Etat à faire appel du jugement du Tribunal administratif de Nice du 4 juillet 1991 annulant le PAZ, alors qu'elle avait elle-même interjeté appel dudit jugement qui n'était pas de ce fait devenu définitif, et l'intervention du décret de classement du site, intervenu en application de la loi du 2 mai 1930, législation distincte de la législation de l'urbanisme, et qui n'emportait pas par lui-même, d'effets sur le PAZ, puissent être regardés comme une renonciation de l'Etat à l'opération d'aménagement de la ZAC du Cap Dramont ; qu'en tout état de cause, du fait du transfert de compétences de l'Etat au profit des communes opéré par les lois de décentralisation concernant notamment les zones d'aménagement concerté, la poursuite de l'opération d'aménagement en cause ne relevait plus de la compétence de l'Etat mais de celle de la commune de Saint-Raphaël ; qu'ainsi, aucune renonciation de l'Etat à ladite opération n'est susceptible d'être retenue ;

Considérant, d'autre part, qu'à supposer même que les deux faits ci-dessus mentionnés aient pu constituer une renonciation de l'Etat à l'opération d'aménagement, la société appelante qui, en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, ne pouvait ignorer les aléas qui pèsent nécessairement sur la réalisation d'une opération d'urbanisme de cette envergure, et alors qu'il est constant que les 2/3 de l'opération d'aménagement ont été réalisés, ne justifie d'aucun préjudice anormal et spécial ;

Considérant, en second lieu, que c'est seulement lorsqu'elles ont été instituées par application du code de l'urbanisme que les servitudes d'urbanisme peuvent, aux termes de l'article L.160-5 de ce code, donner lieu à l'indemnisation de certains dommages qu'elles ont causés, sous les conditions fixées par ce texte et dans l'hypothèse où le propriétaire concerné supporterait une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général ; que le décret du 3 janvier 1996, classant les parcelles non construites de la ZAC du Cap Dramont, a été pris en application de la loi susvisée du 2 mai 1930 relative à la protection des sites ; que, par suite, le décret en cause qui, au demeurant n'implique aucune dépossession et n'emporte, par lui-même, aucune interdiction de construire, ne peut être regardé comme créant une servitude instituée par application du code de l'urbanisme, au sens de l'article L.160-5 de ce code ; que, dès lors, la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT ne peut demander l'engagement de la responsabilité de l'Etat, à raison du classement du site, sur le fondement desdites dispositions ; que si la société appelante fait valoir qu'elle a subi, du fait du classement du site, une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, en dehors même de l'application de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme, il ressort de l'ensemble des dispositions de la loi du 2 mai 1930, comme il a été rappelé ci-dessus, que le législateur a entendu instituer un régime spécial d'indemnisation des servitudes résultant des mesures de protection des sites prises en application de cette loi et confier aux tribunaux judiciaires la connaissance des litiges auxquels cette indemnisation peut donner ; qu'il suit de là, que cette demande doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui vient d'être dit que la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 octobre 2000, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DRAMONT AMENAGEMENT, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, à la ministre de l'écologie et du développement durable, au garde des sceaux, ministre de la justice.

N° 01MA00279 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA00279
Date de la décision : 09/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SCP VINCENT DELAPORTE-FRANCOIS-HENRI BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-02-09;01ma00279 ?
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