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08/09/2005 | FRANCE | N°01MA01192

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 08 septembre 2005, 01MA01192


Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2001, présentée pour M. Georges X, pris en sa qualité de copropriétaire et de syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Margeride, élisant domicile ... par Me David-Bodin ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°96-2026 en date du 25 janvier 2001 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il n'a retenu la responsabilité de la ville de Cannes qu'à hauteur des trois-quarts du préjudice qu'il a subi à raison de l'édification d'un immeuble par M. à la suite des permis de construire illégalement délivré

s à celui-ci les 15 juin 1990 et 28 janvier 1992 par le maire de Cannes, e...

Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2001, présentée pour M. Georges X, pris en sa qualité de copropriétaire et de syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Margeride, élisant domicile ... par Me David-Bodin ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°96-2026 en date du 25 janvier 2001 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il n'a retenu la responsabilité de la ville de Cannes qu'à hauteur des trois-quarts du préjudice qu'il a subi à raison de l'édification d'un immeuble par M. à la suite des permis de construire illégalement délivrés à celui-ci les 15 juin 1990 et 28 janvier 1992 par le maire de Cannes, et en tant qu'il a écarté la responsabilité de l'Etat ;

2°) de condamner conjointement et solidairement la ville de Cannes et l'Etat à lui payer, au titre du préjudice patrimonial et du trouble de jouissance, la somme de 1.236.000 F (soit 188.426,99 euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable formée le 6 décembre 1995 ;

3°) de condamner conjointement et solidairement la ville de Cannes et l'Etat à lui payer la somme de 40.000 F (soit 6.097,96 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin2005 :

- le rapport de M.Laffet ; rapporteur ;

- les observations de M. X Georges ;

- les observations de Me Orlandini, de la SCP Franck-Berliner-Duter, pour la commune de Cannes ;

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 25 janvier 2001, le Tribunal administratif de Nice a condamné la ville de Cannes à verser à M. X la somme de 30.000 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 1996, en réparation du préjudice que ce dernier a subi du fait de l'édification d'un immeuble réalisé en vertu de permis de construire illégaux délivrés par le maire de Cannes à M. ; que M. X relève appel de ce jugement en tant qu'il a écarté la responsabilité de l'Etat et n'a retenu à l'égard de la ville de Cannes qu'une partie du préjudice allégué ; que la ville de Cannes conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour, subsidiairement, de ne retenir sa responsabilité qu'à hauteur de la moitié et de condamner l'Etat solidairement avec elle à indemniser le préjudice invoqué par M. X ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la ville de Cannes fait grief au Tribunal administratif de Nice d'avoir statué ultra petita en retenant le préjudice lié aux troubles dans les conditions d'existence, qui n'aurait été invoqué par M. X ni dans sa demande préalable, ni dans ses mémoires de première instance ; que, toutefois, dans ses écritures, l'intéressé a inclus dans les préjudices à caractères patrimoniaux dont il demande réparation, celui lié à la perte du droit à la vue provoquée par l'impact de l'immeuble illégalement autorisé ; qu'ainsi, et alors que l'évaluation de ce chef de préjudice faite par les premiers juges est bien en deçà de celle qui était demandée, le Tribunal administratif de Nice ne s'est prononcé que dans les limites des conclusions qui lui avaient été présentées par M.X ; qu'ainsi, la ville de Cannes n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la ville de Cannes :

Considérant que, si le terrain d'assiette du bâtiment pour lequel le maire de Cannes a délivré à M. , respectivement le 15 juin 1990 et le 28 janvier 1992, deux permis de construire, était constructible en vertu des dispositions du plan d'occupation des sols de la ville de Cannes, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt en date du 21 mars 2000 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence que les plans présentés à l'appui tant de la première demande que de la seconde contenaient des renseignements erronés de nature à permettre un dépassement tant du coefficient d'occupation des sols, que de l'emprise au sol limitée à 800 m² ou de la hauteur frontale qui atteignait de fait plus de 24 mètres, alors que l'article UI 10 du règlement du plan d'occupation des sols n'autorisait que 15 mètres ; que la présence de ce bâtiment, implanté face à l'immeuble occupé par M. X portait à l'environnement, aux vues sur mer et à l'ensoleillement dudit immeuble une atteinte plus grave que celle qui aurait résulté d'une construction conforme aux dispositions du plan d'occupation des sols ; qu'en délivrant ces permis illégalement, alors qu'une instruction plus approfondie des services techniques de la ville de Cannes aurait pu permettre de déceler les anomalies contenues dans ces dossiers, le maire de Cannes a commis une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, et génératrice pour M. X d'un préjudice indemnisable ;

Considérant, cependant, que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la circonstance que l'autorité chargée de la délivrance des permis de construire aurait été induite en erreur par des manoeuvres dolosives du promoteur qui aurait fourni des renseignements inexacts sur la nature du projet est de nature à atténuer la responsabilité de la ville de Cannes à l'égard de M. X ; qu'ainsi, il y a lieu pour la Cour de confirmer, sur ce point, le jugement du Tribunal administratif de Nice et d'exonérer la ville de Cannes à hauteur d'un quart de sa responsabilité ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant que, d'une part, M. X fait grief au représentant de l'Etat et à ses services d'avoir failli à leur mission de contrôle de légalité prévue par l'article L.2131-6 du code général des collectivités territoriales en ne dénonçant par l'illégalité des permis de construire délivrés par le maire de Cannes à M. ; que les fautes qui peuvent être commises dans le cadre du contrôle de légalité ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat que si elle constituent une faute lourde ;

Considérant, toutefois, qu'au vu des documents qui lui avaient été transmis dans le cadre de ce contrôle, notamment des plans annexés aux demandes de permis de construire, les services de l'Etat ne pouvaient se rendre compte du caractère erroné des renseignements fournis par le pétitionnaire qu'à l'issue d'une étude particulièrement approfondie du dossier ; qu'ainsi, la circonstance que le représentant de l'Etat se soit abstenu de déférer au Tribunal administratif de Nice les deux permis de construire délivrés à M. ne constitue pas une faute lourde, alors qu'au demeurant, dès que le caractère frauduleux de l'opération a été découvert, le préfet des Alpes-Maritimes a demandé, le 10 juin 1993, au maire de Cannes de retirer les autorisations de construire qu'il avait délivrées à M. ;

Considérant que, d'autre part, si la ville de Cannes reproche aux services de l'Etat d'avoir fait classer sans suite les procès-verbaux d'infractions à la législation sur les permis de construire relevées à l'encontre de M. , il ressort des pièces du dossier que, si effectivement les services de la direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes ont proposé au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Grasse de classer le procès-verbal du 27 septembre 1991 compte tenu du permis de construire modificatif délivré le 28 janvier 1992, ils ont, en revanche, s'agissant du procès-verbal dressé le 9 juillet 1992, laissé au Parquet le soin d'apprécier l'opportunité des poursuites au regard des infractions commises, lequel a estimé devoir classer sans suite les procédures ;

Considérant qu'il il résulte de ce qui précède que ni M. X, ni la ville de Cannes ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice n'a pas retenu que la responsabilité de l'Etat était engagée à leur égard ;

Sur la réparation du préjudice :

Considérant, en premier lieu, que, s'agissant du préjudice patrimonial, le préjudice engendré par la présence du bâtiment illégalement autorisé doit être regardé comme ayant cessé à la date à laquelle cet ouvrage a été démoli et les lieux complètement remis en état ; qu'il résulte de l'instruction que cette construction a été rasée en 1997 en exécution du jugement en date du 1er octobre 1996 du Tribunal de grande instance de Grasse et les lieux remis en état en 2003 à la suite d'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 21 mars 2000 ;

Considérant, d'une part, que pas plus en cause d'appel qu'en première instance, M. X n'établit qu'au cours de la période antérieure à la remise en état des lieux, il ait cherché à vendre son appartement ; qu'ainsi, le préjudice qu'il invoque au titre de la perte de la valeur vénale de ce bien immobilier ne présente qu'un caractère purement éventuel qui ne saurait faire l'objet d'une réparation incombant à la ville de Cannes ;

Considérant, d'autre part, que la présence de l'immeuble illégalement autorisé a entraîné des nuisances liées à la perte de vue sur la mer et d'ensoleillement jusqu'à la démolition de l'ouvrage dont s'agit en 1997, puis liées à l'existence de tas de gravats résultant de cette démolition jusqu'à la complète remise en état des lieux en 2003 ; qu'ainsi, les nuisances et les troubles de jouissance qu'a subis, sous des formes diverses, M. ¨X se sont poursuivis pendant treize années entre 1990, date de la délivrance du permis de construire initial, et 2003 ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, distinct de celui indemnisé par le juge pénal, en l'évaluant à la somme de 30.000 euros, tous intérêts confondus à la date de la présente décision ;

Considérant, en second lieu, que, s'agissant des frais, honoraires et débours exposés pour les procédures engagées devant différentes juridictions, il n'est pas établi qu'ils aient un lien direct avec l'illégalité des autorisations de construire délivrées par le maire de Cannes, alors que ces dépenses ne peuvent relever que des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ou de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ce chef de demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'exonération à hauteur d'un quart de la responsabilité de la ville de Cannes, celle-ci doit être condamnée à verser à M. X une indemnité de 22.500 euros, y compris tous intérêts échus au jour de la présente décision ;

Sur l'appel incident de la ville de Cannes :

Considérant que, comme il vient d'être dit ci-dessus, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a exonéré la responsabilité de la ville de Cannes à hauteur d'un quart ; qu'en outre, aucune faute lourde ne peut être retenue à l'encontre de l'Etat ; qu'ainsi, les conclusions de la ville de Cannes tendant à être exonérée à hauteur de la moitié de sa responsabilité et à ce que l'Etat soit condamné solidairement avec elle à indemniser le préjudice subi par M. X doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la ville de Cannes doit être condamnée à payer à M. X la somme de 22.500 euros, y compris tous intérêts échus au jour de la présente décision ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire au présent arrêt et de rejeter l'appel incident de la ville de Cannes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la ville de Cannes à payer à M. X une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, la demande présentée par M. X sur le même fondement et dirigée contre l'Etat doit être rejetée ;

Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la ville de Cannes les frais de même nature qu'elle a exposés à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 30.000 F (trente mille francs) soit 4.573,47 euros (quatre mille cinq cent soixante treize euros et quarante sept centimes) que la ville de Cannes a été condamnée à verser à M. X par le jugement en date du 25 janvier 2001 du Tribunal administratif de Nice est portée à 22.500 euros (vingt-deux mille cinq cents euros), y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice n° 96-2026 en date du 25 janvier 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La ville de Cannes versera à M. X une somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X et l'appel incident de la ville de Cannes sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions de la ville de Cannes tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la ville de Cannes et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 01MA01192 5

MTR


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA01192
Date de la décision : 08/09/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. Bernard LAFFET
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : DAVID BODIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-09-08;01ma01192 ?
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