Vu la requête, enregistrée le 3 février 2004 et le mémoire complémentaire enregistré le 17 février 2004, présentés par Me Diop, pour la SNC CANNES ESTEREL, dont le siège est 3, chemin des Sables à Antibes (06600), représentée par son gérant en exercice, pour M. Thierry X, gérant de ladite société, et pour Mme Dominique X, élisant tous deux domicile ...; La SNC CANNES ESTEREL et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 03-4960,03-5001,03-5488 du 9 janvier 2004en tant que le président délégué du Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande de provision ;
2°) de condamner l'Etat et la ville de Cannes conjointement et solidairement à verser à la SNC CANNES ESTEREL la somme provisionnelle de 17.200.000 euros en sus des intérêts capitalisés jusqu'à parfait paiement, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter de la date de la décision à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat et la ville Cannes conjointement et solidairement à verser à titre de provision aux époux X la somme de 5 millions d'euros, en sus des intérêts capitalisés, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter de la date de la décision à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat et la ville de Cannes conjointement et solidairement à leur verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner conjointement et solidairement la compagnie Générale France Assurances et la compagnie Groupama à relever et garantir les condamnations pécuniaires provisionnelles prononcées à l'encontre de la ville de Cannes ;
6°)d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir au seul vu de la minute ;
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Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2005 :
- le rapport de M. Laffet, rapporteur ;
- les observations de Me Gaschignard pour la SNC CANNES ESTEREL et pour les époux X ;
- les observations de Me Leroy-Freschini pour la ville de Cannes ;
- les observations de Me Noël, substituant la SELARL Michel Teboul, pour la compagnie Generali France Assurances venant aux droits de la compagnie La Concorde ;
- les observations de Me Ladouari, de la SCP Tertian-Bagnoli, pour la compagnie d'assurances Groupama ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par ordonnance en date du 9 janvier 2004, le vice-président du Tribunal administratif de Nice, juge des référés, a rejeté les demandes présentées, d'une part, par la SNC CANNES ESTEREL et, d'autre part, par M. et Mme X tendant à ce que l'Etat et la commune de Cannes soient condamnés conjointement et solidairement à leur verser respectivement une provision de 17.200.000 euros et de 500.000 euros à raison des préjudices subis à la suite du refus illégal et tardif opposé par le maire de Cannes à la demande de permis de construire modificatif présentée par la SNC CANNES ESTEREL ; qu'il a également rejeté par la même ordonnance les conclusions de la commune de Cannes tendant à ce que les compagnies d'assurances Générali France et Groupama Alpes-Méditerranée la relèvent et la garantissent contre les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et étendu les opérations de l'expertise qu'il avait ordonnée par ordonnance du 1er octobre 2003 au contradictoire de la compagnie Générali France Assurances et de la compagnie Groupama-Alpes-Méditerranée, ainsi qu'à la recherche des éléments utiles d'appréciation permettant de déterminer les causes, la nature et le montant de l'ensemble des préjudices personnels allégués par les époux X résultant de l'immobilisation du chantier de la SNC CANNES ESTEREL entre le 9 juin 1992 et le 9 décembre 1992 ; que la SNC CANNES ESTEREL et M. et Mme X relèvent appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté leurs demandes de provision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune de Cannes :
Sur les demandes de provision :
Considérant qu'aux termes de l'article R.541-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie.» ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :
Considérant que les préjudices dont se prévalent les requérants trouvent leur origine dans l'illégalité de l'arrêté en date du 28 juillet 1994 par lequel le maire de Cannes a refusé à la SNC CANNES ESTEREL la délivrance d'un permis de construire modificatif, et qui a été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 juillet 2000, et non dans l'arrêté interruptif de travaux pris par le maire de Cannes, agissant au nom de l'Etat, en vue de suspendre les travaux de construction de l'ensemble immobilier autorisés par un permis de construire délivré le 13 juin 1989 à M. X et transféré le 9 janvier 1991 à la SNC CANNES ESTEREL, au motif de l'absence de conformité d'un des immeubles en cours de réalisation au regard du permis de construire délivré ; qu'ainsi, l'existence de l'obligation de l'Etat à l'égard des requérants est sérieusement contestable et, d'ailleurs, contestée par le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; qu'en conséquence, la demande d'allocation provisionnelle présentée à l'encontre de l'Etat par la SNC CANNES ESTEREL et M. et Mme X doit être, en tout état de cause rejetée ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la commune de Cannes :
Considérant, d'une part, que la SNC CANNES ESTEREL sollicite une allocation provisionnelle de 17.200.000 euros en se fondant sur l'atteinte grave et imminente à ses intérêts du fait de la mesure de saisie immobilière dont elle est menacée par la banque UEB SOBI, qui lui a consenti le prêt en vue de la réalisation de son projet, et dont elle reste débitrice à la date du 31 décembre 2003 d'une somme de 17.472.169,29 euros ; que, toutefois, en l'état du dossier, et alors que la procédure de saisie immobilière est pendante depuis le mois de mars 1996 devant la justice civile, aucun élément nouveau ne permet d'établir que la provision d'un montant de 1.500.000 euros allouée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 17 décembre 2003 serait insuffisante pour sauver le projet de la société requérante ; que l'allocation réclamée est donc contestable et est d'ailleurs sérieusement contestée par la commune de Cannes ; que, dans ces conditions, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a pu, à bon droit, rejeter la demande présentée par la SNC CANNES ESTEREL ;
Considérant, d'autre part, que, s'agissant des préjudices personnels et moraux que les époux X allèguent avoir subis en leur qualité de dirigeants de la SNC CANNES ESTEREL, et liés à la liquidation de la société Thierry X Entreprise (TPE), à la vente d'appartements en dessous de leur valeur vénale en vue de désintéresser les créanciers, à la liquidation judiciaire personnelle ou à la liquidation de la SCI Jean de Noailles V, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a décidé, par l'ordonnance attaquée, d'étendre la mission de l'expert désigné par ordonnance du 1er octobre 2003 en vue d'apporter tous les éléments utiles d'appréciation permettant d'apprécier ces préjudices ; que l'état du dossier ne permet pas d'apprécier l'étendue exacte de ces préjudices, en l'absence du dépôt du rapport d'expertise, alors que l'obligation dont se prévalent les époux X est contestée par la commune de Cannes ; que, dans ces conditions, dès lors que l'existence de l'obligation est sérieusement contestable, c'est à bon droit que le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande d'allocation provisionnelle présentée par M. et Mme X ;
Sur l'appel en garantie :
Considérant que, comme l'a relevé le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, les dispositions de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier qui réservent la qualification de contrats administratifs aux marchés passés en application du code des marchés publics n'étaient pas applicables à la date de signature des contrats d'assurances conclus par la commune de Cannes avec les compagnies d'assurance Générali France et Groupama-Alpes-Méditerranée ; qu'ainsi, dès lors que l'obligation de l'assureur à réparer le préjudice de son assuré est une obligation de droit privé, les conclusions dirigées contre les assureurs de la commune de Cannes doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'en tout état de cause, ces conclusions sont sans objet dès lors qu'aucune condamnation à verser une indemnité provisionnelle n'a été prononcée à l'encontre de la commune de Cannes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC CANNES ESTEREL et les époux X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, par l'ordonnance attaquée, a rejeté leurs demandes d'allocation provisionnelle ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cannes et l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la SNC CANNES ESTEREL et aux époux X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en application des mêmes dispositions, il n'y a pas lieu de condamner la SNC CANNES ESTEREL et les époux X à payer à la commune de Cannes, à la compagnie Groupama-Alpes-Méditerranée et à la compagnie Générali Assurances, venant aux droits de la compagnie Générali France, les sommes qu'elles demandent au titre des frais de même nature exposés par eux ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC CANNES ESTEREL et des époux X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie formées par la commune de Cannes à l'encontre de la compagnie Groupama-Alpes-Méditerranée et de la compagnie Générali Assurances sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Cannes, de la compagnie Groupama-Alpes-Méditerranée et de la compagnie Générali Assurances tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC CANNES ESTEREL, à M. et Mme X, à la commune de Cannes, à la compagnie Groupama-Alpes-Méditerranée, à la compagnie Générali Assurances et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2005, où siégeaient :
N° 04MA00239 2
alr