Vu la requête et le mémoire, transmis par télécopie et enregistrés le 2 juillet 2001, présentés pour la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE dont le siège social est 140 rue Georges Claude, BP 57000, à Aix-en-Provence, représentée par son président directeur général en exercice, par Me Borra, avocat ; La société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-5546 du 5 avril 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de Mme X, M. Y, M. Z, M. A, M. B et Mlle C, l'arrêté en date du 17 juillet 1998 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a modifié son arrêté du 22 janvier 1998 portant renouvellement de l'autorisation qu'il lui avait accordée en vue d'exploiter une carrière au lieu-dit La Bastide Blanche à Chateauneuf-les-Martigues, en ce qu'il étend le périmètre d'exploitation à la parcelle D 9 ;
2°) d'ordonner le sursis à l'exécution de ce jugement ;
3°) de rejeter la demande présentée par Mme X et autres devant le Tribunal administratif de Marseille ;
4°) de condamner Mme X et autres à lui verser une somme de 45.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée et le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié, pris pour son application ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2005,
- le rapport de M. Attanasio, rapporteur ;
- les observations de Me Boulisset, substituant Me Debeaurain, pour MM. Z, A, B, pour Mlle C et pour l'Association de défense contre les nuisances des carrières (A.D.N.C.) ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par arrêté du 22 janvier 1998, le préfet des Bouches-du-Rhône a renouvelé l'autorisation accordée à la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE d'exploiter une carrière au lieu-dit La Bastide Blanche sur le territoire de la commune de Chateauneuf-les-Martigues ; que, par un arrêté du 17 juillet 1998, le préfet a modifié son précédent arrêté en étendant notamment le périmètre d'exploitation de la carrière autorisée ; que les deux arrêtés ont été contestés devant le Tribunal administratif de Marseille par Mme X, M. Y, M. Z, M. A, M. B et Mlle C ; que, par jugement du 5 avril 2001, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 17 juillet 1998 en ce qu'il étend le périmètre d'exploitation de la carrière à la parcelle D 9 et rejeté le surplus des conclusions de la demande des intéressés ; que la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté du 17 juillet 1998 ; que M. Z, M. A, M. B et Mlle C, ont conclu, par la voie du recours incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande et de l'arrêté du 22 janvier 1998 ; que l'Association de défense contre les nuisances des carrières a présenté une intervention tendant au rejet de l'appel principal ;
Sur l'intervention de l'Association de défense contre les nuisances des carrières :
Considérant que l'Association de défense contre les nuisances des carrières a intérêt au rejet de la requête de la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE ; que, par suite, son intervention est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Marseille le 15 novembre 1999, Mme X et autres ont conclu expressément à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 1998 ; qu'ainsi, en prononçant l'annulation partielle de cet arrêté, les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce que soutient la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE, statué ultra petita ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, que la demande présentée par Mme et les autres requérants devant le Tribunal administratif de Marseille tendait expressément à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 janvier 1998 précité ; qu'eu égard à son objet, cette demande, en admettant même qu'elle mît en cause les agissements de la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE, n'était pas irrecevable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à l'importance de la carrière dont s'agit exploitée sur plus de 157 hectares, Mme X et les autres demandeurs, domiciliés à Chateauneuf-les-Martigues, justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre des arrêtés par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE à poursuivre l'exploitation de ladite carrière ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R.511-5 du code de justice administrative : La notification du jugement ou de l'ordonnance rejetant une demande de sursis à exécution en raison de l'absence de moyens sérieux d'annulation avertit le requérant que, s'il ne présente pas dans le délai de deux mois à compter de cette notification un mémoire confirmant les fins de sa requête en annulation, il sera réputé s'être désisté ; que le désistement d'office prévu par ces dispositions ne peut être prononcé qu'à la condition que la notification du rejet des conclusions à fin de sursis comporte expressément l'indication des conséquences pouvant résulter, pour le requérant, d'une absence de confirmation de ses conclusions à fin d'annulation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre, en date du 6 décembre 1999, notifiant le jugement rejetant la demande de sursis à exécution de Mme X ne comportait pas l'indication précitée ; que, dès lors, Mme X et les autres requérants ne pouvaient être réputés s'être désistés de leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux susvisés ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'arrêté du 17 juillet 1998 ait fait l'objet de mesures de publicité prévues par le décret du 21 septembre 1977 susvisé ; que les conclusions de Mme X et des autres requérants tendant à l'annulation de cet arrêté ne sauraient dès lors être regardées comme tardives ;
Sur la légalité de l'arrêté du 17 juillet 1998 :
Considérant qu'en vertu de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, la demande d'autorisation d'exploitation d'une carrière doit être accompagnée d'une étude d'impact dont le contenu doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et ses incidences prévisibles sur l'environnement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la parcelle D 9 avait été exclue du périmètre d'exploitation de la carrière lors du renouvellement de l'autorisation par l'arrêté du 23 février 1988 ; qu'elle n'était pas au nombre des parcelles mentionnées dans la demande d'autorisation présentée le 24 avril 1997 par la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE ; que l'arrêté du 22 janvier 1998 ne l'incluait pas dans le périmètre d'exploitation de la carrière dont il renouvelait l'autorisation ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE, l'arrêté du 17 juillet 1998 a eu pour effet d'étendre ledit périmètre d'exploitation en incluant dans celui-ci la parcelle D 9 d'une superficie de plus de 26 hectares ; que, dès lors, cet arrêté n'a pu légalement intervenir sans une étude d'impact complémentaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 17 juillet 1998 en tant qu'il étend le périmètre d'exploitation de la carrière à la parcelle D 9 ;
Sur l'appel incident de M. Z et autres :
Considérant que les conclusions de l'appel incident de M. Z et autres, qui tendent à l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 22 janvier 1998, soulèvent un litige distinct de celui sur lequel porte l'appel principal ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. Z et autres tendant au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant que l'Association de défense contre les nuisances des carrières, qui est intervenante et non partie au litige, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par l'Association de défense contre les nuisances des carrières doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'Association de défense contre les nuisances des carrières est admise.
Article 2 : La requête de la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE est rejetée.
Article 3 : Les conclusions incidentes et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative de M. Z et autres sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de l'Association de défense contre les nuisances des carrières tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE MEDITERRANEE, à Mme X, à M. Y, à M. Louis Z, à M. Max A, à M. Patrick B, à Mlle Agathe C, à l'Association de défense contre les nuisances des carrières et au ministre de l'écologie et du développement durable.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2005, où siégeaient :
N° 01MA01467
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