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02/05/2005 | FRANCE | N°01MA02642

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 02 mai 2005, 01MA02642


Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 décembre 2001 sous le n°01MA2642, présentée par M. B..., mandataire liquidateur de la société ENTREPRISE TOULONNAISE DE PEINTURE (ETP), dont le siège est ... ;

Elle demande que la Cour :

1) réforme le jugement n°95718 du 24 octobre 2001, notifié le 8 novembre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée solidairement avec la société SENEC, mandataire du groupement d'entreprises SENEC-CASTELLS-DA SILVA-SOGEA, à garantir le cabinet Beterem des condamnations prononcées à son encontre en

réparation des préjudices entraînés pour la commune de La Valette-du-Var par l...

Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 décembre 2001 sous le n°01MA2642, présentée par M. B..., mandataire liquidateur de la société ENTREPRISE TOULONNAISE DE PEINTURE (ETP), dont le siège est ... ;

Elle demande que la Cour :

1) réforme le jugement n°95718 du 24 octobre 2001, notifié le 8 novembre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée solidairement avec la société SENEC, mandataire du groupement d'entreprises SENEC-CASTELLS-DA SILVA-SOGEA, à garantir le cabinet Beterem des condamnations prononcées à son encontre en réparation des préjudices entraînés pour la commune de La Valette-du-Var par les désordres affectant les peintures du parc souterrain de stationnement situé place du Général de Gaulle ;

2) condamne le cabinet Beterem et le groupement d'entreprises SENEC-CASTELLS-DA SILVA-SOGEA, dont le mandataire est la société SENEC, à lui verser la somme de 1.524,49 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ;

- les observations de Me X..., substituant Me Z... pour la commune de La-Valette-du-Var et de Me A... pour la société SENEC ;

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes susvisées, enregistrées sous les n° 01MA2642 et 01MA2703, sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Considérant que pour la construction d'un parc souterrain de stationnement de 340 places sur deux niveaux, situé sous la place du général de Gaule, la commune de la Valette-du-Var a passé le 1er juillet 1988 un marché de travaux avec un groupement d'entreprises solidaires, constitué par la Société d'Exploitation de la Nouvelle Entreprise de Construction (SENEC), la société Da Silva Maïa et compagnie, la société Entreprise René Castells et la société Sogéa Côte-d'Azur, dont le mandataire commun est la société SENEC ; que le bureau d'études techniques Beterem s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre de l'opération ; qu'à raison des désordres relatifs aux travaux des peintures sur maçonnerie, la commune de la Valette-du-Var a demandé au Tribunal administratif de Nice, afin de réparer les préjudices entraînés par lesdits désordres, la condamnation solidaire de la société SENEC en sa qualité de mandataire du groupement d'entreprises susmentionné, du bureau Beterem en sa qualité de maître d'oeuvre, et de la société Entreprise Toulonnaise de Peinture (ETP) en sa qualité de sous-traitant pour la pose des peintures au sol ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la garantie décennale des constructeurs :

Considérant que le Tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de la commune de la Valette-du-Var tendant, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1972 et 2270 du code civil, à la condamnation solidaire des constructeurs SENEC et Beterem à réparer les conséquences dommageables des désordres de glissance affectant les aires de stationnement du parking ;

Considérant que si le rapport d'expertise du 25 août 1993, au vu des essais réalisés les 27 octobre 1992 et 25 mai 1993, fait état d'une tendance à la glissance pour les piétons sur les seules aires de stationnement des véhicules lorsqu'une lame d'eau de 1 à 2 mm d'épaisseur est appliquée sur le revêtement, aucun phénomène de glissance n'a toutefois été constaté sur les autres parties du parking affectées à la circulation des automobiles et des piétons ; qu'il n'est pas établi qu'un tel risque existe sans flaque d'eau, alors que le parc de stationnement est souterrain ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2004, lequel n'est pas sérieusement contesté, qu'aucun accident de glissade ne s'est produit depuis ceux mentionnés par la première expertise de 1993 ; que, dans ces conditions, le risque de glissance constaté par l'expert Y... lors de ses essais ne peut être regardé comme présentant un caractère suffisamment grave et généralisé de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Beterem est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a retenu sa responsabilité de constructeur à ce titre, solidairement avec la société SENEC ; qu'elle est par suite fondée à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des constructeurs :

Considérant que le Tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de la commune de la Valette-du-Var tendant, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à la condamnation de la société SENEC, en sa qualité de mandataire du groupement de constructeurs susmentionnés, à réparer les conséquences dommageables des désordres de décollement des revêtements affectant les allées de circulation du parking ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le cahier des charges initial prévoyait un revêtement monocouche à base de résine époxy desdites allées ; que si le maître d'ouvrage a modifié unilatéralement sa demande le 15 février 1989, en exigeant un revêtement monocouche en vernis incolore afin de laisser au béton sa couleur naturelle, une telle modification de la nature du revêtement, entérinée par la maîtrise d'oeuvre, n'était pas en soi constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre, dès lorsqu'il n'est pas établi qu'un tel choix était non-conforme aux règles de l'art et incompatible avec la configuration du chantier, nonobstant la circonstance que la société Entreprise Toulonnaise de Peinture (ETP), en sa qualité de sous-traitant pour la pose des peintures au sol, ait remarqué le 20 février 1989 que ladite modification s'écartait des prescriptions initiales du cahier des charges ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise du 25 août 1993 et du 14 janvier 2004, que les désordres de décollement ont été exclusivement provoqués par l'application tardive d'une seconde couche colorée, après la phase de durcissement de la première couche de vernis incolore ; que la société ETP, qui invoque la partialité du premier expert Y..., ainsi qu'un vice du contradictoire lors de cette expertise, n'établit pas sérieusement ses allégations en n'apportant aucun élément probant ; que ladite société ETP ne conteste pas sérieusement que la nécessité d'appliquer la seconde couche colorée était due à sa seule erreur d'avoir appliqué la première couche incolore sur un sol sale, qu'elle n'avait pas au préalable décapé ; qu'il ne saurait être reproché à la maîtrise d'oeuvre un défaut de direction ou de surveillance du chantier, compte-tenu du caractère grossier d'une telle erreur, que tout professionnel se doit d'éviter ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que le décapage était impossible à réaliser ; qu'enfin le maître d'oeuvre, en vue de résoudre les désordres ainsi apparus, a sollicité en vain de l'entreprise ETP les justificatifs et fiches techniques des peintures utilisées ; que, dans ces conditions, les désordres de décollement dont s'agit doivent être regardés comme exclusivement imputables aux insuffisances du sous-traitant ETP ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SENEC n'est pas fondée à se plaindre que le Tribunal a retenu sa responsabilité contractuelle en sa qualité de mandataire du groupement d'entreprises titulaire du marché, dès lors que le titulaire d'un marché de travaux est redevable envers le maître de l'ouvrage de la réparation des préjudices liés aux désordres de la construction, alors même que ces désordres seraient imputables à un sous-traitant ; qu'elle n'est pas davantage fondée à se plaindre que le Tribunal a écarté la responsabilité contractuelle du bureau Beterem en sa qualité de maître d'oeuvre ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué ;

Sur le montant des préjudices :

Considérant que, par appel incident, la commune de La-Valette-du-var demande que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation relative aux arrêts de travail d'agents communaux qui ont glissé en marchant sur le revêtement en litige et qui s'élèverait à la somme de 123.691, 78 francs (18.856,69 euros) ; que toutefois, comme cela a été dit, la responsabilité des constructeurs ne peut être engagée sur le terrain de la garantie décennale en ce qui concerne les phénomènes de glissance allégués ; que les conclusions susmentionnées doivent par suite être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'article 1er du jugement attaqué, qui condamnait solidairement le bureau Beterem et la société SENEC, doit être annulé ; qu'en l'absence de toute autre condamnation prononcée par le jugement attaqué et par le présent arrêt à l'encontre du bureau Beterem, ce dernier ne peut être condamné à prendre en charge les frais d'expertise solidairement avec la société SENEC ; que, par voie de conséquence, l'article 3 du jugement attaqué doit annulé en tant qu'il met les frais d'expertise d'un montant de 15.259,66 F à la charge du bureau Beterem ; que cette charge doit être intégralement assumée par la société SENEC ;

Sur les appels en garantie :

En ce qui concerne les désordres de glissance :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'article 1er du jugement attaqué, qui condamnait solidairement le bureau Beterem et la société SENEC, doit être annulé, ensemble son article 3 en tant qu'il met les frais d'expertise à la charge solidaire du bureau Beterem ; que, par voie de conséquence, doit être annulé l'article 8 du jugement attaqué qui condamne solidairement la société ETP et la société SENEC à garantir le bureau Beterem des condamnations prononcées à son encontre par ces articles 1er et 3 ;

En ce qui concerne les désordres de décollement :

Considérant, d'une part, que le litige contractuel né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; que tel est le cas du groupement d'entreprises appelant titulaire du marché, représenté par la société SENEC, et de son sous-traitant, la société ETP ; que, dès lors, la société SENEC n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient à tort rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître son appel en garantie dirigé contre son sous-traitant ETP ;

Considérant d'autre part, et ainsi qu'il a été dit, que les désordres de décollement rencontrés sont imputables à la faute exclusive de la société sous-traitante ETP, laquelle a appliqué la première couche incolore sur un sol sale qu'elle n'avait pas au préalable décapé, avant d'appliquer tardivement une seconde couche colorée qui n'a pas accroché la première ; qu'il ne saurait être reproché à la maîtrise d'oeuvre un défaut de direction ou de surveillance du chantier, compte-tenu du caractère grossier d'une telle erreur, que tout professionnel se doit d'éviter ; qu'il n'est pas établi que le choix d'un vernis incolore, décidé par la maître d'ouvrage et entériné par la maîtrise d'oeuvre, était non-conforme aux règles de l'art et incompatible avec la configuration du chantier ; qu'aucune faute de conception ou de surveillance ne peut, dans ces conditions, être reprochée à la commune maître de l'ouvrage ou au cabinet Beterem maître d'oeuvre ; qu'il s'ensuit que la société SENEC n'est pas fondée à se plaindre que les premiers juges ont rejeté comme non fondé son appel en garantie dirigé contre le maître d'oeuvre Beterem ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n' y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative et tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'article 1er du jugement attaqué est annulé.

Article 2 : L'article 3 du jugement attaqué est annulé en tant qu'il met les frais d'expertise d'un montant de 15.259,66 francs à la charge solidaire de la société Beterem.

Article 3 : L'article 8 du jugement attaqué est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société SENEC, de la société ETP, et de la société Beterem est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de la Valette-du-Var sont rejetées.

Article 6 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à de la société SENEC, à la société ETP, à la société Beterem, à la commune de la Valette-du-Var, et au ministre de l'équipement, des transports et du logement, du tourisme et de la mer.

…………….

6

N° 01MA2642 / N° 01MA2703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA02642
Date de la décision : 02/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP CASANOVA FENOT GHRISTI GUENOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-05-02;01ma02642 ?
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