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31/03/2005 | FRANCE | N°00MA00756

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 31 mars 2005, 00MA00756


Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée le 10 avril 2000, présentée pour la COMMUNE DE VALFLAUNES, représentée par son maire en exercice en vertu d'une délibération du conseil municipal en date du 30 mars 2000, par la SCP d'avocats Charrel ; la COMMUNE DE VALFLAUNES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 94-2164 du 3 février 2000 par lequel le tribunal de Montpellier l'a condamnée à payer à la Société Civile Immobilière (SCI) Valauxer et à M. et Mme X une indemnité de 200 000 F en réparation du préjudice que les intéressés ont subi en raiso

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Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée le 10 avril 2000, présentée pour la COMMUNE DE VALFLAUNES, représentée par son maire en exercice en vertu d'une délibération du conseil municipal en date du 30 mars 2000, par la SCP d'avocats Charrel ; la COMMUNE DE VALFLAUNES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 94-2164 du 3 février 2000 par lequel le tribunal de Montpellier l'a condamnée à payer à la Société Civile Immobilière (SCI) Valauxer et à M. et Mme X une indemnité de 200 000 F en réparation du préjudice que les intéressés ont subi en raison de la non réalisation de la vente d'une propriété résultant du comportement fautif de la commune ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de condamner la SCI Valauxer et M. et Mme X à lui verser une somme de 6 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..............................................................................................

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2005,

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de Me Dillen-Schneider de la S.C.P. d'avocats COULOMBIE-GRAS-CRETIN-BECQUEVORT pour la SCI Valauxer et M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance pour certains chefs de préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 26 août 1993, la SCI Valauxer et M. et Mme X, sociétaires de ladite SCI, ont adressé une réclamation préalable à la COMMUNE DE VALFLAUNES par laquelle ils sollicitaient une indemnité pour les préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait du comportement fautif des services municipaux et évaluaient leurs préjudices liés d'une part à des frais supplémentaires et d'autre part à un préjudice moral à la somme globale de 250 000 F ; que, dans la requête introductive d'instance déposée devant le Tribunal administratif, les intéressés ont réclamé une indemnité globale de 213 500 F au titre d'un préjudice moral et du préjudice lié à des frais financiers supplémentaires ; que, par un mémoire ampliatif, enregistré le 19 juin 1995, la SCI Valauxer et M. et Mme X ont porté leur demande d'indemnité à la somme de 672 923,33 F correspondant à des frais financiers liés à des crédits à court et moyen terme, à une perte de valeur vénale, à des frais de déplacement exposés par M. X et enfin à des préjudices moraux ; qu'il résulte de l'examen du dossier de première instance que la COMMUNE DE VALFLAUNES a conclu au fond sur l'ensemble des chefs de préjudices ainsi invoqués par les requérants même si elle a soutenu en première instance que la SCI Valauxer n'était pas recevable à demander l'indemnisation du préjudice relatif aux crédits dès lors qu'elle ne justifiait pas d'un préjudice personnel, cette argumentation se rattachant à une contestation de fond et non à une condition de recevabilité de la demande ; qu'ayant ainsi conclu au fond sur l'ensemble des demandes des requérants de première instance, la COMMUNE DE VALFLAUNES a ainsi lié le contentieux en cours d'instance sur l'ensemble de ces préjudices ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le contentieux ne serait pas lié pour les préjudices ne figurant pas dans la réclamation préalable, opposée pour la première fois en appel par la COMMUNE DE VALFLAUNES ne peut qu'être écartée ;

Au fond :

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Valauxer, propriétaire d'une parcelle cadastrée B2 n° 548, sise dans le lotissement dénommé Les Hauts de Valcyre situé sur le territoire de la COMMUNE DE VALFLAUNES et sur laquelle était édifiée une maison d'habitation, a conclu avec M. et Mme Mira, le 22 avril 1992, une promesse de vente d'un lot de copropriété portant sur la maison d'habitation ; que ladite promesse de vente comportait notamment comme condition suspensive que la note d'urbanisme ne révèle aucune servitude particulière pouvant faire obstacle à la mutation, changer la destination du bien ou altérer sa valeur , ce document précisant, en outre, que les conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 30 juin suivant ; que, le 16 juin 1992, la SCI Valauxer a déposé une demande de renseignement d'urbanisme relative à une mutation d'un immeuble bâti sans modification de son état ; que le 26 juin suivant, le maire de la commune a indiqué à ladite société que le règlement du lotissement interdisait tout partage de propriété ; que le 6 juillet 1992, Mme Mira a informé la SCI Valauxer qu'elle entendait renoncer à l'achat du bien en cause, le maire de la commune qu'elle avait elle-même saisi, l'ayant informée que l'opération envisagée n'était pas autorisée par le cahier des charges du lotissement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE VALFLAUNES, l'opération envisagée ne consistait pas en une division de parcelles mais en la constitution d'une copropriété au sein de la maison d'habitation ; que si les dispositions de l'article 15 du règlement du lotissement en cause dispose qu'il est interdit d'utiliser les parcelles du lotissement pour permettre ou réaliser le branchement aux réseaux du lotissement de parcelles quelconques non comprises dans le programme envisagé , l'opération ici envisagée n'était pas contraire aux dites dispositions dès lors qu'elle n'avait pas pour effet de permettre des branchements aux réseaux d'une parcelle extérieure au lotissement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'opération envisagée n'aurait pu être autorisée au regard des autres dispositions du règlement du lotissement ; qu'ainsi les informations mentionnées dans la note d'urbanisme précitée ainsi que les informations données par le maire, dans son courrier du 6 juillet 1992, adressé à Mme Mira, étaient erronées ; qu'à cet égard, la COMMUNE DE VALFLAUNES ne peut utilement faire valoir que l'opération en litige ne pouvait en tout état de cause être régulièrement autorisée au regard des dispositions de l'article R. 315-48 du code de l'urbanisme qui soumettent les subdivisions de lots provenant d'un lotissement aux mêmes formalités que les modifications de lotissements visées à l'article L. 315-3 du même code, les informations communiquées n'étant pas fondées sur les dites dispositions et l'opération envisagée ne constituant pas une subdivision de lot ; qu'il suit de là que la délivrance par le maire de renseignements erronés, alors même que, ce faisant, le maire n'a pris aucune décision, a été constitutive d'une faute de nature à entraîner la responsabilité de la commune ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE VALFLAUNES, il résulte de l'instruction, et notamment du courrier que le maire de la commune a adressé à Mme Mira, que cette autorité était parfaitement informée de la consistance du projet en cause et qu'ainsi il n'est pas établi que le caractère erroné des informations communiquées par le maire était dû au moins en partie au caractère peu explicite de la demande déposée par la SCI Valauxer ; qu'ainsi, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de cette dernière ; que, si la COMMUNE DE VALFLAUNES fait valoir en outre que la SCI Valauxer et M. et Mme X auraient pu se prévaloir des renseignements communiqués par un centre d'informations notariales qui leur avait indiqué que le règlement du lotissement ne s'opposait pas à la réalisation de leur opération, il résulte de l'instruction que ces informations ont été communiquées par un courrier en date du 7 juillet 1992 soit à une date où la renonciation de M. et Mme Mira à l'achat du bien en cause était d'ores et déjà effective ; qu'ainsi, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le non réalisation de la vente en cause résulterait du comportement de la SCI Valauxer et de M. et Mme X et non des renseignements erronés communiqués par ses services ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la correspondance adressée, le 6 juillet 1992 à la SCI Valauxer par Mme Mira, que la renonciation à l'achat du bien en cause par l'intéressée résulte directement des informations erronées communiquées par le maire et non, comme le soutient la commune appelante, à la circonstance que le délai fixé pour la signature de l'acte authentique était venu à expiration, la commune appelante ne pouvant utilement soutenir de ce fait que ledit délai était trop bref ; que la circonstance, invoquée par la commune, que le juge judiciaire ait prononcé la nullité de la vente pour un autre motif est sans incidence sur l'appréciation portée par la juridiction administrative sur le lien de causalité entre le comportement fautif de l'autorité administrative et le dommage subi par la SCI Valauxer et M. et Mme X ; que si la commune appelante fait valoir également que Mme Mira avait des relations tendues avec les intéressés bien avant la communication des renseignements d'urbanisme en litige et que l'intéressée a signé dès le 7 juillet 2000 un acte d'acquisition d'une nouvelle maison, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause les termes de la correspondance précitée du 6 juillet 1992 qui établissent que les renseignements d'urbanisme constituaient la cause déterminante de la renonciation par Mme Mira à l'achat en cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VALFLAUNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu son entière responsabilité à l'égard de la SCI Valauxer et de M. et Mme X ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les renseignements erronés communiqués par le maire de la COMMUNE DE VALFLAUNES ont conduit M. et Mme Mira à renoncer à l'achat de la propriété de la SCI Valauxer et que le comportement fautif des services municipaux a entraîné un retard dans la réalisation de la vente du bien en cause qui n'a pu être réalisée que le 30 mars 1995 ; qu'ainsi la SCI Valauxer et M. et Mme X ne peuvent réclamer que la réparation des préjudices directs et certains liés au retard dans la réalisation de ladite opération, soit du 6 juillet 1992 au 30 mars 1995 ;

Considérant, en premier lieu, qu'en première instance, la SCI Valauxer sollicitait le versement d'une indemnité correspondant aux intérêts, assurances et pénalités afférents à des crédits à long et court terme ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations mêmes des demandeurs de première instance, que les crédits en cause avaient été contractés par M. et Mme X et que la charge de ces prêts pesait sur ces derniers et non sur la SCI Valauxer ; qu'ainsi cette dernière ne justifie pas à ce titre d'un préjudice personnel et n'est, par suite, pas fondée à réclamer une indemnité de ce chef ;

Considérant que, si les intimés avaient entendu réclamer l'indemnisation de ce chef de préjudice au bénéfice de M. et Mme X, il résulte de l'instruction que l'ensemble des prêts ont été contractés par ces derniers antérieurement à la période de responsabilité ci-dessus précisée et qu'il n'est pas établi que les prêts en question seraient liés au bien en cause ; qu'ainsi les préjudices allégués ne présentent pas un lien de causalité direct avec le comportement fautif de la commune ; que si les intéressés font valoir que, si la vente avait eu lieu à la date convenue avec M. et Mme Mira, ils auraient pu, grâce au produit de la vente, rembourser les prêts en question par anticipation, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à faire regarder ce chef de préjudice comme directement imputable à la faute commise par la commune dès lors que le remboursement par anticipation ainsi envisagé procède d'une décision de gestion des intéressés concernant leur dette personnelle ; que, dès lors, M. et Mme X ne sont pas fondés à réclamer une indemnité pour ce chef de préjudice ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme X font valoir que, du fait du retard dans la vente du bien en cause, M. X aurait été contraint de reprendre son activité professionnelle au Gabon, ce qui aurait engendré pour lui des dépenses supplémentaires, le chef de préjudice ainsi allégué n'est pas directement imputable au comportement fautif de la commune ; qu'ainsi M. et Mme X ne sont pas fondés à réclamer une indemnité de ce chef ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme X demandent une indemnité en réparation des préjudices moraux résultant d'une part de l'atteinte à leur honneur, du fait de leur inscription au Fichier National des Incidents de Crédits aux particuliers, et d'autre part des problèmes familiaux liés aux difficultés financières auxquelles ils auraient été exposées du fait du retard de la vente en cause, les intéressés, qui n'ont versé aucun document de nature à corroborer leurs allégations, n'établissent ni la réalité de ces chefs de préjudice ni le lien de causalité direct des préjudices ainsi invoqués avec le comportement fautif de la commune ; que, par suite, ces chefs de préjudices doivent être rejetés ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que la SCI Valauxer a vendu le bien en cause à un prix moins élevé que celui dont elle aurait pu bénéficier si la vente avait été conclue avec M. et Mme Mira ; que la perte de valeur vénale ainsi subi par la SCI Valauxer est directement imputable au comportement fautif de la commune, alors qu'il n'est pas démontré, comme le soutient la commune appelante, que cette perte serait due aux aléas du marché immobilier ; que, pour évaluer ce chef de préjudice, il y a lieu de prendre en compte d'une part, non le mandat de vente confié par la SCI Valauxer en 1992, qui fait simplement état d'une estimation par ladite société de la valeur de transaction, mais le prix de cession figurant dans la promesse de vente conclue avec M. et Mme Mira, soit la somme de 850 000 F, qui constitue le prix auquel aurait été vendu le bien en l'absence du comportement fautif de la commune et d'autre part le prix de cession de l'immeuble figurant dans l'attestation notariale établie le 30 mars 1995 versée aux débats par la SCI Valauxer et M. et Mme X, qui, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, concerne le même immeuble eu égard aux références cadastrales figurant dans ce document, soit la somme de 740 000 F ; qu'ainsi, la SCI Valauxer a droit, en sa qualité de propriétaire dudit immeuble, au titre de ce chef de préjudice à une indemnité de 110 000 F, soit 16 769,39 euros ; qu'en revanche, M. et Mme X ne justifient d'aucun préjudice personnel à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE VALFLAUNES est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué qu'en tant qu'il l'a condamnée à payer à la SCI Valauxer une indemnité excédant le montant précité de 110 000 F et en tant que cette condamnation a été également prononcée au bénéfice de M. et Mme X ; que, pour leur part, la SCI Valauxer et M. et Mme X ne sont pas fondés à réclamer une indemnité d'un montant supérieur à ladite somme ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité à laquelle la COMMUNE DE VALFLAUNES a été condamnée, par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Montpellier susvisé en date du 3 février 2000, à payer à la SCI Valauxer et à M. et Mme X est ramenée à la somme de 110 000 F, soit 16 769,79 euros (seize mille sept cent soixante-neuf euros et soixante dix-neuf centimes), ladite condamnation étant prononcée au seul bénéfice de la SCI Valauxer.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier susvisé en date du 3 février 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête, les conclusions incidentes de la SCI Valauxer et de M. et Mme X ainsi que leurs conclusions formulées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VALFLAUNES, à la SCI Valauxer, à M. et Mme X et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N° 00MA00756 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00756
Date de la décision : 31/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : S.C.P. CHARREL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-31;00ma00756 ?
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