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24/01/2005 | FRANCE | N°01MA00887

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 24 janvier 2005, 01MA00887


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2001, présentée pour la COMMUNE D'EGUILLES par Me Lesage, qui demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 23 janvier 2001, notifié par courrier du 16 février 2001, par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 282.000 francs en réparation des préjudices afférents à leur immeuble situé 8-10 rue des Marseillais à Eguilles, a rejeté ses appels en garantie et a mis à sa charge les frais d'expertise et les sommes de 2000 et 6000 francs au titre

des frais irrépétibles de l'instance ;

2°) de mettre hors de cause et, ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2001, présentée pour la COMMUNE D'EGUILLES par Me Lesage, qui demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 23 janvier 2001, notifié par courrier du 16 février 2001, par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 282.000 francs en réparation des préjudices afférents à leur immeuble situé 8-10 rue des Marseillais à Eguilles, a rejeté ses appels en garantie et a mis à sa charge les frais d'expertise et les sommes de 2000 et 6000 francs au titre des frais irrépétibles de l'instance ;

2°) de mettre hors de cause et, subsidiairement, de condamner solidairement la société Guigues, la société Compagnie d'Exploitation et de Comptage (CEC) et l'Etat, à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

3°) de condamner M. et Mme X à lui verser la somme de 10.000 francs au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens et, subsidiairement, de condamner solidairement la société Guigues , la société CEC et l'Etat, à lui verser la somme de 5.000 francs au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

..............................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ;

- les observations :

- de Me Berguet pour la COMMUNE D'EGUILLES ;

- de Me Forcade substituant Me Arnaud pour M. et Mme X ;

- de Me Bombard pour la société Guigues ;

- de Me Pontier substituant Me Abeille pour la société CEC ;

- de Me Bussac pour la société SAUR ;

- de Me Meyer substituant la SCP de Angelis, Depoers, Semidei, Vuillquez pour la société AGF ;

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de l'apparition, en 1990, de fissures dans l'immeuble situé au n° 8/10 rue des Marseillais à Eguilles, et de la dégradation progressive de ce bien dont la COMMUNE D'EGUILLES a ordonné la démolition partielle en 1996, le Tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a fait droit à la demande indemnitaire de M. et Mme X, propriétaires de cet immeuble, en condamnant ladite commune à leur verser, avec intérêts au taux légal, la somme de 282.000 francs en réparation de leur préjudice patrimonial et de leur préjudice de jouissance, en estimant, d'une part, la valeur vénale de l'immeuble à la somme de 150.000 francs et, d'autre part, la perte de loyers à la somme de 132.000 francs ; que le tribunal, qui a rejeté les appels en garantie de la commune, a jugé que les travaux publics d'adduction d'eau potable réalisés rue des Marseillais à la fin de l'année 1987 et au début de l'année 1988 se trouvent à l'origine de la présence anormale d'eau souterraine, qui a provoqué le manque de portance du sol et l'affaissement progressif de l'immeuble en litige ;

Sur les conclusions aux fins de réformation du jugement attaqué :

Sur l'appel principal de la COMMUNE D'EGUILLES :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'il est constant que l'immeuble en litige, dont l'âge exact n'est pas connu, est une maison de village ancienne, construite au moins au début du XXe siècle ; qu'il résulte de l'instruction que cette ancienneté, si elle peut justifier que la valeur vénale de l'immeuble litigieux puisse être affectée d'un coefficient de vétusté, ne peut toutefois être regardée comme étant une cause suffisamment directe et certaine des désordres survenus en 1990, et notamment de la brusque accélération de ces désordres qui ont entraîné la mise en oeuvre, dès 1993, d'une procédure d'arrêté de péril sur immeuble menaçant ruine, puis la démolition partielle de l'immeuble devenu dangereux ; qu'afin de souligner les incertitudes, selon elle, du rapport de l'expert Thévenin nommé par le tribunal, la commune se contente d'invoquer le rapport technique de l'ingénieur Grima, lequel ne revêt pas le caractère contradictoire d'un rapport d'expertise juridictionnel et ne peut être regardé comme un élément suffisamment probant de nature à contester sérieusement le rapport de l'expert Thévenin ; que dans ces conditions, et eu égard notamment à la rapidité de l'aggravation, à partir de 1990, des désordres dont l'ampleur a justifié la démolition partielle d'un immeuble dont il n'est pas établi qu'il ait présenté de graves vices de structure avant les travaux publics d'adduction d'eau potable réalisés fin 1987 et début 1988, la commune appelante ne peut être regardée comme contestant sérieusement le motif sus-rappelé du tribunal retenant comme cause exclusive des désordres en litige lesdits travaux publics ; qu'elle n'est par suite pas fondée à demander que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il aurait retenu à tort un lien de causalité entre les travaux publics communaux et les désordres en litige ;

En ce qui concerne les appels en garantie :

Considérant que la commune appelante soutient que le tribunal aurait écarté à tort ses appels en garantie dirigés contre l'Etat (DDAF), maître d'oeuvre, l'entreprise Guigues, titulaire du marché, et la société CEC, sous-traitante ;

Considérant, d'une part, qu'il est constant que la commune appelante a réceptionné sans réserve l'ouvrage public construit ; que ladite commune n'établit pas qu'un comportement fautif d'un de ses cocontractants serait, par sa nature ou sa gravité, assimilable à un dol ; que dans ces conditions, la responsabilité contractuelle de l'Etat (DDAF) et de l'entreprise Guigues à l'égard de la commune maître de l'ouvrage ne peut plus être engagée du fait de cette réception sans réserve, qui a mis fin aux relations contractuelles préexistantes ; qu'il n'est par ailleurs pas établi, ni même allégué, que l'ouvrage public construit serait impropre à sa destination et de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait rejeté à tort ses appels en garantie dirigés contre l'Etat (DDAF), maître d'oeuvre, et l'entreprise Guigues, titulaire du marché public ;

Considérant, d'autre part, que la juridiction administrative demeure compétente pour connaître de l'appel en garantie formé par le maître de l'ouvrage, à l'encontre d'un sous-traitant avec lequel il n'était pas lié par contrat, mais qui a participé à des opérations de travaux publics ayant causé des dommages à un tiers ; qu'en l'espèce, si la réception définitive et sans réserve des travaux par la commune n'est pas opposable par la société CEC à la commune d'Eguilles, en l'absence de liens contractuels entre elles, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages litigieux aient été imputables à des erreurs commises par cette société ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune appelante, qui n'établit pas sérieusement une faute de la société CEC, n'est pas fondée à se plaindre que le Tribunal a rejeté son appel en garantie dirigé contre cette société ;

Sur l'appel incident de M. et Mme X :

Considérant que M. et Mme X estiment insuffisante la somme de 150.000 francs qui leur a été allouée par le tribunal en réparation de leur préjudice patrimonial résultant de la démolition partielle de leur immeuble, ladite somme étant censée représenter la valeur vénale de celui-ci ;

Considérant que la somme de 132.000 francs, qui leur a par ailleurs été allouée par le tribunal en réparation de leur préjudice de jouissance du fait de la perte de revenus de location estimés à 2.000 francs par mois, n'est plus contestée ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation d'une agence immobilière, que, compte tenu du montant locatif mensuel de 2.000 francs susmentionné et du rendement du marché locatif sur la COMMUNE D'EGUILLES, la valeur vénale du bien des époux X, consistant en un appartement de 41 m2 au total sur deux niveaux, doit être évaluée à 250.000 francs ; qu'il s'ensuit que M. et Mme X sont fondés à demander que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il ne leur a alloué que 150.000 francs en réparation de leur préjudice patrimonial ; que les intérêts au taux légal ne pouvant courir qu'à compter de la date de la première demande du principal, la somme de 250.000 francs accordée portera intérêts au taux légal à compter du 28 mars 1994 à concurrence de 200.000 francs, et à compter du 22 octobre 1997 à concurrence de 50.000 francs ;

Sur les conclusions à fin d'injonction tendant à l'exécution de la décision de justice à venir sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à compter de sa notification :

Considérant que le présent arrêt, qui est immédiatement exécutoire et implique nécessairement le paiement des condamnations qu'il fixe, n'appelle aucune autre mesure d'exécution particulière ; que les conclusions susmentionnées aux fins d'injonction sous astreinte sont irrecevables dès leur introduction et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE D'EGUILLES, partie perdante, doivent dès lors être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de rejeter les conclusions de la société Guigues, de la société CEC et de la société AGF tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner sur le fondement du même article la COMMUNE D'EGUILLES à verser aux intimés la somme de 1.000 euros au titre de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1 : Les conclusions de la requête de la COMMUNE D'EGUILLES sont rejetées.

Article 2 : La COMMUNE D'EGUILLES est condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 38.112,25 euros (250.000 francs) en réparation de leur préjudice patrimonial. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 mars 1994 à concurrence de 30.489,80 euros (200.000 francs) et à compter du 22 octobre 1997 à concurrence de 7.622,45 euros (50.000 francs).

Article 3 : La COMMUNE D'EGUILLES est condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 1.000 euros au titre de leurs frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions indemnitaires de M. et Mme X est rejeté.

Article 5 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les conclusions de la société Guigues, de la société CEC et de la société AGF tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUMNE D'EGUILLES, à M. et Mme X, à la société Guigues, à la société CEC, à la société AGF, à la SAMDA-GROUPAMA, à la société d'aménagement urbain et rural, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l'équipement, des transports et du logement, du tourisme et de la mer.

N° 01MA00887 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA00887
Date de la décision : 24/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : ABEILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-01-24;01ma00887 ?
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