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06/07/2004 | FRANCE | N°01MA02490

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2004, 01MA02490


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 novembre 2001 sous le n° 01MA02490, présentée par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER ;

L'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. François X, a annulé la décision du 7 juillet 1998 par laquelle le directeur de l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer a refusé

de lui délivrer une attestation de rapatriement ;

2°/ de rejeter la deman...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 novembre 2001 sous le n° 01MA02490, présentée par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER ;

L'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. François X, a annulé la décision du 7 juillet 1998 par laquelle le directeur de l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer a refusé de lui délivrer une attestation de rapatriement ;

2°/ de rejeter la demande de M. François X tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 1998 par laquelle le directeur de l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer a refusé de lui délivrer une attestation de rapatriement ;

Elle soutient :

- qu'il résulte des travaux parlementaires sur la loi n°85-1274 du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés et de la jurisprudence qu'un demandeur installé dans un territoire antérieurement sous la souveraineté française qui n'a exercé une activité professionnelle qu'après l'accession de ce territoire à l'indépendance, ne peut revendiquer le bénéfice des dispositions de cette loi ;

- qu'en l'espèce, M. X né en Tunisie en 1943, n'était âgé que de 13 ans à la date de la proclamation de l'indépendance tunisienne le 20 mars 1956 et était encore soumis à l'obligation scolaire ;

- que si l'intéressé se prévaut d'une attestation établie le 28 mai 1998, pour les besoins du dossier, selon laquelle il aurait commencé à travailler en Tunisie dès 1954 et même dès l'âge de 10 ans, en 1953 comme apprenti serrurier puis comme apprenti en réparation de vélos puis enfin comme apprenti boucher, la loi du 20 mars 1928 relative à l'apprentissage, applicable à l'époque, prévoyait que seules les personnes ayant satisfait à leurs obligations scolaires pouvaient être employées comme apprentis dans un métier ; qu'à la date de la proclamation de l'indépendance de la Tunisie, l'obligation scolaire ne prenait fin qu'à l'âge de 14 ans ;

- que cette attestation est contredite par l'attestation de travail du 10 octobre 1961 qu'il a adressée à l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER en réponse à la demande de renseignements du 15 juin 1998 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 25 février 2002 présenté par M. François X tendant au rejet de la requête ;

Il soutient qu'il a travaillé en Tunisie entre 1954 et 1961, date de son départ de ce pays pour des raisons tenant aux événements politiques ;

Vu les mémoires enregistrés les 3 mai et 30 août 2002 présentés par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les mémoires enregistrés les 17 juin et 19 novembre 2002 présentés par M. X tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 30 décembre 2002 présenté par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 26 mars 2003 présenté pour M. X, par la société W., J.L. et R. LESCUDIER, société d'avocats tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et en outre à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, en application des articles L.911-2 et L.911-3 du code de justice administrative, à l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER de lui délivrer l'attestation de rapatriement sollicitée et à la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il invoque les mêmes moyens et en outre soutient :

- que l'attestation de travail du 9 octobre 1961 initialement remise lors de la constitution du dossier de demande d'attestation de rapatriement déclarant que M.X a été employé par M. Jean Y du mois d'octobre 1959 au mois d'octobre 1961, délivré quelques jours avant son départ, doit s'analyser comme une simple lettre de recommandation pour permettre à l'intéressé de trouver un emploi similaire en France ; que lors de ce départ, il ne s'est pas préoccupé de faire établir par ses précédents employeurs des attestations ;

- qu'il produit une attestation de la fille de M. André Y, son premier employeur frère de M. Jean Y, laquelle porte sur l'ensemble de la période à compter de 1954 pour laquelle il a travaillé pour M. André Y puis pour M. Jean Y, tous les deux bouchers et qui travaillaient souvent ensemble ;

- qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réclamé à ses précédents employeurs des attestations d'emploi ; que d'une part, comme il exerçait une activité professionnelle alors qu'il était encore en âge scolaire, ceux-ci ne lui auraient pas remises ; que d'autre part, il ne pouvait pas envisager en avoir besoin 50 ans plus tard ;

Vu le mémoire enregistré le 15 mai 2003 présenté par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER tendant aux mêmes fins que la requête et en outre au rejet des conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que de celles au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative présentées par M. X ;

Elle invoque les mêmes moyens et en outre soutient qu'il importe peu que M. X soutienne qu'il n'aurait pas pu avoir d'attestations de ses premiers employeurs et que d'ailleurs il n'a pas pensé à les demander lors de son départ de Tunisie en 1961, et qu'il produise une attestation indiquant qu'il aurait commencé à travailler chez M. André Y à compter du 9 février 1954 ; qu'en effet il était encore soumis à l'obligation scolaire et donc ne pouvait être employé légalement en qualité d'apprenti ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 modifiée, relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ;

Vu la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie ;

Vu la loi n° 65-555 du 10 juillet 1965 accordant aux Français exerçant ou ayant exercé à l'étranger une activité professionnelle salariée ou non salariée, la faculté d'accession au régime de l'assurance volontaire vieillesse ;

Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 modifiée, relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;

Vu la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 modifiée, portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Vu le décret n° 86-350 du 12 mars 1986 pris pour l'application de la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 modifiée, portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2004 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- les observations de Me ESCUDIER pour M. X ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés : Les dispositions du présent titre s'appliquent : a) Aux français ayant exercé une activité professionnelle qui ont dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France... ;

Considérant que, d'une part, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires et rapprochées de celles des lois des 26 décembre 1964 et 10 juillet 1965, que le bénéfice des droits ouverts par le titre premier de la loi du 4 décembre 1985 est subordonné à la condition que l'activité professionnelle exercée par les intéressés sur le territoire qu'ils ont quitté ait été commencée alors que ce territoire était encore placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ; que d'autre part, ces droits, qui visent à permettre aux intéressés, par le rachat, dans des conditions particulières, de cotisations relatives à l'assurance vieillesse, de bénéficier d'un régime équivalent à celui dont peut bénéficier une personne ayant exercé la même activité, durant la même période, affiliée au régime français existant alors, ne peuvent être ouverts que pour des activités exercées légalement qui auraient pu être ainsi déclarées en vu de prélèvements de cotisations pour l'assurance vieillesse et validées à ce titre ; qu'il suit de là que le Tribunal administratif de Marseille a commis une double erreur de droit, d'une part, en tenant compte de l'activité professionnelle exercée par M. X postérieurement à l'indépendance de la Tunisie, et, d'autre part, en ne recherchant pas si l'activité professionnelle de celui-ci exercée avant l'indépendance de ce territoire avait eu un caractère légal et pouvait ainsi être prise en compte au titre de la loi du 4 décembre 1985 ;

Considérant que si M. X, né en 1943, soutient avoir exercé une activité professionnelle en Tunisie notamment en qualité d'apprenti entre 1954 et 1961, il est constant d'une part, que durant la période antérieure à l'indépendance de ce territoire le 20 mars 1956, l'intéressé était soumis à l'obligation scolaire et n'a pu, en tout état de cause, légalement exercer cette activité et d'autre part, que l'exercice légal d'une activité professionnelle après l'anniversaire de ses quatorze ans n'est intervenu que postérieurement à l'indépendance de la Tunisie ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne pouvait, en conséquence, être admis au bénéfice des droits ouverts par les dispositions du titre premier de la loi du 4 décembre 1985 ; que la seule circonstance qu'il aurait été également apprenti serrurier et apprenti en réparation de vélos en Tunisie dès 1953, alors qu'il était soumis à l'obligation scolaire et ne pouvait légalement exercer une profession même en qualité d'apprenti, est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le directeur de l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer a refusé de l'admettre au bénéfice des droits ouverts par les dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANÇAIS D'OUTRE-MER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 7 juillet 1998 refusant la délivrance à M. X de l'attestation de rapatriement que celui-ci sollicitait pour bénéficier des dispositions du titre premier de la loi du 4 décembre 1985 ; qu'en tout état de cause et au surplus, cette décision ne pouvait être regardée comme excluant M. X de ce bénéfice du seul fait que son activité professionnelle se soit poursuivie après l'accession à l'indépendance de la Tunisie ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. . qu'aux termes de l'article L.911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la mêmes décision, l'injonction prescrite en application des articles L.911-1 et L.911-2 d'une astreinte ... ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration compétente de lui délivrer l'attestation de rapatriement qu'il a sollicité, dans un délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, présentées sur le fondement des dispositions précitées des articles L.911-1 et L.911-3 du code de justice administrative, ne peuvent accueillies ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X, doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 26 septembre 2001 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X à fin d'injonction et d'astreinte sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Premier Ministre (mission interministérielle aux rapatriés), à l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer, à M. X.

Délibéré à l'issue de l'audience du 22 juin 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mlle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 juillet 2004.

Le président, Le rapporteur,

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au Premier Ministre en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Classement CNIJ : 46-07-01

C

7

N° 01MA02490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA02490
Date de la décision : 06/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme Elydia FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : SCP W., J-L. et R. LESCUDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-07-06;01ma02490 ?
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