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06/07/2004 | FRANCE | N°00MA00423

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2004, 00MA00423


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 février 2000 sous le n°00MA00423, présentée pour M. Antoine X, demeurant ...), par Me SINDRES, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 20 décembre 1999 en tant qu'il a rejeté ses demandes en annulation de la décision de licenciement prise par le maire de Biguglia le 23 juin 1998 et de la décision de rejet du recours exercé auprès de la même autorité en date du 23 décembre 1998, ainsi que sa demande indemni

taire ;

2°/ d'annuler les décisions en cause et d'accueillir sa demande ind...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 février 2000 sous le n°00MA00423, présentée pour M. Antoine X, demeurant ...), par Me SINDRES, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 20 décembre 1999 en tant qu'il a rejeté ses demandes en annulation de la décision de licenciement prise par le maire de Biguglia le 23 juin 1998 et de la décision de rejet du recours exercé auprès de la même autorité en date du 23 décembre 1998, ainsi que sa demande indemnitaire ;

2°/ d'annuler les décisions en cause et d'accueillir sa demande indemnitaire chiffrée à 584.895,36 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 1999 ;

Classement CNIJ : 36-10-06-02

C

3°/ de condamner la commune de Biguglia à lui verser la somme de 10.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont considéré à tort que le licenciement était justifié par son insuffisance professionnelle, motif qui diffère de ceux retenus par le maire dans sa lettre de licenciement ; en outre, il n'est aucunement établi que les taches techniques qu'il aurait accomplies de manière insatisfaisante entraient dans ses fonctions de directeur de cabinet du maire ;

- le licenciement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; en effet, les conditions juridiques de l'abandon de poste invoqué par le maire ne sont pas réunies en l'espèce ; de plus, après sa suspension par une autorité incompétente pour ce faire, il a continué à se présenter au service, ce qui ne constitue aucunement le comportement incohérent retenu à son encontre par le maire ;

- le détournement de pouvoir est établi par les pièces du dossier qui montrent que le licenciement a été décidé et mis en oeuvre dans un but d'ordre privé, pour permettre au secrétaire général dont le statut était précaire, de le remplacer au poste de directeur de cabinet ;

- contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, le contentieux indemnitaire a été précédé d'une réclamation préalable en date du 9 mars 1999 ; sa demande a été explicitée et chiffrée dans ses écritures de première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 juillet 2002, le mémoire en défense présenté pour la commune de Biguglia qui conclut au rejet de la requête, et à la condamnation de M. X à lui verser une indemnité de 1.500 euros en faisant valoir que :

- en dépit de quelques maladresses dans la rédaction de la lettre de licenciement, ce dernier a été décidé et est justifié par l'insuffisance professionnelle de M. X ;

- les attributions de M. X comportaient la direction des services techniques de la commune, chargés notamment de l'entretien de la voirie, y compris après le recrutement en avril 1997 d'un secrétaire général, et la carence de l'intéressé dans ce domaine est établie, et n'est pas même contestée ;

- le comportement fautif est établi, en effet, M. X a pris des congés du 18 mai au 2 juin 1998 sans autorisation du maire et malgré l'avis défavorable du secrétaire général ; il a fait obstruction à la bonne marche des services après sa mesure de suspension alors qu'il paraissait accepter la décision de licenciement le concernant ;

- le licenciement en cause n'est pas entaché de détournement de pouvoir dès lors que le secrétaire général n'a exercé les fonctions de directeur de cabinet que pendant quelques mois, avant de quitter la commune en janvier 1999 ;

Vu, enregistré le 25 mars 2003, le mémoire présenté pour M. X, qui relève que :

- le maire lui a indiqué, à tort, que son licenciement prenait effet dès la notification qui lui a été faite de cette décision, alors qu'il n'était pas encore exécutoire faute de transmission au préfet ;

- les deux motifs de licenciement expressément énoncés ne sont pas fondés ;

- il a assumé, en sus de ses fonctions de collaborateur de cabinet, les fonctions de secrétaire général de la commune pendant la période durant laquelle ce poste, pourvu en 1997, est resté vacant ; que les insuffisances constatées incombaient au nouveau secrétaire général ;

- il a obtenu l'accord verbal du maire pour prendre des congés en mai 1998 ;

M. X chiffre, en outre, à 89.166,72 euros son préjudice indemnitaire et à 1.525 euros l'indemnité demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et demande la capitalisation des intérêts ;

Vu, enregistré le 28 mai 2004, le mémoire présenté pour M. X, qui chiffre à la somme totale de 11.945,97 euros les revenus de remplacement perçus du 1er septembre 1998 au 11 juillet 2000 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 87-1064 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative entré en vigueur le 1er janvier 2001 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2004 :

- le rapport de Mme GAULTIER, premier conseiller ;

- les observations de Me SINDRES pour M. X ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que, par contrat en date du 17 octobre 1996, reçu à la préfecture le 18 octobre , M. Antoine X a été recruté, pour quatre ans, comme directeur de cabinet du maire de la commune de Biguglia ; qu'il a été suspendu de ses fonctions par courrier en date du 23 juin 1998, lequel était signé par M. Y, secrétaire général de la commune ; que, par jugement en date du 20 décembre 1999, le Tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de suspension, au motif que M. Y n'avait pas reçu délégation de signature pour prendre seul une telle décision ; que M. X fait appel du même jugement en tant qu'il a rejeté ses autres demandes en annulation, présentées à l'encontre de l'arrêté du maire en date du 23 juin 1998 prononçant son licenciement pour faute grave et de la décision expresse de rejet, en date du 24 décembre 1998, de son recours gracieux, ainsi que sa demande en réparation des préjudices subis ;

Sur la légalité des décisions relatives au licenciement disciplinaire de M. X :

Considérant que le maire de la commune de Biguglia a adressé, le 23 juin 1998, à M. X une lettre de licenciement ainsi motivée : Votre abandon de poste et votre comportement incohérent après la mesure de suspension me conduisent à proposer votre licenciement pour faute grave ; qu'il résulte de l'instruction que M. X a effectué, du 12 au 16 mai 1998, une période de réserve militaire à laquelle la commune ne pouvait s'opposer ; que si le fait que M. X aurait pris ensuite deux semaines de congés du 18 mai au 2 juin 1998 sans autorisation expresse du maire est susceptible de constituer une faute professionnelle, cette dernière n'aurait pas le caractère allégué d'un abandon de poste , faute pour l'administration communale d'avoir adressé à l'intéressé une quelconque mise en demeure de reprendre ses fonctions ; qu'en elle-même et compte-tenu en outre de l'incertitude pesant sur la matérialité des faits, cette faute n'était pas suffisamment grave pour justifier un licenciement ; qu'en outre, le grief lié au comportement de l'intéressé n'est pas fondé dès lors qu'il est tiré du fait que M. X a continué à se présenter au service après la mesure de suspension, ultérieurement annulée, sans qu'il soit même établi que le requérant ait ainsi troublé la bonne marche des services ; qu'en prenant, pour les motifs ainsi analysés, une décision de licenciement pour faute, le maire de la commune de Biguglia a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que, d'ailleurs, le maire de la commune, dans ses écritures en défense produites tant en première instance qu'en appel, justifie le licenciement par l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, en lui reprochant notamment les carences du service d'entretien de la voirie ; que l'autorité municipale ne peut cependant justifier légalement la mesure disciplinaire ainsi prise par des motifs autres que ceux figurant dans la lettre de licenciement ; qu'il suit de là que les décisions de licenciement et de rejet du recours gracieux prises par le maire de Biguglia respectivement les 23 juin et 24 décembre 1998 sont entachées d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes en annulation des décisions de licenciement et de rejet de son recours gracieux ;

Sur la réparation des préjudices subis par M. X :

Considérant que l'illégalité des décisions en litige, lesquelles ont porté un grave préjudice au requérant, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la demande préalable d'indemnisation adressée par le requérant à la commune et reçue par cette dernière le 9 mars 1999 a fait naître une décision implicite de rejet qui suffit à lier le contentieux indemnitaire ; qu'au titre du préjudice financier, M. X pouvait prétendre, s'il avait été maintenu en fonctions, à la différence entre la rémunération nette qu'il aurait perçue du 1er juillet 1998 au 16 octobre 2000 et ses revenus de remplacement durant la même période ; que le préjudice moral qu'il a subi est incontestable et peut être évalué à 5.000 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce et compte-tenu des éléments de justification fournis par le requérant, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par M. X en fixant à 30.000 euros l'indemnité totale mise à la charge de la commune de Biguglia ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 30.000 euros à compter de sa demande préalable d'indemnisation, reçue le 9 mars 1999 par la commune ;

Sur la demande tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative en condamnant la commune de Biguglia à verser à M. X une indemnité de 1.500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les décisions du maire de la commune de Biguglia en date du 23 juin et du 23 décembre 1998 sont annulées.

Article 2 : La commune de Biguglia est condamnée à verser à M. X une indemnité de 30.000 euros (trente mille euros) avec intérêts de droit à compter du 9 mars 1999.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 20 décembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Biguglia est condamnée à verser à M. X une indemnité de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, la commune de BIGUGLIA, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Haute-Corse et au trésorier-payeur général de la Haute-Corse.

Délibéré à l'issue de l'audience du 8 juin 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme GAULTIER, M. ZIMMERMANN, premiers conseillers,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 juillet 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Joëlle GAULTIER

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

8

N° 00MA00423


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme Joëlle GAULTIER
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : SINDRES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 06/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 00MA00423
Numéro NOR : CETATEXT000007585503 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-07-06;00ma00423 ?
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