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05/07/2004 | FRANCE | N°00MA02718

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 05 juillet 2004, 00MA02718


Vu, enregistrée le 6 décembre 2000 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 00MA02718, la requête présentée par la SCP d'avocats Celice-Blancpain-Soltner pour la SA SOCIETE FERMIERE DE COMPOLORO et pour la SOCIETE DE GESTION DU PORT DE CAMPOLORO dont le siège social est ... ;

Les sociétés demandent à la Cour d'annuler le jugement en date du 5 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 1996 par laquelle le préfet de Haute Corse a rejeté leurs demandes

visant à assurer l'exécution des jugements du 10 juillet 1992 condamn...

Vu, enregistrée le 6 décembre 2000 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 00MA02718, la requête présentée par la SCP d'avocats Celice-Blancpain-Soltner pour la SA SOCIETE FERMIERE DE COMPOLORO et pour la SOCIETE DE GESTION DU PORT DE CAMPOLORO dont le siège social est ... ;

Les sociétés demandent à la Cour d'annuler le jugement en date du 5 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 1996 par laquelle le préfet de Haute Corse a rejeté leurs demandes visant à assurer l'exécution des jugements du 10 juillet 1992 condamnant la commune de Santa Maria Poggio à leur verser, respectivement, les sommes de 23.218.085 F et 9.498.018 F majorées des intérêts de droit et d'annuler, en conséquence, ladite décision ;

Elles soutiennent :

- que la commune de Santa Maria Poggio a unilatéralement résilié la concession du port de plaisance de Campoloro qu'elles détenaient régulièrement et elles ont obtenu la condamnation de la commune par deux jugements passés en force de chose jugée toutefois non exécutés en raison du refus du préfet de Haute Corse de mettre en oeuvre le pouvoir qu'il détient de faire vendre les biens communaux qui ne sont pas strictement nécessaires aux services communaux essentiels ;

- que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal, pour rejeter leurs demandes, s'est fondé sur un motif qui ne figurait pas dans la décision préfectorale en cause, alors même que si le préfet avait admis qu'il pouvait se substituer à la commune pour aliéner les biens communaux, il n'aurait pas pris la même décision ;

- que la décision des premiers juges est entachée d'erreur de droit dès lors qu'ils ont implicitement considéré que le préfet disposait en l'espèce d'un pouvoir discrétionnaire alors qu'il se trouvait en situation de compétence liée pour dégager toutes les ressources nécessaires à l'apurement de la dette communale, alors même que la situation financière n'empêchait pas les cessions correspondantes ;

- que le préfet a commis une faute sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, en refusant de pourvoir à l'exécution du jugement du 10 juillet 1992 conformément à la loi du 16 juillet 1980 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 23 avril 2001 au greffe de la Cour, le mémoire en défense présenté par lequel le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que le préfet de Haute Corse a mis en demeure la commune, d'une part, d'inscrire la dépense à son budget et, d'autre part, le maire de la mandater, les 14 août et 28 décembre 1992 et 12 mars 1993 ;

- que la Cour administrative d'appel de Lyon puis le Conseil d'Etat ont refusé de condamner l'Etat en responsabilité du fait de l'impossibilité de la commune de payer les indemnités dues ;

- que la loi du 16 juillet 1980 confère au préfet des pouvoirs lui permettant d'inscrire d'office les crédits nécessaires au règlement des sommes issues d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée sans lui permettre pour autant de souscrire un prêt ou de conclure un contrat de vente ;

- qu'en vertu du code général des collectivités territoriales, seul le conseil municipal peut autoriser le maire à conclure un contrat de vente ou de prêt et la substitution du préfet pour un tel acte serait contraire à l'article 72 de la constitution du 4 octobre 1958 ;

- que le produit d'un emprunt ne pourrait être inscrit en section de fonctionnement du budget communal pour le paiement de la dette correspondante ;

- que depuis 1992, le budget de la commune est en situation de déséquilibre et le seul moyen dont disposait le préfet est le recours à la fiscalité locale auquel il a procédé depuis lors ;

- que par son arrêt du 10 novembre 1999, le Conseil d'Etat a admis que le préfet de Haute Corse n'avait commis, en l'espèce, aucune faute imputable à l'Etat ;

- que les actifs de la commune ne suffisaient en tout état de cause pas à couvrir la dette concernée et la chambre régionale des comptes consultée chaque année sur le budget de la commune a régulièrement conclu à « une formalité impossible » ;

Vu, enregistré le 26 septembre 2001 au greffe de la Cour, le mémoire par lequel les deux sociétés requérantes concluent aux mêmes fins, par les mêmes moyens, elles précisent :

- qu'évincées irrégulièrement de leurs concessions depuis 1984 et titulaires d'un jugement favorable depuis 1992, elles n'ont obtenu à ce jour que des versements infimes qui ne couvrent pas les intérêts de leurs créances ;

- que le Tribunal administratif de Bastia a considéré, à l'inverse de l'Etat, que la loi du 16 juillet 1980 ne fait pas obstacle à ce que le préfet procède aux aliénations de biens nécessaires au paiement de la dette de la commune à leur égard ;

- que la loi du 16 janvier 1980 impose au préfet de pourvoir aux ressources nécessaires au paiement des dettes juridictionnelles ; il a ainsi une « obligation renforcée de moyens » qu'il n'a pas mise en oeuvre ;

- que le préfet n'a pas mis en oeuvre le pouvoir de substitution qui lui a été dévolu par le législateur faisant ainsi échec à une décision juridictionnelle en méconnaissance de ses obligations légales ;

- que le moyen tiré de l'insuffisance des actifs communaux est inopérant dès lors que les ventes afférentes permettraient de couvrir partiellement la dette légale en cause ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2004 ;

- le rapport de M. Francoz, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort de la motivation du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Bastia, en se fondant pour rejeter les demandes, sur la situation financière de la commune de Santa Maria Poggio laquelle figurait bien au nombre des considérations retenues par le préfet de Haute Corse dans sa décision du 24 décembre 1996 dont l'annulation était poursuivie dès lors qu'il y était fait mention de l'impossibilité de doter ladite commune d'un budget sincère et en équilibre prévoyant le paiement de la condamnation en litige, n'a contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, procédé d'office à aucune substitution de motifs ; que le jugement attaqué ne saurait donc, en tout état de cause, être regardé comme irrégulier de ce chef ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er de la loi susvisée du 16 juillet 1980 : « Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme d'argent doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. En cas d'insuffisance de crédits, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office » ; qu'aux termes de l'article 3-1 du décret susvisé du 12 mai 1981 : « Le créancier d'une collectivité locale ou d'un établissement public qui n'aurait pas reçu la lettre prévue au premier alinéa de l'article 1er-2 dans un délai de quatre mois à compter de la notification qui lui a été faite de la décision de justice peut saisir le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle d'une demande de paiement de la somme due, sur présentation d'une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire. Le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle dispose, à compter de cette saisine, d'un délai d'un mois pour vérifier l'existence, au budget de la collectivité locale ou de l'établissement public, de crédits suffisants et procéder au mandatement d'office prévu au premier alinéa du II de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 susvisée, ou, le cas échéant, pour effectuer la mise en demeure prévue au second alinéa du II dudit article. La collectivité locale ou l'établissement public dispose, pour se conformer à cette mise en demeure, d'un délai d'un mois qui doit être mentionné dans l'acte qui la notifie. Ce délai est porté à deux mois lorsque la dette est égale ou supérieure à 5% du montant de la section de fonctionnement du budget de la collectivité locale ou d'un établissement public local. Lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l'expiration de ces délais, le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle procède à l'inscription de la dépense au budget de la collectivité ou de l'établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires soit en réduisant des crédits affectés à d'autres dépenses et encore libres d'emploi, soit en augmentant les ressources. Si, dans le délai de huit jours après la notification de l'inscription du crédit, la collectivité locale ou l'établissement public n'a pas procédé au mandatement de la somme due, le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle y procède d'office dans le délai d'un mois » ;

Considérant que, conformément aux dispositions susrappelées, le préfet de Haute Corse a, par une lettre du 14 août 1992, mis en demeure le maire de la commune de Santa Maria Poggio de mandater les sommes dues en exécution des jugements du Tribunal administratif de Bastia en date du 10 juillet 1992 ; qu'après avoir renouvelé cette mise en demeure le 28 décembre 1992, il a rappelé au maire, par lettre du 12 mars 1993 qu'il devait inscrire au budget de la commune les sommes nécessaires au règlement de la condamnation ; qu'il a saisi ensuite le 30 avril 1993 la chambre régionale des comptes de Corse au titre de l'article 8 de la loi du 2 décembre 1982 au motif que les crédits inscrits en dépense du budget annexe du port de Taverna pour le règlement d'une somme de 59.396 F n'avaient pas pour contre-partie des recettes ; qu'après avis de la chambre régionale des comptes, il a mis en demeure le maire d'inscrire la somme en cause au budget de la commune, puis, après l'échec de cette mise en demeure, procédé d'office, le 15 juin 1993, à l'inscription d'une mesure de 59.396 F et mandaté le même jour d'office une somme de 50.000 F au profit de chaque société demanderesse ; que sur nouvelle saisine du préfet, la chambre régionale des comptes a déclaré insincère, le 24 novembre 1994, une recette de 59.896 F inscrite au titre du règlement de cette créance ; que, par lettre du 14 janvier 1994, le préfet a rappelé au maire la nécessité de prendre les mesures propres à l'exécution des décisions de justice susrappelées, en portant notamment les taux de la fiscalité à leur plafond, en réduisant au minimum les dépenses et en envisageant les possibilités d'aliénation des biens communaux ; qu'il a, par arrêté du 20 avril 1994, fixé les taux d'imposition pour 1994 à leur niveau plafond, puis saisi la chambre régionale des comptes du budget primitif pour 1994 sur le fondement de l'article 8 de la loi du 2 mars 1982 et mandaté d'office, par arrêté du 26 août 1994, 1.063.795 F à la SA SOCIETE DE GESTION DU PORT DE CAMPOLORO et 517.497 F à la SOCIETE FERMIERE DE CAMPOLORO ; qu'enfin, il est constant que la commune ne pouvait légalement, en tout état de cause, envisager de recourir à l'emprunt pour assurer le financement d'une dépense qui, tels par exemple que le paiement d'une condamnation pécuniaire prononcée par une juridiction ou le remboursement d'emprunts antérieurement contractés, doit être inscrite à la section de fonctionnement de son budget ;

Considérant que l'ensemble des diligences ci-dessus rappelées ont été accomplies par le préfet de Haute Corse dans la limite des compétences confiées par le législateur au représentant de l'Etat pour parvenir au règlement par la commune de Santa Maria Poggio des sommes dont celle-ci était débitrice en exécution des jugements du 10 juillet 1992 sus évoqués, lesquelles n'incluent pas le pouvoir de se substituer aux organes de la commune pour faire procéder d'office à l'aliénation des biens communaux ;qu'il s'ensuit que le préfet n'a ni entaché d'illégalité ni par conséquent, commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, en rejetant, par la décision en litige du 24 décembre 1996, les demandes que lui avaient présentées à cette fin, les sociétés requérantes ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA SOCIETE FERMIERE DE CAMPOLORO et la SOCIETE DE GESTION DU PORT DE CAMPOLORO ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA SOCIETE FERMIERE DE CAMPOLORO et de la SOCIETE DE GESTION DU PORT DE CAMPOLORO est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SOCIETE FERMIERE DE CAMPOLORO, à la SOCIETE DE GESTION DU PORT DE CAMPOLORO et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera adressée au préfet de Haute Corse.

4

N° 00MA02718

MP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA02718
Date de la décision : 05/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. Patrick FRANCOZ
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCP CELICE-BLANCPAIN-SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-07-05;00ma02718 ?
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