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29/06/2004 | FRANCE | N°02MA00698

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 29 juin 2004, 02MA00698


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 avril 2002 sous le n° 02MA00698 présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL (S.A.U.R.), dont le siège social est situé Challenger, ..., représentée par son représentant légal domicilié es-qualité au dit siège, par le cabinet Cabanes et associés, avocats ;

La SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance du 25 mars 2002 par laquelle le vice-président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier a rejetée sa

demande tendant à la condamnation de la direction départementale de l'équipemen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 avril 2002 sous le n° 02MA00698 présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL (S.A.U.R.), dont le siège social est situé Challenger, ..., représentée par son représentant légal domicilié es-qualité au dit siège, par le cabinet Cabanes et associés, avocats ;

La SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance du 25 mars 2002 par laquelle le vice-président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier a rejetée sa demande tendant à la condamnation de la direction départementale de l'équipement du Gard à lui verser, à titre de provision, la somme de 38.415,05 euros TTC à parfaire avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

2°/ de condamner l'Etat à lui verser ladite somme à parfaire avec intérêts et capitalisation à la date du 21 février 2002 ;

3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la motivation de l'ordonnance attaquée repose uniquement sur le moyen tiré de la nullité de la relation contractuelle des parties alors que ce moyen a été soulevé d'office et n'a pas été communiqué aux parties ; qu'il y a une contradiction de motifs évidente dès lors que le déplacement des canalisations litigieuses constituait une prestation accessoire indissociable du mur anti-bruit réalisé par l'Etat ; que la compétence de l'Etat pour réaliser un mur phonique implique également sa compétence pour déplacer les canalisations appartenant à la ville de Nîmes ; qu'il appartenait à l'Etat de faire supporter à la ville de Nîmes, propriétaire des ouvrages, les frais de déplacement ; qu'elle a exécuté les travaux qui lui ont été confiés par bons de commande sans que ceux-ci n'aient donné lieu à aucune contestation de la part de la direction départementale de l'équipement du Gard ; que la direction départementale de l'équipement du Gard n'a jamais contesté lui avoir commandé lesdits travaux ; qu'une personne publique ne pouvait se substituer à une autre personne publique dans ses obligations contractuelles sans un accord express de son cocontractant ; que le juge des référés peut légalement accorder une provision correspondant à la totalité des sommes en litige ; qu'à titre subsidiaire elle demande la condamnation de l'Etat sur le terrain, d'une part, de l'enrichissement sans cause et, d'autre part, de la faute commise par l'Etat en passant commande dans des conditions irrégulières ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 12 août 2002, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; celui-ci demande à titre principal à la Cour de rejeter la requête et, subsidiairement, de bien vouloir évoquer et régler le litige ;

Il soutient que le bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l'intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d'aménagement conforme à la destination de ce domaine ; qu'en l'espèce les travaux de construction du mur phonique sur la

RN 106 ont été entrepris dans l'intérêt du domaine public routier de l'Etat ; qu'il appartenait donc à la S.A.U.R. d'effectuer à sa charge les modifications techniques exigées par la construction de l'ouvrage accessoire de la R.N. 106 ; que l'Etat n'avait pas compétence pour procéder, sans délégation de maîtrise d'ouvrage, au déplacement d'ouvrages qui ne lui appartenaient pas ; qu'en conséquence, les bons de commande adressés par la direction départementale de l'équipement du Gard à la S.A.U.R. ne sauraient être à l'origine d'un marché régulier créant un véritable lien contractuel entre les intéressés ; que l'Etat ne saurait être condamné à prendre en charge le déplacement de canalisations dont il n'était pas le maître d'ouvrage et qui ne lui appartenaient pas ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe le

15 mars 2004, présenté pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL ; celle-ci conclut aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que l'Etat, même irrégulièrement engagé par l'un de ses agents, est tenu de réparer les conséquences dommageables que l'exécution du contrat a fait subir à son cocontractant ; qu'il ne saurait être retenue aucune faute à son encontre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 :

- le rapport de M. Firmin, Rapporteur,

- et les conclusions de M. Bédier, Commissaire du gouvernement.

Considérant que, dans le cadre de travaux de protection acoustique effectués en bordure de la route nationale n° 106 dans sa traversée de la ville de Nîmes, la direction départementale de l'équipement du Gard a demandé à la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL (S.A.U.R.), par la voie de deux bons de commande en date du 21 novembre 1995, de procéder au déplacement de deux canalisations d'alimentation en eau potable implantées dans le domaine public routier de l'Etat ; que l'Etat ayant refusé d'honorer les factures présentées par la S.A.U.R. à l'issue de ces travaux, cette dernière à demandé sa condamnation à lui payer, à titre de provision, la somme de

38.415,05 euros T.T.C. représentant le montant desdites factures qu'elle estime lui être dû ; que la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL relève appel de l'ordonnance du 25 mars 2002 par laquelle le vice-président de la

4ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande de la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL a été rejetée, notamment, par le motif tiré de ce que le contrat liant ladite société à l'Etat, signé par une autorité incompétente, était nul et de nul effet ; que ce moyen, qui n'avait été invoqué par aucune des deux parties, a été soulevé d'office par le premier juge sans être soumis au contradictoire ; qu'ainsi l'ordonnance du

25 mars 2002 du vice-président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que les travaux litigieux ont été commandés à la S.A.U.R. par la direction départementale de l'équipement du Gard par la voie de deux bons de commande datés du 21 novembre 1995 ; qu'il est toutefois constant que les canalisations, objets desdits travaux, appartiennent à la ville de Nîmes dont la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL est la société fermière chargée de l'exploitation de son réseau de distribution d'eau potable ; qu'ainsi le marché passé sous la forme de deux bons de commande entre la S.A.U.R. et l'Etat, qui n'avait pas été habilité par la ville de Nîmes à se substituer à elle en qualité de maître d'ouvrage délégué, est nul et de nul effet ; qu'aucune obligation contractuelle à la charge de l'une ou de l'autre des parties ne pouvant en découler, la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL n'est pas fondée à invoquer le contrat la liant à l'Etat pour obtenir le paiement des prestations du marché ;

Considérant toutefois, que la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL a formulé, en appel, une demande d'indemnité fondée, d'une part, sur l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour l'Etat des prestations qu'elle a exécutées, d'autre part, sur la faute que celui-ci aurait commise en lui laissant croire qu'elle était valablement sa cocontractante ;

Considérant, il est vrai, que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement au cocontractant de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant par ailleurs que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ;

Considérant, par suite, que la société requérante, bien que n'ayant invoqué initialement que la faute contractuelle qu'aurait commise l'Etat en refusant de payer les factures émises à la suite de ses commandes, est recevable à saisir le juge du fond de conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause de l'Etat et sur la faute qu'il aurait commise en passant le contrat dans des conditions irrégulières ;

Considérant, d'une part, que le bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l'intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d'aménagement conforme à la destination de ce domaine ; qu'il est constant que les travaux de construction d'un mur phonique en bordure de la R.N. 106 dans sa traversée de la commune de Nîmes sont des travaux entrepris dans l'intérêt du domaine public et conformes à sa destination qui n'ont entraîné aucun enrichissement sans cause de l'Etat ;

Considérant, d'autre part, que la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL, fermière de la ville de Nîmes pour l'exploitation et la gestion de son réseau d'alimentation en eau potable, ne pouvait ignorer, en cette qualité, que les ouvrages dont elle a effectué le déplacement à la demande de l'Etat n'appartenaient pas à ce dernier ; qu'en y procédant néanmoins sans s'être assurée, d'une part, que la ville de Nîmes, maître de l'ouvrage, en était informée et, d'autre part, que les conditions financières de ces travaux étaient assurées elle a commis une faute de nature à exonérer l'Etat de toute responsabilité à son égard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'existence de l'obligation dont la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL se prévaut étant contestable, au sens des dispositions de l'article R.541-1 du code de justice administrative, celle-ci n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui payer une provision de 38.415,05 euros TTC au titre des travaux objets des bons de commande du 21 novembre 1995 ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa demande devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que les dispositions de l'article

L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL les frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL doivent, dès lors, être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 25 mars 2002 du vice-président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL devant le Tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 15 juin 2004, où siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. X... et M.Firmin, premiers conseillers,

Prononcé à Marseille, en audience publique le 29 juin 2004.

Le rapporteur

signé

Jean-Pierre Firmin

Le président,

signé

François Bernault

Le greffier,

signé

Danièle Y...

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Classement CNIJ : 39-02-01

C

N° 02MA00698 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA00698
Date de la décision : 29/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre FIRMIN
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : SCP CABANES ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-29;02ma00698 ?
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