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03/06/2004 | FRANCE | N°99MA02304

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 03 juin 2004, 99MA02304


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 décembre1999 sous le n° 99MA02304, présentée pour la A, représentée par son maire en exercice, à ce habilité par délibération du conseil municipal en date du 25 octobre 1996, par Me BALIQUE, avocat ;

La A demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n°95-7484/n°96-2025 du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer à la SCI SEIGNEURIE DE VINAY et aux consorts X une indemnité de 100.000 F avec intérêts au taux légal à compter

du 26 octobre 1996, en réparation d'un préjudice résultant de l'abandon d'un proj...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 décembre1999 sous le n° 99MA02304, présentée pour la A, représentée par son maire en exercice, à ce habilité par délibération du conseil municipal en date du 25 octobre 1996, par Me BALIQUE, avocat ;

La A demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n°95-7484/n°96-2025 du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer à la SCI SEIGNEURIE DE VINAY et aux consorts X une indemnité de 100.000 F avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 1996, en réparation d'un préjudice résultant de l'abandon d'un projet de camping-caravaning ;

2'/ de condamner la SCI SEIGNEURIE DE VINAY et les consorts X à lui payer la somme de 20.000 F au titre des frais exposés et non compris ;

Classement CNIJ : 54-06-06-01-04

C

La A soutient que les premiers juges ont méconnu l'autorité de la chose jugée par un précédent jugement du même tribunal en date du 2 avril 1996 et par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 20 janvier 1988, tant en ce qui concerne le partage des responsabilités qu'en ce qui concerne le montant de l'indemnité mise à sa charge ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les motifs et le dispositif de l'arrêt du 20 janvier 1988 ne sont assortis d'aucune condition ni réserve en ce qui concerne la réparation du préjudice en litige ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 15 décembre 1999, le mémoire présenté par la A ; la commune demande à la Cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ; elle fait valoir que les conditions de prononcé d'un tel sursis sont réunies ;

Vu, enregistrés au greffe les 25 mai et 22 juin 2001, les mémoires en défense présentés par la SCI SEIGNEURIE DE VINAY, représentée par son gérant M. Lionel Z, et par ses associés, M. José Z et Mme Y ; les défendeurs concluent à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la demande de sursis à exécution du jugement attaqué et en outre à la condamnation de la A à leur verser une somme de 10.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; ils font valoir :

- que l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas en l'espèce, dès lors que cette autorité ne s'attache qu'à ce qui a été décidé sans condition ni réserve ; que le Conseil d'Etat, par sa décision rendue le 20 janvier 1988, n'a écarté la réparation du préjudice en cause qu'en l'état des pièces qui lui étaient soumises et faute pour les demandeurs de justifier le paiement effectif des loyers ;

- que cette décision ne s'oppose pas à ce qu'ils présentent une nouvelle demande en vue d'obtenir une indemnité complémentaire en raison de l'aggravation de leur préjudice en versant au dossier les justifications nécessaires ;

- qu'ils demandent la réparation d'un préjudice d'une autre nature que celui sur lequel le Conseil d'Etat a statué ;

- qu'en exécution des décisions du juge civil, ils ont définitivement versé, le 20 mai 1988, une somme de 399.750 F au propriétaire du terrain concerné ;

Vu, enregistré au greffe le 28 juin 2001, le mémoire en réplique présenté par la A ; la commune persiste dans ses conclusions tendant à ce que soit décidé le sursis à exécution du jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 30 octobre 2002, le nouveau mémoire présenté par la SCI SEIGNEURIE DE VINAY, représentée par son gérant M. Lionel Z, Mme Josette Z, Mme Annick Z, pris en leur qualité d'héritiers de M. José Z et Mme Y ; ils concluent à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la demande de sursis à exécution du jugement attaqué et en outre à la condamnation de la A à leur verser une somme de 1524,49 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils font valoir que M. José Z étant décédé le 5 mai 2002, sa veuve, Mme SANCHEZ et ses enfants, M. Lionel Z et Mlle Annick Z, entendent intervenir dans la présente procédure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2004 :

- le rapport de M. CHERRIER, premier conseiller ;

- les observations de Me GRARDEL substituant Me TROLLIET pour la SCI SEIGNEURIE DE VINAY, Mme Rémédios X, Mme Josette Y, M. José Z, M. Lionel Z, Mme Josette Z, Melle Annick Z ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que, par jugement en date du 2 avril 1986, le Tribunal administratif de Marseille a déclaré la A responsable du préjudice subi par la SCI SEIGNEURIE DE VINAY et M. X, gérant de cette société, du fait de l'abandon d'un projet de camping-caravaning et a condamné ladite commune à verser une indemnité à la SCI SEIGNEURIE DE VINAY ainsi qu'à Mme Rémédios X et Mme Josette Y, qui avaient repris en qualité d'héritiers l'instance engagée par M. X ; qu'en cause d'appel, le Conseil d'Etat a, par décision du 20 janvier 1988, confirmé que la A avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité mais a exclu du préjudice indemnisable, contrairement au juge de première instance, le préjudice résultant du paiement des loyers au propriétaire du terrain concerné par le projet ;

Considérant que la SCI SEIGNEURIE DE VINAY, Mme Rémédios X et Mme Josette Y ont présenté devant le tribunal administratif de Marseille, le 21 décembre 1995, une demande tendant à la compensation des loyers susmentionnés ; que la A relève appel du jugement en date du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande ;

Sur les conclusions présentées en appel par M. José Z et ses héritiers :

Considérant que M. José Z n'était pas partie à l'instance de premier ressort ; que, par suite, les conclusions présentées en cause d'appel par ce dernier et reprises après son décès par Mme Josette SANCHEZ, M. Lionel Z et Mlle Annick Z, ses héritiers, ne sont pas recevables ;

Sur les droits de la SCI SEIGNEURIE DE VINAY :

Considérant que la SCI SEIGNEURIE DE VINAY était présente tant dans l'instance qui a conduit à la décision du Conseil d'Etat du 20 janvier 1988 que dans l'instance à l'issue de laquelle est intervenu le jugement attaqué ; que ce jugement et cette décision se prononcent sur des conclusions tendant aux mêmes fins et reposant sur la même cause juridique ;

Considérant qu'il ne ressort pas de l'examen de la décision du 20 janvier 1988 que le Conseil d'Etat, en relevant qu'il n'a pas été justifié du paiement de la location du terrain, ait entendu assortir le rejet de la demande de remboursement des loyers d'une condition ou d'une réserve ; que le versement effectif de ces derniers, qui portaient sur une période qui a pris fin en 1982, a été suspendu de son propre fait par le locataire dans l'attente de l'issue du procès qu'il a intenté sur ce point au propriétaire du terrain ; que la consignation de la somme due par le locataire a au demeurant été effectuée en juillet 1987, antérieurement à la décision rendue le 20 janvier 1988 par le Conseil d'Etat ; que, dans ces conditions, le préjudice résultant du paiement des loyers en cause ne peut être regardé comme correspondant à une aggravation de dommages dont l'existence et l'étendue se seraient révélées postérieurement à ladite décision du 20 janvier 1988 et indépendamment de la volonté du locataire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ne pouvaient, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, faire droit à la demande de première instance en tant qu'elle est présentée par la SCI SEIGNEURIE DE VINAY ; qu'il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement critiqué ;

Sur les droits de Mme Rémédios X et de Mme Josette Y :

Considérant que Mme Rémédios X et Mme Josette Y ont agi, dans l'instance au terme de laquelle est intervenue la décision du 20 janvier 1988, en qualité d'héritières de M. X ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence en date du 23 février 1988 joint à la demande de première instance ainsi que des écritures des défendeurs en cause d'appel, qu'elles ont entendu agir à titre personnel en qualité d'associés de la SCI SEIGNEURIE DE VINAY dans l'instance ayant donné lieu au jugement critiqué du 21 octobre 1999 ; que cette différence de qualité fait obstacle à ce que l'autorité de la chose jugée puisse leur être opposée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, la A a, de 1978 à 1980, encouragé M. X à créer un camping-caravaning sur le territoire de la commune et a notamment passé avec lui une convention en vue de la construction des équipements nécessaires, puis en 1981, a modifié sa position et s'est opposée à la réalisation du projet ; que, d'autre part, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a donné son accord au projet en 1980 mais, lorsque M. X a déposé ses demandes de permis de construire, les services de l'Etat ont opposé à ces demandes des exigences successives et injustifiées touchant à des documents qu'il appartenait à ces services de fournir ou qui étaient déjà joints au dossier ; qu'entre temps, le plan d'occupation des sols ayant été modifié, le terrain est devenu inconstructible ;

Considérant que les changements d'attitude successifs de la commune constituent des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard des associés de la SCI SEIGNEURIE DE VINAY ; que, toutefois, M. X a lui-même commis une imprudence en louant un terrain en vue de la réalisation d'un projet complexe, avant d'avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires ; qu'il sera fait, dans les circonstances de l'affaire, une juste appréciation de la responsabilité encourue par la A en la limitant, compte tenu de la part de responsabilité imputable à l'Etat, à 40 % du préjudice subi ;

Considérant que les consorts X ont droit à la compensation du préjudice constitué par les loyers inutilement payés au propriétaire du terrain concerné du fait des fautes commises par la A ; que la responsabilité de cette dernière est engagée entre le 1er janvier 1980, qui aurait représenté le terme normal de la période d'instruction du projet de camping-caravaning en cause, et le 2 avril 1982, date de la résiliation du contrat de location ; que les loyers afférents à cette période s'élèvent, en tenant compte du droit de bail, à la somme de 276.750 F ;

Considérant, toutefois, que les consorts X ne peuvent être indemnisés au-delà de leur contribution au paiement de la dette contractée envers le propriétaire du terrain loué, telle qu'elle a été fixée par l'arrêt susmentionné de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence en date du 23 février 1988 ; que cet arrêt a limité la contribution due par les associés de la SCI SEIGNEURIE DE VINAY à concurrence de leur part dans le capital social de cette société à la date du 3 mai 1983 ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de déterminer la situation de Mme Rémedios X et Mme Josette Y à cet égard ; qu'il y a lieu, avant de statuer sur leurs droits, d'ordonner un supplément d'instruction sur ce point ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 21 octobre 1999 du Tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il condamne la A au profit de la SCI SEIGNEURIE DE VINAY.

Article 2 : Les consorts X sont invités à produire, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, les pièces justifiant de la proportion des parts détenues au 3 mai 1983 par Mme Rémedios X et Mme Josette Y dans le capital social de la SCI SEIGNEURIE DE VINAY.

Article 3 : Les conclusions de M. José Z et de ses héritiers sont rejetées.

Article 4 : Les droits et moyens sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la A, à la SCI SEIGNEURIE DE VINAY, à Mme Josette Y, à Mme Josette SANCHEZ, à M. Lionel Z, à Mlle Annick Z et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 19 mai 2004, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. CHERRIER et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 3 juin 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Philippe CHERRIER

Le greffier,

Signé

Françoise EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier

4

N°'99MA02304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA02304
Date de la décision : 03/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. Philippe CHERRIER
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : BALIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-03;99ma02304 ?
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