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02/06/2004 | FRANCE | N°01MA01561

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 02 juin 2004, 01MA01561


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 juillet 2001 sous le N° 01MA01561, présentée pour la COMMUNE DE LUNEL, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats Lafont - Carillo - Guizard ;

La COMMUNE DE LUNEL demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 23 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société anonyme Rampa génie civil, de M. Jean X et du bureau Veritas SA à lui payer la somme de 614

.250 F en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°/ de condamner soli...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 juillet 2001 sous le N° 01MA01561, présentée pour la COMMUNE DE LUNEL, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats Lafont - Carillo - Guizard ;

La COMMUNE DE LUNEL demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 23 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société anonyme Rampa génie civil, de M. Jean X et du bureau Veritas SA à lui payer la somme de 614.250 F en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°/ de condamner solidairement les mêmes personnes à lui payer ladite somme ;

3°/ de les condamner solidairement à lui payer la somme de 5.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle est en droit d'obtenir des constructeurs la réparation du préjudice de jouissance subi sur le terrain de la responsabilité décennale ; que l'expert a caractérisé dans son rapport la faute de chacun d'entre eux ; que le préjudice qu'elle a subi pendant la période de fermeture de la piscine municipale est constitué, d'une part, par l'indemnité qu'elle a dû verser à l'exploitant de la cafétéria qui n'a pas pu y fonctionner et, d'autre part, par la perte d'usage de sa piscine ; que, malgré la fermeture, elle a dû continuer à faire face aux charges fixes sans aucun service en retour ; qu'il est également possible d'évaluer son préjudice à la somme qu'elle était prête à dépenser pendant une période donnée pour disposer d'une piscine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 17 septembre 2001, présenté pour le Bureau Veritas SA, dont le siège social est 17 bis, place des Reflets, la Défense 2, à Courbevoie (92400), par la SCP d'avocats Serge Guy-Vienot - Laurence Bryden ;

Le bureau Veritas SA demande à la Cour :

1°/ à titre principal de rejeter la requête et, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a solidairement condamné avec les autres constructeurs ;

2°/ de condamner la COMMUNE DE LUNEL comme tout succombant à lui verser la somme de 10.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la COMMUNE DE LUNEL ne justifie pas de son préjudice ; que les premiers juges l'ont à tort assimilé à un constructeur ; qu'en effet un contrôleur technique n'est pas un constructeur ; que l'obligation de résultat et de garantie ne pèse que sur les constructeurs ; qu'il n'est pas soumis à la présomption générale de responsabilité des constructeurs mais à un régime spécifique de responsabilité limitée ; que l'expert a constaté que malgré les dégradations causées aux peintures la piscine de Lunel est restée normalement ouverte et n'a évoqué aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage ; que l'expert a exclu toute faute de conception pour

ne retenir qu'une faute d'exécution ; qu'il ne saurait lui être reproché une absence de réserve sur un choix qui n'était pas criticable ; qu'il ne lui appartenait pas de rappeler à l'entreprise exécutante les prescriptions du DTU ; qu'il ne ressort pas du rapport de l'expert que les désordres survenus puissent se rattacher à l'un quelconque des aléas qu'il avait pour mission de prévenir et que, par les prestations qui lui incombaient, il aurait dû nécessairement contribuer à les prévenir ; que pendant la phase d'exécution du projet ses prestations s'exerçaient par sondages ; que la solidarité ne se présume pas et ne saurait découler ni du contrat qu'il a souscrit ni de dispositions légales ; que la Cour dispose de tous les éléments permettant d'apprécier les quote-parts de responsabilité ; qu'en tout état de cause sa part, à l'intérieur de cette éventuelle solidarité, ne saurait qu'être nulle ; que la Cour devra dès lors condamner la société Rampa génie civil et M. Jean X à le garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 30 août 2002, présenté pour M. Jean X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Scheuer - Vernhet ;

M. Jean X demande à la Cour, d'une part, de rejeter la requête et, d'autre part, de condamner la COMMUNE DE LUNEL, comme tout succombant, à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la requête de la COMMUNE DE LUNEL est mal dirigée ; que la plus grande part de responsabilité doit être imputée à l'entreprise générale ou à son sous-traitant ; que le rapport d'expertise démontre qu'il n'a pas failli à sa mission ; que sa part de responsabilité devra être jugée nulle ou infiniment résiduelle ; que tout dommage immatériel est la conséquence de l'inaction de l'assureur dommages ouvrage ; que la commune ne produit aucune pièce justificative ; que les charges fixes supportées par la commune ne sauraient être considérées comme un préjudice ; que si la piscine a dû être fermée plus longuement que prévu cela résulte d'un choix inadéquat de la période pendant laquelle ont été réalisés les travaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2004 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les observations de Me Guy-Vienot pour le bureau Veritas SA ;

- et les conclusions de M. Bédier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un marché conclu le 28 janvier 1988, la COMMUNE DE LUNEL a confié à la société anonyme Rampa génie civil la construction d'une piscine couverte et de ses équipements annexes ; que la société Rampa génie civil a sous-traité le gros-oeuvre, la maçonnerie, les cloisonnements et la plâtrerie à l'entreprise Olivier qui a elle-même sous-traité à la société PPM la fourniture et la pose des briques creuses avec lesquelles ont été réalisées les cloisons de distribution interne du bâtiment ; que la COMMUNE DE LUNEL a passé le 5 novembre 1987 avec M. Jean X un marché d'architecture pour la réalisation de cet ouvrage et le 28 janvier 1988 avec le bureau de contrôle Veritas SA une convention de contrôle technique ; qu'il résulte de l'instruction que les réserves qui avaient été exprimées lors de la réception des travaux le 5 avril 1989 ont été levées le 30 juin suivant ; que, très tôt après cette réception, des décollements de peintures sont apparus qui se sont rapidement généralisés ; que la COMMUNE DE LUNEL a demandé la condamnation solidaire de la SA Rampa génie civil, de M. Jean X et du Bureau de contrôle Veritas à lui payer la somme de 614.250 F en réparation du préjudice de jouissance qu'elle a subi ; qu'elle relève appel du jugement du 23 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à cette demande ;

Sur la recevabilité de l'action de la COMMUNE DE LUNEL :

Considérant que la circonstance que la COMMUNE DE LUNEL ait obtenu réparation, par le Groupement d'intérêt économique G 20 son assureur dommages ouvrage, des dommages matériels ci-dessus décrits n'a pas pour effet de la priver de la possibilité de poursuivre, devant la juridiction administrative, la réparation des autres préjudices immatériels de toute nature qu'elle a subi alors d'ailleurs que le contrat d'assurance dommages ouvrage qu'elle a souscrit exclut expressément de ses garanties lesdits dommages ; qu'il suit de là que M. Jean X n'est pas fondé à soutenir que la requête de la COMMUNE DE LUNEL est irrecevable comme étant mal dirigée ;

Sur les responsabilités des constructeurs à l'égard de la COMMUNE DE LUNEL :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les réserves qui avaient été exprimées lors de la réception des travaux le 5 avril 1989 ont été levées le30 juin suivant ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier, que, dès le mois de septembre 1990, des décollements de peinture sont apparus sur la quasi totalité des cloisons et doublages des locaux annexes de la piscine en cause ; que, par leur nature et leur importance ces désordres ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination et sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant que les désordres ci-dessus décrits trouvent leur origine dans l'absence de mise en oeuvre d'un système évitant le contact, en pieds de cloisons et de doublages, de la brique les constituant avec l'eau circulant dans le sable et la chape de pose du carrelage de sol résultant d'une mauvaise exécution par les sous-traitants des travaux qui leur avaient été confiés par le titulaire du marché ; que ce défaut d'exécution engage la garantie décennale de la société anonyme Rampa génie civil qui a proposé le procédé de construction finalement retenu et qui assume vis-à-vis du maître de l'ouvrage la responsabilité des travaux effectués par ses sous-traitants ; que le dommage résulte également d'un défaut de surveillance de ces travaux imputable à M. Jean X, architecte ; qu'en revanche ces désordres ne sont pas imputables au bureau de contrôle Veritas SA dès lors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il aurait reçu contractuellement du maître d'ouvrage mission de surveiller l'exécution des travaux de cloisonnement et de doublage ; qu'il y a dès lors lieu de condamner solidairement la société anonyme Rampa génie civil et M. Jean X à réparer le préjudice de jouissance subi par la COMMUNE DE LUNEL résultant des désordres ci avant décrits et de mettre hors de cause le bureau Veritas SA ;

Sur le préjudice :

Considérant que la COMMUNE DE LUNEL soutient que le préjudice qu'elle a subi résulte, d'une part, de la perte de jouissance de sa piscine dont la fermeture a été rendue nécessaire pour permettre l'exécution des travaux de réparation des désordres ci-dessus décrits et, d'autre part, de l'indemnisation de l'exploitant de la cafétéria qui n'a pu fonctionner pendant la période de fermeture ; que si ce dernier chef de préjudice a été indemnisé par les premiers juges, il n'en va pas de même du préjudice de jouissance allégué ; que, toutefois, pour justifier dudit préjudice, la commune se borne à invoquer, d'une part, l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de payer les charges fixes de personnel et d'intérêts de l'emprunt souscrit pour la construction de l'ouvrage pendant la période de fermeture et, d'autre part, la circonstance même constituée par cette fermeture ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les charges fixes invoquées par la COMMUNE DE LUNEL aient été aggravées du fait de la fermeture de sa piscine ; qu'elle ne fait état, par ailleurs, d'aucun élément précis lui permettant de justifier du chef de préjudice invoqué ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante du préjudice qu'elle a subi ;

Sur les appels en garantie :

Sur le partage des responsabilités :

Considérant que M. Jean X conteste le principe même de sa responsabilité qui ne saurait être, selon lui, que nulle ou infiniment résiduelle et soutient que la plus grande part de responsabilité doit être imputée à l'entreprise générale ; que M. Jean X et la société anonyme Rampa génie civil font l'objet d'une condamnation solidaire ; que, dans ces circonstances, ces conclusions doivent être interprétées comme tendant à la répartition de la charge définitive de la condamnation entre les intéressés ; qu'eu égard aux fautes qui ont été commises, d'une part, par la société anonyme Rampa génie civil dans l'exécution des travaux et, d'autre part, par l'architecte dans l'exercice de sa mission de surveillance des travaux, il y a lieu de fixer la charge définitive de l'indemnité à hauteur de 80 % pour l'entreprise et 20 % pour M. Jean X ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. Jean X et par la COMMUNE DE LUNEL doivent, dès lors, être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le bureau Veritas SA et de condamner la COMMUNE DE LUNEL à lui verser une somme de 1.000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE LUNEL est rejetée.

Article 2 : La société anonyme Rampa génie civil et M. Jean X sont solidairement condamnés à verser à la COMMUNE DE LUNEL une somme de 2.790, 43 euros (deux mille sept cent quatre-vingt dix euros et quarante-trois centimes) soit 18.304, 02 francs (dix huit mille trois cent quatre francs et deux centimes).

Article 3 : La charge définitive de cette indemnité est répartie à hauteur de 80 % pour la société anonyme Rampa génie civil et de 20 % pour M. Jean X.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 23 mai 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La COMMUNE DE LUNEL est condamnée à verser au bureau Veritas SA la somme de 1.000 euros (mille euros) soit 6.559, 57 francs ( six mille cinq cent cinquante-neuf francs et cinquante-sept centimes) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions de M. Jean X tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LUNEL, à la société anonyme Rampa génie civil, à M. Jean X, au bureau Veritas SA et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 4 mai 2004, où siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Duchon-Doris, président assesseur,

M. Firmin, premier conseiller,

assistés de Mme Giordano, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 2 juin 2004.

Le rapporteur

Signé

Jean-Pierre Firmin

Le président,

Signé

François Bernault

Le greffier,

Signé

Danièle Giordano

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 01MA01561 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA01561
Date de la décision : 02/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre FIRMIN
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : SCP LAFONT CARILLO GUIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-02;01ma01561 ?
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