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06/05/2004 | FRANCE | N°99MA01634

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 06 mai 2004, 99MA01634


Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 août 1999, sous le n° 99MA01634, présentée pour :

* l'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT (A.S.D.E.), représentée par son président, ayant son siège social Mairie de SENAS, à SENAS (13560),

* l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU QUARTIER DU PIGEONNIER (A.D.Q.P.), représentée par son président, ayant son siège social ...,

* Mme Colette X, demeurant ...,

Classement CNIJ : 44-01-01-02-02

C

* M. Oreste X, demeur

ant ...,

* M. Jean Y, demeurant ...,

* Mme Viviane Z, demeurant ...,

* M. Gilbert A, demeurant ...

Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 août 1999, sous le n° 99MA01634, présentée pour :

* l'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT (A.S.D.E.), représentée par son président, ayant son siège social Mairie de SENAS, à SENAS (13560),

* l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU QUARTIER DU PIGEONNIER (A.D.Q.P.), représentée par son président, ayant son siège social ...,

* Mme Colette X, demeurant ...,

Classement CNIJ : 44-01-01-02-02

C

* M. Oreste X, demeurant ...,

* M. Jean Y, demeurant ...,

* Mme Viviane Z, demeurant ...,

* M. Gilbert A, demeurant ...,

* M. Serge B, demeurant ...,

* M. Antoine C, demeurant ...,

* M. Jean-Luc D, demeurant ...,

* Mme Annie E, demeurant ..., par la SCP d'avocats Jean-Claude SEBAG et Isabelle BRUNSCHVICG-SEBAG ;

L'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT et autres demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 95-2500 en date du 12 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 19 janvier 1995 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique, sur le territoire de la commune de SENAS, la réalisation par le département des Bouches-du-Rhône des travaux nécessaires à la déviation des routes départementales n° 72 et n° 73 a ;

2°/ d'annuler l'arrêté préfectoral susvisé ;

3°/ de leur allouer à chacun d'entre eux la somme de 3.000 F au titre de leurs frais irrépétibles ;

Ils soutiennent, en premier lieu, que leur demande de première instance était recevable dès lors que tant l'A.S.D.E. que l'A.D.Q.P., eu égard à leurs objets statutaires respectifs, avaient intérêt à contester l'arrêté préfectoral en litige ; qu'il en est de même des requérants, personnes physiques, résidant tous à proximité de l'opération projetée ; qu'en outre, contrairement à ce que soutenait le préfet en première instance, le président de l'A.D.Q.P. avait bien qualité pour représenter l'association devant le tribunal administratif en vertu de la délibération de l'assemblée générale extraordinaire de l'association du 6 mars 1995 ;

Ils soutiennent, en deuxième lieu, sur le fond, que l'arrêté contesté est entaché de vices de légalité externe ; qu'en effet, d'une part, l'opération envisagée qui modifiait, par son importance et par sa nature, de façon substantielle le cadre de vie de la commune de SENAS, était soumise à la procédure de la concertation préalable prévue par l'article L.300 2 du code de l'urbanisme ; qu'en l'espèce, cette concertation s'est révélée insuffisante dès lors qu'elle n'a pas donné lieu à une publicité réelle et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un bilan en violation des dispositions de l'article précité ; que le jugement attaqué qui a écarté ce moyen n'a pas fait allusion à cette insuffisante publicité ni à l'absence de présentation du bilan devant le conseil municipal de SENAS ; que, d'autre part, l'enquête publique était entachée d'irrégularité, dès lors que, contrairement aux dispositions de l'article 11 du décret du 23 avril 1985, il n'y a pas eu consultation préalable du commissaire-enquêteur et que, si les premiers juges ont retenu la thèse inverse, c'est uniquement sur la base des déclarations du préfet non justifiées par la production d'un quelconque document ; que cette omission a eu des conséquences puisque le commissaire-enquêteur n'a pas pu, dès lors que les jours de réception en mairie étaient à la fin de la période d'enquête, apprécié à l'issue de ces visites en mairie de l'opportunité d'une réunion publique ; que de nombreux documents complémentaires, qui ne figuraient pas au dossier d'enquête et qui étaient pourtant indispensables, ont été réclamés par le commissaire-enquêteur et n'ont pas pu être consultés par le public pendant toute la durée de l'instruction ; que de même, c'est à tort que le commissaire-enquêteur n'a pas fait droit à leur demande tendant à la prorogation de la durée de l'enquête de quinze jours ainsi que le prévoit l'article 19 du décret du 23 avril 1985, alors que l'importance de l'opération le justifiait ; qu'en outre, l'étude d'impact était insuffisante et comportait des approximations et des erreurs en ce qui concerne les documents graphiques, les mesures acoustiques, les chiffres du trafic routier annoncé ainsi que concernant la séismologie et l'hydrogéologie ; que, si l'on considérait que l'avis favorable du commissaire-enquêteur était subordonné à des conditions rigoureuses sur des chapitres cruciaux tels que l'hydrogéologie, la sismicité et les nuisances phoniques et que ces conditions n'ont pas été satisfaites, le préfet était incompétent par application des articles L.11-12 et R.11-1 du code de l'expropriation ; que si, en revanche on estimait que l'avis favorable émis par le commissaire-enquêteur ne reprend pas les conditions impérieuses qui se dégageaient de son rapport, l'enquête publique serait viciée dès lors que ces conclusions ne reflèteraient pas les résultats de l'enquête ; qu'il n'a pas été, en outre, justifié de la délégation régulière de signature du signataire de l'arrêté préfectoral prescrivant l'ouverture de l'enquête publique, ce qui a pour effet d'entacher de nullité cet arrêté, l'enquête publique ainsi que la déclaration d'utilité publique elle-même ; qu'en outre, ils sont fondés à exciper de l'illégalité de la délibération du conseil général en date du 14 janvier 1994 pour violation des articles L.321-14, L.321-15 et L.321-19 du code général des collectivités territoriales ; qu'en outre, cette délibération ne figurait pas dans le dossier d'enquête publique, ce qui a pour effet d'en affecter la régularité ; qu'enfin, le dossier administratif n'a pas chiffré le montant des acquisitions foncières éventuelles nécessaires ainsi que la perte de valeur des habitations affectées par le projet entachant d'illégalité la décision contestée ;

Ils soutiennent, en troisième lieu, que l'arrêté en litige était également entaché de vices de légalité interne ; que l'opération en cause est dépourvue d'utilité publique ; que, s'il était avancé que cette opération était destinée à améliorer les conditions de circulation de la commune, cette opération avait en réalité pour but de venir au secours de le zone artisanale de Montplaisir créée en 1989 qui était un échec, ainsi qu'il ressort d'un courrier du maire de la commune ; que cette opération comporte de graves inconvénients pour l'environnement et le paysage et entraîne un coût financier important même s'il n'est pas réellement mesuré ;

Vu l'exemplaire original de la requête susvisée, enregistré le 17 août 1999 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 1999, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'équipement, des transports et du logement et qui informe la Cour que son département ministériel n'est pas concerné par la présente instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 1999, présenté pour l'A.S.D.E. et autres et par lequel ils transmettent des pièces à la Cour ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2000, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'intérieur et par lequel il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, en premier lieu, en ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme, que ce moyen n'est pas fondé dès lors que le conseil municipal a décidé, par une délibération en date du 5 mars 1992, d'ouvrir la procédure de concertation préalable prévue par ce texte ; qu'au titre de cette concertation, une exposition avec panneaux explicatifs et maquette a eu lieu en mairie du 1er au 30 avril 1992 inclus, la publicité de cette concertation étant assurée par voie d'affichages en mairie et par voie de presse ; qu'une réunion publique a été organisée le 5 mai 1992 ; que, par une délibération du 15 mai 1992, le conseil municipal a clos la concertation et a décidé de la poursuite de la procédure ; qu'au terme de cette concertation publique, le conseil général a examiné une variante supplémentaire, dont le contenu avait été défini par l'une des associations requérantes, au cours de deux réunions de travail qui se sont tenues les 3 septembre et 29 octobre 1992, ladite variante n° 4 étant intégrée dans le dossier d'enquête publique ; que le 9 décembre 1993, le conseil municipal a délibéré sur le dossier de pré-enquête et s'est déclaré favorable à la variante n° 3 ; qu'ainsi les dispositions des articles L.300-2 et R.300-1 du code de l'urbanisme ont été respectées ;

Il soutient, en deuxième lieu, en ce qui concerne la régularité de l'enquête publique, que le commissaire-enquêteur a été désigné le 22 avril 1994 et qu'à la suite de cette désignation, ce dernier a lui-même déterminé les jours de réception du public qui ont été précisées par arrêté du 29 avril 1994 prescrivant l'enquête publique ; que, s'agissant de la fixation des jours de réception du public à la fin de la période d'enquête publique, le code de l'expropriation n'impose aucune règle en matière de fixation des jours de réception du public ; qu'en l'espèce, la détermination de ces dates devait permettre au public de formuler des remarques et n'était pas de nature à s'opposer à l'organisation d'une réunion ou à une prorogation éventuelle de l'enquête publique ; qu'en outre, le commissaire-enquêteur a tenu une réunion les 20 et 27 juin 1994, soit en début d'enquête, avec les associations requérantes qui ne peuvent donc se prévaloir de n'avoir pu faire part de leurs observations ou de leur demande de prorogation de la durée de l'enquête ; que s'agissant du refus du commissaire-enquêteur de proroger la durée de l'enquête, ce type de décision relève du pouvoir discrétionnaire du commissaire-enquêteur et ce refus a été justifié par le fait que le commissaire-enquêteur a préféré provoquer des réunions de travail au cours de l'enquête et qu'une telle prorogation n'apportait aucun avantage dès lors qu'elle aurait coïncidé avec la période des vacances d'été ; que concernant les documents supplémentaires sollicités par la commissaire-enquêteur, le dossier soumis à l'enquête publique a été constitué conformément au code de l'expropriation ; que la circonstance que le commissaire-enquêteur ait jugé utile de disposer de documents supplémentaires n'a pas pour conséquence de démontrer le caractère insuffisant du contenu du dossier ; que le commissaire-enquêteur a joint au dossier lesdits documents complémentaires ; qu'en ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact , les moyens des requérants relatifs à l'inexactitude des documents présentés sont inopérants dès lors qu'ils portent sur le dossier d'instruction mixte à l'échelon local adressé aux services consultés et non sur le dossier définitif d'enquête destiné au public ; que le dossier était suffisant tant en ce qui concerne le trafic routier, les nuisances sonores et l'hydrogéologie ; que s'agissant de la sismologie, les phénomènes parasismiques pris en compte lors de l'étude technique de l'ouvrage d'art n'avaient pas à être pris en compte dans l'étude d'impact ; que cette dernière a été établie conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 modifié ; que l'avis du commissaire-enquêteur n'était pas subordonné à des conditions impérieuses, l'intéressé s'étant borné à émettre des recommandations ; que l'arrêté prescrivant l'ouverture de l'enquête publique a été signé par M. BAYLE qui disposait d'une délégation de signature régulière et était habilité à signer ledit arrêté ; que les requérants ne démontrent pas en quoi la délibération du conseil général en date du 14 janvier 1994 serait illégal en invoquant au surplus des articles ne correspondant à aucun texte existant ;

Il soutient, en troisième lieu, en ce qui concerne la légalité interne de la décision contestée, que l'opération en cause présentait une utilité publique, ainsi que l'a relevé la commissaire-enquêteur, et n'était pas uniquement motivée par la seule desserte de l'ancienne zone d'activité, la variante n° 3 choisie apparaissant la plus raisonnable au niveau des coûts financiers ; que s'agissant de l'impact visuel du projet, le dossier de déclaration d'utilité publique fait référence à la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages et à la loi sur l'eau ; que le dossier portait à la connaissance du public l'ensemble des éléments financiers du projet y compris le montant des acquisitions foncières estimées par les services fiscaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 août 2000, présenté pour L'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT et autres et par lequel ils transmettent des pièces à la Cour ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2000, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, représenté par le président du conseil général, par Me VERSINI, avocat, et par lequel il conclut au rejet de la requête et à ce que les appelants soient condamnés solidairement au paiement d'une somme de 15.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient, en premier lieu, que la concertation préalable a été organisée et a fait l'objet d'une publicité en conformité avec les dispositions des articles L.300-2 et R.300-1 du code de l'urbanisme ; que le commissaire-enquêteur a été désigné le 22 avril 1994 et a déterminé les dates de réception du public et a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas proroger la durée de l'enquête publique ; que les arguments des requérants relatifs au dossier d'instruction mixte à l'échelon local sont inopérants ; que l'étude d'impact est suffisante ; que l'avis du commissaire-enquêteur étant favorable et n'étant pas assorti de réserves le préfet était compétent pour prendre l'arrêté contesté ; que le signataire de l'arrêté prescrivant l'enquête publique était compétent ; que les requérants n'établissent pas l'illégalité de la délibération du conseil général du 14 janvier 1994 ;

Il soutient, en deuxième lieu, que l'opération en cause présentait une utilité publique ; que le dossier comportait l'ensemble des éléments relatifs au coût financier de l'opération dont celui des acquisitions foncières ;

Vu le mémoire transmis par télécopie, enregistré le 8 avril 2004, présenté pour l'A.S.D.E. et autres et par lequel ils concluent aux mêmes fins que leur requête susvisée et par les mêmes moyens ; ils demandent en outre, qu'une somme de 457,35 euros leur soit allouée à chacun d'entre eux, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'exemplaire original du mémoire susvisé, enregistré le 9 avril 2004 ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2004, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952

Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié ;

Vu le décret n° 93-245 du 25 février 1993 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2004 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- les observations de Me SEBAG pour l'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT et autres ainsi que celles de Me VERSINI pour le département des Bouches-du-Rhône ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que l'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT (A.S.D.E.) et autres relèvent régulièrement appel du jugement en date du 12 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 19 janvier 1995 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique la réalisation par le Département des Bouches-du-Rhône des travaux nécessaires à la déviation des routes départementales n° 72 et 72 a ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la requête déposée devant le tribunal administratif, aux fins d'annulation de l'arrêté préfectoral en litige, a été présentée conjointement par l'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT (A.S.D.E.), l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU QUARTIER DU PIGEONNIER (A.D.Q.P.) ainsi que par treize requérants ; qu'il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que les treize requérants de première instance résidaient à proximité de l'ouvrage routier projeté ; qu'ils justifiaient, de ce fait, d'un intérêt leur conférant qualité pour contester l'arrêté en date du 19 janvier 1995 déclarant d'utilité publique l'opération en cause ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'Etat et le Département des Bouches-du-Rhône et tirées du défaut de qualité à agir du président de l'A.D.Q.P., la demande présentée devant le tribunal administratif était recevable ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la requête de première instance comportait le timbre fiscal alors exigé par les dispositions de l'article 1089 B du code général des impôts ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre par le Département des Bouches-du-Rhône manque en fait et doit, dès lors, être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral en date du 19 janvier 1995 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'après la mise en oeuvre de la procédure d'instruction mixte locale, prévue par la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 relative aux travaux mixtes et l'organisation d'une concertation préalable en application de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme, le président du Tribunal administratif de Marseille a, le 22 avril 1994, désigné, dans le cadre de la loi susvisée du 12 juillet 1983, un commissaire-enquêteur pour mener à bien une enquête publique relative au projet de déviation de la RD 72 et RD 72 a au Sud-Ouest de la commune de SENAS (Bouches-du-Rhône), enquête qui a été ouverte par un arrêté préfectoral en date du 29 avril 1994 ; que le dossier soumis à enquête, qui envisageait quatre variantes concernant le tracé de la voie de contournement, retenait la variante n° 3 prévoyant, outre la réalisation de la voie proprement dite d'une largeur de 7 mètres de plate-forme, deux giratoires ainsi que la réalisation d'un ouvrage d'art, un pont de 25 mètres, surplombant la ligne SNCF Avignon-Miramas et le canal des Alpines ; que, par l'arrêté contesté en date du 19 janvier 1995, le préfet des Bouches-du-Rhône, au vu d'un avis favorable du commissaire-enquêteur, a déclaré d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation de cette opération ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 susvisé, dans sa rédaction résultant du décret n° 93-245 du 25 février 1993, applicable en l'espèce :

Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement./

L'étude d'impact présente successivement :

1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ;

2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la sécurité et la salubrité publique ;

3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés, le projet présenté a été retenu ;

4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ;

5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation./ Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci fera l'objet d'un résumé non technique... ; que, s'il résulte des termes mêmes de l'article 2 du 12 octobre 1977 susvisé que le contenu de l'étude d'impact doit être en rapport avec la nature et l'importance du projet, celle-ci doit contenir les éléments mentionnées audit article ;

Considérant, d'une part, que la réalisation de l'ouvrage routier projeté, qui se situe au sein d'une zone agricole, à proximité d'un réseau d'irrigation et d'une nappe phréatique de très faible profondeur, aura, compte tenu des risques de pollution accidentelles ou non accidentelles liées à ce type d'équipement, des effets importants sur le régime des eaux superficielles ou souterraines ; que si l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête, complétée par un document établi à la demande du commissaire-enquêteur, analyse l'état initial du site notamment concernant ses caractéristiques hydrologiques, ce document ne rend pas compte de manière suffisamment précise des conséquences directes et indirectes du projet particulièrement sur le régime des eaux souterraines ; que les mesures compensatoires envisagées sur ce point n'ont pas été suffisamment développées notamment en cas de pollution non accidentelles ; qu'ainsi, les appelants sont fondés à soutenir que l'étude d'impact est entachée, sur ce point, d'insuffisances ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que la commune de SENAS est située dans une zone sismique ; qu'alors que le projet contesté prévoit la construction d'un ouvrage d'art surplombant deux voies de circulation, un canal et une voie de chemin de fer, l'étude d'impact présente au dossier d'enquête ne comporte dans l'analyse de l'état initial du site aucune mention sur cette caractéristique particulière ; que ce document n'analyse pas, en outre, les conséquences directes et indirectes de l'ouvrage routier projeté au regard de la sécurité publique, eu égard aux risques sismiques ; qu'enfin, l'exposé des raisons pour lesquelles la variante n° 3 a été retenue n'a pas pris en compte les caractéristiques sismiques du site initial , alors qu'elle était la seule option dans laquelle un passage supérieur était prévu ; que la circonstance, invoquée par le ministre, selon laquelle la réalisation de l'ouvrage d'art sera soumise aux procédures prévues par les textes législatifs et réglementaires régissant la construction d'ouvrages en zone sismique, ne dispensait pas l'auteur de l'étude d'impact de mentionner dans cette étude les informations, correspondant aux prescriptions du décret du 12 octobre 1977, qu'il était en mesure de réunir, à ce stade de la procédure, sur les effets de l'ouvrage au regard de la sécurité publique ; qu'il suit de là que les appelants sont également fondés à soutenir que l'étude d'impact est entaché d'insuffisances sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les insuffisances sus-rappelées de l'étude d'impact ont entaché la procédure d'une irrégularité substantielle de nature à entacher d'illégalité la déclaration d'utilité publique prononcée par l'arrêté susvisé ;que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que, dès lors, ils sont fondés à demander l'annulation dudit jugement ainsi que de l'arrêté en date du 19 janvier 1995 ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser aux appelants une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille du 12 mai 1999 est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 19 janvier 1995 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique, sur le territoire de la commune de SENAS, la réalisation par le département des Bouches-du-Rhône des travaux nécessaires à la déviation des routes départementales n° 72 et n° 73 a est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION SENASSAISE POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT, l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU QUARTIER DU PIGEONNIER, M. et Mme X, M. Y, Mme Z, M. A, M. B, M. C, M. D, Mme E, au Département des Bouches-du-Rhône, à la commune de SENAS, au ministre de l'équipement, des transports, du logement du tourisme et de la mer et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 15 avril 2004, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. CHERRIER et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme EJEA, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

signé signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

Le greffier,

signé

Françoise EJEA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 99MA01634 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01634
Date de la décision : 06/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : SCP SEBAG-BRUNSCHVICG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-06;99ma01634 ?
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