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23/03/2004 | FRANCE | N°00MA01615

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 23 mars 2004, 00MA01615


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 juillet 2000 sous le n° 00MA01615, présentée pour M. Daniel X, demeurant ...), par Me COULET, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 12 mai 2000 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté, pour la période de 23 décembre 1994 au 24 avril 1995, sa demande d'annulation de la mesure de suspension dont il a fait l'objet entre le 23 décembre 1994 et le 12 octobre 1995, sa demande d'annulation de la décision du 9 janvier 1996 prononçant, à

titre disciplinaire, son exclusion temporaire de fonctions pour une duré...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 juillet 2000 sous le n° 00MA01615, présentée pour M. Daniel X, demeurant ...), par Me COULET, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 12 mai 2000 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté, pour la période de 23 décembre 1994 au 24 avril 1995, sa demande d'annulation de la mesure de suspension dont il a fait l'objet entre le 23 décembre 1994 et le 12 octobre 1995, sa demande d'annulation de la décision du 9 janvier 1996 prononçant, à titre disciplinaire, son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 386.806,08 F (58.968,21 euros) en réparation du préjudice matériel subi du fait de cette mesure d'exclusion ;

Classement CNIJ : 36-09

36-13-03

C

2°/ d'annuler la mesure de suspension dont il a fait l'objet également pour la période du 23 décembre 1994 au 24 avril 1995 et la décision du 9 janvier 1996 prononçant, à titre disciplinaire, son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ;

3°/ de condamner La Poste à lui verser la somme de 386.806,08 F (58.968,21 euros) en réparation du préjudice matériel subi du fait de cette mesure d'exclusion ;

4°/ de condamner La Poste à lui verser la somme de 25.000 F (3.811,23 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que :

En ce qui concerne la suspension dont il a fait l'objet, la Poste n'apporte pas la preuve de la gravité de la faute qui lui était reprochée, et que dès lors, elle ne pouvait pas mettre en oeuvre la suspension prévue à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

En ce qui concerne l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont il a fait l'objet :

- l'avis du conseil national de discipline a été invoqué devant le conseil local de discipline réuni le 21 décembre 1995 alors que cet avis ne lui avait pas été communiqué ;

- le président du conseil de discipline a manifesté une animosité personnelle à son égard ;

- La Poste a méconnu les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 en ne saisissant pas sans délai le conseil de discipline ;

- le conseil de discipline n'a pas respecté les délais prévus par l'article 9 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 pour rendre son avis ;

- l'avis du conseil de discipline doit être motivé mais comme celui-ci ne lui a pas été communiqué, il est dans l'impossibilité de vérifier si tel est le cas ;

- la sanction disciplinaire en cause n'est pas motivée ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- la sanction infligée n'est pas proportionnée aux griefs qui lui sont faits ;

En ce qui concerne le préjudice financier, celui-ci doit être évalué à partir des traitements et avantages divers qui lui auraient été payés par son employeur pendant la période de suspension de deux années ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 22 juin 2001 présenté par LA POSTE ;

La Poste demande à la Cour :

1°/ de rejeter la requête ;

2°/ de condamner M. X à lui verser la somme de 10.000 F (1.524,49 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- la suspension de fonction est légitime et justifiée ;

- les motifs de la sanction sont établis ;

- la procédure disciplinaire a été parfaitement respectée ;

- l'avis du conseil de discipline est motivé ;

- les conclusions tendant à des dommages et intérêts présentées pour la première fois devant la juridiction de jugement sont irrecevables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2004 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que M. X, agent titulaire de La Poste, a fait l'objet d'un retrait de service par une décision du 23 décembre 1994 et d'une mesure confirmant cette suspension le 26 janvier 1995 ; que cette suspension a pris fin le 12 octobre 1995 ; que la plainte de La Poste contre M. X a fait l'objet d'un classement sans suite par le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nice le 5 avril 1995 ; que par une décision du 9 janvier 1996 il a fait l'objet, à titre disciplinaire, d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ; que par un jugement du 12 mai 2000, le Tribunal administratif de Nice a annulé la mesure le suspendant du 23 décembre 1994 et le 12 octobre 1995 en tant qu'elle a continué à s'appliquer au-delà du 24 avril 1995 et a rejeté les autres demandes de M. X tendant à l'annulation de cette mesure de suspension pour la période du 23 décembre 1994 au 24 avril 1995, à l'annulation de la décision prononçant son exclusion temporaire et à la condamnation de La Poste à l'indemniser des préjudices financier et moral subis du fait de la mesure de suspension et de ceux subis du fait de son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ;

Considérant que M. X fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mesure de suspension prise à son encontre pour la période du 23 décembre 1994 au 24 avril 1995, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 1995 prononçant son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans et sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 386.806,08 F (58.968,21 euros) au titre du préjudice financier subi du fait de cette exclusion ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la mesure de suspension de fonctions dont il a fait l'objet pour la période du 23 décembre 1994 au 24 avril 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; En cas de faute grave commise par un fonctionnaire... l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai le conseil de discipline. (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. ... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 22 décembre 1994, un agent de La Poste que M. X ne connaissait pas, s'est présenté au guichet de celui-ci, a fait l'acquisition d'une enveloppe distingo , a inséré dans cette enveloppe un courrier et cinq billets de cent francs dont les numéros avaient été préalablement relevés puis l'a remise au requérant pour être acheminée à La Ciotat ; que ce courrier qui a été déposé au guichet aux environs de 14 heures 20 n'a pas été inclus par M. X dans la plus proche liaison de 14 heures 45, ni dans la suivante de 16 heures 45 ; que lorsque l'enveloppe distingo a été retrouvée dans la dernière liaison de la journée à la demande du chef de service et a été ouverte vers 17 heures 20 pour vérification, elle ne contenait plus que deux billets de cent francs ; que deux des billets manquants se trouvaient dans le dernier versement effectué par M. X à la caisse du bureau de poste ; que dans ces conditions, nonobstant la circonstance que M. X a nié avoir ouvert l'enveloppe et subtilisé les trois billets manquants et alors que les déclarations de son collègue ayant tenu également un guichet durant 75 % de son temps de service, les 25 % restant étant consacrés à la tenue de la caisse, selon lesquelles il n'a pas vu M. X quitter son guichet, ne pouvaient établir formellement que ce dernier était resté à son guichet entre 14 heures 20 et 17 heures 20, les autorités de La Poste ont pu regarder les faits reprochés à M. X, de spoliation d'objet de correspondance et de vol de numéraire comme ayant un caractère suffisant de vraisemblance pour lui être imputés ; qu'eu égard à la gravité desdits faits, La Poste a pu légalement écarter temporairement M. X de ses fonctions par les décisions du 23 décembre 1994 et du 23 janvier 1995 sur le fondement des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice n'a annulé la mesure de suspension prise à son encontre que pour la période au-delà du délai de quatre mois prévu par l'article 30 précité et a rejeté sa demande d'annulation de cette mesure pour la période antérieure du 23 décembre 1994 au 24 avril 1995 ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision du 9 janvier 1996 prononçant son exclusion temporaire ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que M. X allègue que la procédure aurait été viciée par la circonstance qu'un avis aurait été donné par le conseil national de discipline et ne lui aurait pas été communiqué alors que celui-ci aurait été invoqué devant le conseil départemental de discipline le 21 décembre 1995 ayant rendu un avis avant la prise de la décision susmentionnée ; que M. X n'apporte aucun élément précis sur l'existence et le contenu du prétendu avis du conseil national de discipline, lequel en tout état de cause n'avait pas à être consulté dès lors que la sanction que l'administration proposait de lui infliger relevait du troisième groupe ; qu'en tout état de cause, à défaut de tout élément sur le prétendu avis du conseil national de discipline et sur son éventuelle incidence sur l'avis rendu par le conseil départemental de discipline ou sur la décision d'exclusion prononcée ultérieurement, le moyen dont s'agit n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le président du conseil départemental aurait fait preuve de partialité n'est assorti d'aucun élément circonstancié et n'est corroboré par aucune pièce du dossier ;

Considérant que, si le conseil départemental de discipline n'a été réuni que la 21 décembre 1995 alors que les faits reprochés à M. X avaient été commis le 23 décembre 1994, aucun texte n'enferme dans un délai impératif l'exercice de l'action disciplinaire ; que, dès lors, en tout état de cause ce moyen, et alors au surplus qu'une enquête disciplinaire a été mise en oeuvre et qu'une plainte pénale a été diligentée par La Poste contre M. X et qu'il n'est pas contesté que le conseil de discipline a eu à connaître durant la période en cause de nombreuses affaires, n'est pas de nature à entraîner l'irrégularité de la procédure ; que la seule circonstance que le conseil de discipline n'aurait pas respecté le délai d'un mois prévu par l'article 9 du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, délai qui ne présente qu'un caractère indicatif, n'est pas non plus de nature à vicier la procédure ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que les moyens tirés de ce que l'avis du conseil départemental de discipline et la décision d'exclusion ne seraient pas motivés, manquent en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant que d'une part, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur l'action publique ; que tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite prises par le ministère public ; qu'ainsi la décision de classement sans suite prise en l'espèce le 5 avril 1995 par le procureur près du Tribunal de grande instance de Nice sur la plainte de La Poste déposée contre M. X pour les faits du 23 décembre 1994 n'est pas de nature à lier, quant à l'exactitude matérielle de ces faits, l'administration ou le juge administratif ; que d'autre part, l'exactitude matérielle des griefs faits à M. X de spoliation de correspondance et de vol de numéraire et alors qu'il a été établi, par l'enquête diligentée par l'administration, que les autres agents présents dans le bureau de poste de Nice Lympia étaient dans l'impossibilité matérielle d'ouvrir le pli distingo dont s'agit et d'y prendre les trois billets de cent francs, est établie ; que de tels faits constituent une faute de nature à justifier une sanction ;

Considérant que le juge du fond, dans l'appréciation qu'il effectue de l'adéquation de la sanction prononcée à la faute commise, doit prendre en considération, le cas échéant, la nature particulière des fonctions exercées par l'agent ou des missions assurées par le service ; qu'en l'espèce, il y a lieu de tenir compte des missions confiées à La Poste et des obligations particulières qui en découlent et qui incombent à ses agents notamment celles relatives à l'inviolabilité des correspondances ; qu'il s'ensuit, qu'égard à la nature et à la gravité de la faute commise par M. X et alors même que celui-ci se prévaut de la modicité des sommes en cause, le directeur délégué de la Poste pour la délégation Méditerranée n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste, en lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision dont s'agit ;

Sur les conclusions de M. X tendant à des dommages et intérêts :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions susmentionnées en première instance ou devant la Cour :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en prenant la sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de deux ans à l'encontre de M. X, l'autorité compétente de La Poste n'a commis aucune illégalité constituant une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste au profit de cet agent ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 58.968,21 euros (386.806,08 F) en réparation du préjudice matériel subi du fait de la décision du 9 janvier 1996 prononçant son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X, doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de La Poste ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à La Poste et à la ministre déléguée à l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 9 mars 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mme FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 23 mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne à la ministre déléguée à l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA01615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA01615
Date de la décision : 23/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : COULET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-23;00ma01615 ?
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