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11/03/2004 | FRANCE | N°99MA01241

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 11 mars 2004, 99MA01241


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 5 juillet 1999 sous le n° 99MA01241, présentée pour la SOCIETE DE CONCEPTION ETDE LOCATION DE SYSTEMES INFORMATIQUES (SCLSI), représentée par sa gérante, et dont le siège est à Montpellier (Hérault), 47 faubourg Saint Jaumes, par Me ALCADE, avocat ;

La société SCLSI demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 93-3482 / 93-3483 du 8 avril 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, des pénalit

s y afférentes, et de l'amende fiscale de l'article 1763 A du code général des im...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 5 juillet 1999 sous le n° 99MA01241, présentée pour la SOCIETE DE CONCEPTION ETDE LOCATION DE SYSTEMES INFORMATIQUES (SCLSI), représentée par sa gérante, et dont le siège est à Montpellier (Hérault), 47 faubourg Saint Jaumes, par Me ALCADE, avocat ;

La société SCLSI demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 93-3482 / 93-3483 du 8 avril 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, des pénalités y afférentes, et de l'amende fiscale de l'article 1763 A du code général des impôts, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989, et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour les années 1987, 1988 et 1989 ;

2'/ de faire droit à sa demande de première instance ;

Classement CNIJ : 19-01-03-03

19-04-02-01-04-09

C+

3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 francs au titre des frais exposés ;

Elle soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'administration a bien écarté comme fictifs des actes ou des contrats, tels que la convention conclue entre la société et la société ODIIC, les procès verbaux d'assemblée générale, et s'est placée implicitement dans le cadre de la répression des abus de droit en dénonçant le montage constitué par ces actes, sans respecter les règles de procédure prévues en pareil cas par l'article L.64 du livre des procédures fiscales ; que l'absence de contrat de location écrit du voilier ne permet pas, s'agissant d'un bien meuble, d'écarter cette activité comme fictive ; que ces recettes, soumises à TVA, ont été enregistrées à ce titre dans la comptabilité de la société ; que la location de bateau entre bien dans l'objet de la société ; que l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention délibérée d'échapper à l'impôt, seule constitutive de la mauvaise foi ; que les pénalités de l'article 1763A du code général des impôts ne peuvent être appliquées dès lors que les bénéficiaires des revenus distribués étaient parfaitement connus de l'administration et n'avaient donc pas à être désignés par la société ; que contrairement à ce qu'à estimé le tribunal, l'application des pénalités de l'article 1763 A est bien une accusation en matière pénale au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et doit faire l'objet d'un contrôle juridictionnel, tant dans son principe que dans son montant, ce qui n'est pas le cas pour la pénalité litigieuse, dont le taux unique est fixé par la loi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2001, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que l'administration, en se bornant à estimer que les documents présentés ne justifiaient pas de la réalité de charges comptabilisées, ne les a pas écartés comme fictifs ni comme exclusivement destinés à éluder l'impôt, n'a pu se placer implicitement dans le cadre de la répression des abus de droit ; que la société n'a jamais justifié de la réalité de son activité de location de bateau, qui n'a donné lieu à aucune facture ; que cette activité ne peut être regardée comme ayant été incorporée à l'objet social qu'à compter de 1990, date de la publication au registre du commerce du procès verbal de l'assemblé générale du 30 juin 1988 ; que les dépenses correspondantes sont ainsi sans rapport avec l'activité de l'entreprise ; que l'existence d'une intention délibérée de frauder l'impôt, qui ressort implicitement des mentions de la notification de redressements, est abondamment établie par les pièces du dossier ; que l'administration n'était pas en mesure de déterminer les bénéficiaires de tous les revenus distribués, et que la société n'a répondu que très partiellement à la demande de désignation qui lui était adressée ; que l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas que le juge de l'impôt puisse fixer le taux de la pénalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2004 :

- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;

- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société SCLSI a été constituée en 1986 entre Me Grasset, notaire associé d'un office notarial de Baillargues (Gard), Mme X, clerc de ce même office, et M. Y, avec pour objet la mise à disposition de matériel informatique ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a réintégré dans ses résultats imposables diverses charges qu'elle estimait non justifiées, liées à des prestations fournies par les sociétés SEDIP et ODIIC, et à l'acquisition et l'entretien d'un catamaran, et remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les factures correspondantes ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse... ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des notification de redressements des 17 décembre 1990 et 15 février 1991 que, pour réintégrer dans le résultat imposable de la société SCLSI les sommes versées aux sociétés SEDIP et ODIIC, et pour refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par ces sociétés, l'administration s'est exclusivement fondée sur ce que ces sommes n'étaient la contrepartie d'aucune prestation justifiée ; qu'elle n'a, pour ce faire, écarté aucun acte conclu par la société ;

Considérant, en second lieu, que, pour réintégrer dans les résultats de la société les dépenses exposées pour l'acquisition et l'entretien d'un voilier, l'administration s'est fondée sur ce que ces dépenses, qui n'étaient pas justifiées par l'objet de l'entreprise et ne satisfaisaient pas aux conditions générales de déduction des frais généraux, avaient le caractère de dépenses somptuaires ; que pour refuser de tenir compte de la délibération de l'assemblée générale de la société en date du 30 juin 1988, ajoutant l'activité de location de biens meubles à son objet social, et invoquée par la société après le début de la vérification de sa comptabilité, le service s'est fondé sur ce que cette délibération n'était pas opposable, compte tenu des conditions de sa transcription ; que les redressements relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort sur l'achat du même voilier en 1988 sont exclusivement fondés sur le caractère non déductible des dépenses d'achat et d'entretien des engins de transport de personnes ; qu' ainsi, pour réintégrer ces dépenses dans les résultats des années 1988 et 1989, et pour réintégrer la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort, l'administration ne peut être regardée comme ayant invoqué implicitement mais nécessairement les dispositions précitées de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-4 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, d'une part, les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche, et, d'autre part, les charges à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences. Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : ... aux dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location, ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur, ainsi que de leur entretien ;

Considérant que la société requérante a déduit de ses résultats les sommes de 113.620 francs en 1988 et 178.434 francs en 1989 correspondant aux dépenses exposées pour l'acquisition et l'entretien d'un bateau de plaisance ; qu'il résulte de l'instruction que le principal utilisateur de ce voilier était l'un de ses associés , qui, en contrepartie, versait à la société une somme forfaitaire en fin d'année ; que si ce bateau a pu être loué à d'autres personnes, c'est occasionnellement ; qu'il n'est pas contesté que la location de ce bateau ne faisait l'objet d'aucune tarification ni d'aucune véritable activité commerciale, sous forme de démarchage ou de publicité ; que les sommes perçues des utilisateurs n'ont jamais couvert les frais d'entretien du bateau ; qu'il en résulte qu'en application des dispositions précitées, les charges correspondantes, qui n'avaient pas de caractère social, n'étaient pas déductibles de son résultat imposable ;

Sur les pénalités :

Considérant que les manquements de la société à ses obligations juridiques et le caractère incertain des documents qu'elle a produits pour justifier ses écritures comptables sont, compte tenu notamment de la profession exercée par ses associés, de nature à établir leur mauvaise foi, pour ce qui concerne les chefs de redressement pour lesquels ont été appliquées les pénalités de mauvaise foi, prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il est constant que la société, dûment interrogée dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts, n'a pas désigné les bénéficiaires de l'excédent de distribution dans le délai de trente jours imparti par ces dispositions ; qu'il n'est, par ailleurs, et en tout état de cause, pas établi que l'administration aurait connu l'identité des bénéficiaires des distributions ; que c'est, par suite, à bon droit qu'elle a appliqué l'amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;

Considérant que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits et la qualification retenue par l'administration pour infliger la pénalité prévue à l'article 1763 A, doit appliquer cette pénalité au taux prévu par la loi sans pouvoir le moduler pour tenir compte, le cas échéant, du comportement du contribuable ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette absence de pouvoir de modération d'une pénalité dont le montant est proportionnel à l'importance des distributions occultes effectuées par la société, n'est pas contraire aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'application de l'art L761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société SCSLI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SCSLI et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à Me Alcade, et au Trésorier-payeur-général de l'Hérault.

Délibéré à l'issue de l'audience du 19 février 2 004, où siégeaient :

M. DARRIEUTORT, président de chambre,

M. GUERRIVE, président assesseur,

M. CHAVANT, premier conseiller,

assistés de Melle MARTINOD, greffière ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 11 mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Pierre DARRIEUTORT Jean-Louis GUERRIVE

La greffière,

Signé

Isabelle MARTINOD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

3

N° 99MA01241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01241
Date de la décision : 11/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. GUERRIVE
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : ALACADE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-11;99ma01241 ?
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