Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 29 août 2000 sous le n°00MA01929, présentée pour Mme Eugénie X, demeurant ... par Me POUETSANCHOU, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 27 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 1995 par laquelle le directeur général de la Poste, après avis du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, a maintenu la sanction de révocation prononcée à son encontre le 25 octobre 1994 ;
2°/ d'annuler la décision du 22 décembre 1995 par laquelle le directeur général de la Poste, après avis du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, a maintenu la sanction de révocation prononcée à son encontre le 25 octobre 1994 ;
3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20.000 F (3.048,98 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Classement CNIJ : 36-09
C
Elle soutient :
- qu'en vertu des dispositions de l'article 16 du décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, seul le ministre intéressé était compétent pour prendre la décision attaquée après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, or elle est signée par M. Y, le directeur des ressources humaines par empêchement du directeur adjoint, lui-même par délégation du directeur général de la Poste ;
- que dans l'hypothèse où ledit ministre aurait donné une délégation de compétence au directeur général de la Poste, ce qui est à vérifier, la décision litigieuse ne fait état d'aucune mention de délégation de signature qui aurait été donnée à M. Y par une double subdélégation ;
- que le conseil central de discipline s'est réuni tardivement eu égard aux obligations imposées par l'article 30 du décret n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- que la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat n'a pas respecté le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article 15 du décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;
- qu'elle nie formellement les faits qui lui sont reprochés en tout cas dans leur gravité ; que la sanction de révocation qui lui a été infligée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que d'ailleurs le procureur saisi par plainte de la Poste ne s'y est pas trompé et a opéré un classement sans suite dès lors qu'elle n'a jamais eu une intention délictuelle ;
- qu'il y a eu également violation de la loi dès lors que les faits dont il lui est fait grief relèvent de sa négligence et de son incompétence mais sans qu'elle ait eu pour objectif un détournement à son profit personnel ; qu'il n'y avait pas manquement au devoir de probité au sens de la loi d'amnistie dont elle aurait dû bénéficier, celle-ci étant d'ordre public ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 19 octobre 2000 présenté par la Poste tendant au rejet de la requête ;
Elle soutient :
- que si la requérante allègue que l'exploitant public la Poste, à travers son représentant, n'aurait pas compétence pour prononcer le maintien de la sanction infligée par le conseil central de discipline, une telle affirmation méconnaît la portée de l'article 13 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 et de l'article 12 du décret n°90-1111 du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste et transférant au président du conseil d'administration de La Poste, le pouvoir de recruter et de nommer aux emplois de ses services ;
- que l'article 15 du décret prévoit qu'en matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, ledit président peut déléguer tout ou partie de ses attributions propres ; que par décision n°52 du 18 janvier 1994, le président du conseil d'administration de La Poste a entendu déléguer les pouvoirs qu'il détient au titre de l'article 12 à M. Z, directeur général ; que l'article 3 de cette décision prévoit que, pour l'exercice des pouvoirs conférés à M. Z en matière de personnel, ce dernier pourra déléguer sa signature aux personnes qu'il désigne ; que par décision n° 524 du 6 avril 1994, M. Z a délégué sa signature à M. Y, à l'effet de prendre les décisions relevant de l'article 12 ;
- que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale ; qu'une affaire ayant donné lieu à un classement sans suite par le parquet, peut faire l'objet d'une procédure disciplinaire ;
- que le délai visé à l'article 15 du décret n°84-961 du 25 octobre 1984, en ce qui concerne le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, n'est pas prescrit à peine de nullité comme d'ailleurs le délai prévu à l'article 9 du même décret pour la saisine du conseil de discipline ;
- que la décision de révocation de la requérante n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux faits qui lui sont reprochés et qu'elle a reconnus ; que notamment Mme X n'a pas respecté le secret des correspondances contrairement au serment qu'elle a fait ; que de plus elle s'est rendue coupable de détournement d'objet de correspondance, de réutilisation frauduleuse de timbres poste et de conservation abusive de pièces comptables ;
- qu'elle ne saurait invoquer le bénéfice de la loi d'amnistie dès lors que les faits qui lui sont reprochés caractérisent un manquement au devoir de probité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n°84-13 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu la loi n°95-884 du 3 août 1995 ;
Vu le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le décret n°90-1111 du 12 décembre 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Les parties ayant été informées, en application de l'article L.611-7 du code de justice administrative, que la décision paraissait susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce que, l'Etat n'étant pas partie les conclusions de Mme X, présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sont mal dirigées et dès lors non recevables ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2004 :
- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant que Mme X, agent d'exploitation de la Poste, employée au guichet des affranchissements au bureau de poste de Toulon Liberté a fait l'objet, après consultation du conseil central de discipline, d'une décision en date du 25 octobre 1994, prise pour le directeur général de La Poste, prononçant sa révocation ; qu'après que la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ait été saisie par l'intéressée, se soit réunie le 26 septembre 1995 et ait recommandé de substituer la sanction de révocation infligée à Mme X par celle de la mise à la retraite d'office, une décision en date du 22 décembre 1995, signée par M. Y, directeur des ressources humaines, pour le directeur général de La Poste et par empêchement du directeur général adjoint, a maintenu la sanction de révocation prise à l'encontre de Mme X ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur et du signataire de la décision du 22 décembre 1995 :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 11 et 44 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, le président du conseil d'administration de La Poste recrute et nomme aux emplois de ses services et les personnels en activité affectés au 31 décembre 1990 dans les emplois relevant de la direction générale de la poste sont placés de plein droit sous l'autorité du président du conseil d'administration de La poste ; qu'en vertu des dispositions de l'article 12 du décret susvisé du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste, le président du conseil d'administration de cet exploitant public a qualité pour recruter, nommer aux emplois de la Poste et gérer le personnel ; qu'en vertu des dispositions de l'article 15 de ce même décret, en matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, le président du conseil d'administration peut déléguer sa signature, ou le cas échéant tout ou partie de ses pouvoirs au directeur général et ce dernier peut déléguer sa signature dans le cadre de cette délégation de pouvoirs ; qu'aux termes de l'article 67 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable aux agents titulaires de La Poste en vertu de l'article 29 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 : Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline ... ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le président du conseil d'administration de La Poste ou, en cas de délégation de pouvoirs que lui a donné celui-ci, le directeur général de La Poste, sont les autorités détenant le pouvoir disciplinaire vis à vis des agents de La Poste ;
Considérant que l'article 16 du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, applicable aux agents titulaires de La Poste, prescrit qu'après la saisine, par l'agent faisant l'objet d'une sanction disciplinaire, de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, l'avis ou la recommandation de celle-ci est transmis au ministre intéressé ; que toutefois, ces dispositions doivent être éclairées, quant à leur mise en application, par les dispositions de la loi du 2 juillet 1990 ; que cette loi a eu notamment pour objet de confier le service public des postes à une personne morale de droit public différente de l'Etat, La Poste, qualifiée d'exploitant public ; qu'il s'en suit qu'à défaut de dispositions, dans cette loi ou dans un autre texte législatif, spécifiques à la tutelle en matière de pouvoir disciplinaire que pourrait exercer, sur cet exploitant public, le ministre chargé des postes et télécommunications et alors que l'exercice du pouvoir de tutelle ne se présume pas, l'autorité, saisie après avis ou recommandation de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat en vertu de l'article 16 susmentionné du décret du 25 octobre 1984, lorsqu'un agent de La Poste est en cause, ne peut être que le président du conseil d'administration de La Poste ou, en cas de délégation de pouvoirs que lui a donné celui-ci, le directeur général de La Poste ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le président du conseil d'administration de La Poste a donné délégation de pouvoir au directeur général par décision n° 52 du 18 janvier 1994 en matière de recrutement, nomination et gestion des personnels et par conséquent en matière disciplinaire ; que ce dernier a donné, par une décision n° 524 du 6 avril 1994, délégation de signature à M. Y, directeur des ressources humaines et signataire de la décision litigieuse ; que dès lors, Mme X n'est pas fondée à soutenir que cette décision, signée par M. Y, par délégation du directeur général de La Poste, est entachée d'incompétence ;
En ce qui concerne la procédure :
Considérant que si Mme X soutient que le conseil départemental de discipline n'a été réuni que le 21 septembre 1994 pour des faits relevés à son encontre en 1993, il ne résulte d'aucun texte que l'action disciplinaire est enfermée dans un délai impératif ;
Considérant le délai de deux mois imparti par l'article 15 du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, à la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat pour rendre, à titre consultatif, son avis ou sa recommandation, ne présente pas un caractère impératif ;
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a mis à profit ses fonctions pour détourner des objets de correspondance, réutiliser frauduleusement des timbres-poste déjà oblitérés et conserver abusivement des pièces comptables liées au service ; que de tels faits constituent une faute de nature à justifier une sanction ;
Considérant que le juge du fond, dans l'appréciation qu'il effectue de l'adéquation de la sanction prononcée à la faute commise, doit prendre en considération, le cas échéant, la nature particulière des fonctions exercées par l'agent ou des missions assurées par le service ; qu'en l'espèce, il y a lieu de tenir compte des missions confiées à La Poste et des obligations particulières qui en découlent et qui incombent à ses agents notamment celles relatives à l'inviolabilité des correspondances ; qu'il s'ensuit, qu'égard à la nature et à la gravité de la faute commise par Mme X, le directeur général de La Poste n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste d'appréciation, en maintenant par la décision attaquée, la sanction de révocation à son encontre ;
En ce qui concerne l'application de la loi d'amnistie :
Considérant que les faits fondant la révocation de Mme X, sont contraires à l'honneur professionnel et à la probité ; que dès lors Mme X ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 14 de la loi susvisée du 3 août 1995 portant amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions présentées par Mme X au titre de l'article sus-mentionné sont dirigées contre le ministre chargé de la poste et des télécommunications et doivent être regardées comme dirigées contre l'Etat ; que de telles conclusions dirigées contre une personne non partie à l'instance ne sont pas recevables ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à la Poste, à la ministre déléguée à l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience du 17 février 2004, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
Mme GAULTIER, premier conseiller,
M. CHAVANT, premier conseiller,
Mme FERNANDEZ, premier conseiller,
assistés de Mme LOMBARD, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 mars 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ
Le greffier,
Signé
Marie-Claire LOMBARD
La République mande et ordonne à la ministre déléguée à l'industrie en ce qui la concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,