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01/03/2004 | FRANCE | N°03MA02315

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 01 mars 2004, 03MA02315


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 1er décembre 2003, sous le N° 03MA02315, présentée pour la société Sud Combustibles, représentée par son président directeur général en exercice domicilié ès qualités au siège, sis, ..., par Me Benoît X..., avocat ;

La société Sud Combustibles demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance en date du 12 novembre 2003, par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, statuant dans l'instance N° 03-3621, a rejeté sa demande qui tendait à la cond

amnation de la Ville de Marseille à lui payer une provision de 907.000 euros ainsi que ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 1er décembre 2003, sous le N° 03MA02315, présentée pour la société Sud Combustibles, représentée par son président directeur général en exercice domicilié ès qualités au siège, sis, ..., par Me Benoît X..., avocat ;

La société Sud Combustibles demande à la Cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance en date du 12 novembre 2003, par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, statuant dans l'instance N° 03-3621, a rejeté sa demande qui tendait à la condamnation de la Ville de Marseille à lui payer une provision de 907.000 euros ainsi que les sommes de 20.000 euros à titre d'intérêts moratoires, et de 3.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Classement CNIJ : 54-03-015-03

C

2°/ de condamner la commune de Marseille à lui payer une somme de 782.000 euros à titre de provision à valoir sur le règlement des factures mandatées dans les marchés N° 00.640 et 01.104 ;

3°/ de condamner ladite commune à lui payer une somme de 20.000 euros à titre de provision sur les intérêts moratoires dus au titre des factures non mandatées ;

4°/ d'enjoindre à la commune précitée de procéder au règlement des sommes dues dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°/ de la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient :

- qu'en sa qualité de titulaire de marchés à bons de commande conclus avec la Ville de Marseille les 12 décembre 2000 et 3 février 2001, elle s'est vue refuser le paiement des factures qu'elle a établies comme suite aux livraisons de fioul domestique effectuées, en exécution desdits marchés, auprès des services municipaux et des bâtiments scolaires de la ville ;

- qu'en rejetant sa demande de provision en considérant que le refus de paiement des sommes dues pouvait être justifié, d'une part, par l'absence de décompte final, d'autre part, par un défaut de réclamation préalable, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ;

- que, contrairement aux marchés de travaux, aucune disposition spéciale n'est prévue pour solder un marché de fournitures de produits pétroliers qui s'exécute au fur et à mesure des livraisons et donne lieu à des décomptes partiels définitifs au sens de l'article 90 du code des marchés publics ;

- qu'en l'espèce, le caractère indiscutable des décomptes partiels qui n'ont pas étés contestés par la Ville de Marseille dans les conditions et délais prévus aux articles 20 et 21 du cahier des clauses administratives générales des marchés de fournitures, courantes et de services (CCAG FCS), fait obstacle à l'existence d'un différend au sens de l'article 34 dudit CCAG et rend, par suite, inopposable une fin de non recevoir tirée du défaut de réclamation préalable ;

- qu'en toute hypothèse, les courriers adressés à la commune de Marseille en réponse à la contestation, par ses soins, du montant de certaines factures, doivent être regardés comme constituant des réclamations préalables au sens de l'article 34 précité du CCAG, dès lors qu'ils ont été adressés dans le délai de trente jours imparti par ledit article, à une autorité compétente ;

- qu'en outre, les contestations soulevées par la commune de Marseille ne portent pas sur l'intégralité des prestations exécutées ;

- que, résiduellement, l'existence d'un litige portant sur une faible part des quantités livrées ne saurait faire obstacle au règlement des sommes correspondant aux quantités dont la livraison a été admise par la commune ;

- que le moyen tiré du défaut de communication des pièces justificatives manque en fait ;

- que la reconnaissance du caractère non sérieusement contestable de la créance principale permet au juge des référés d'accorder une provision au titre des intérêts moratoires dont le montant n'est, en l'espèce, pas contestable et dont le règlement a été demandé, en temps utile, à la commune défenderesse ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 février 2004, le mémoire en défense présenté pour la Ville de Marseille par Me Gilbert Y..., avocat ; la commune conclut au rejet de la requête, au sursis à statuer en l'état de l'instance pénale en cours et à la condamnation de la société requérante à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la requête est irrecevable pour défaut de réclamation préalable en application de l'article 34 du CCAG FCS ;

- que les différends nés au titre du paiement de fournitures réputées admises n'échappent pas au champ d'application de l'article 34 précité ;

- qu'au surplus, les fournitures précitées ne sauraient être réputées admises dès lors que la procédure de vérification quantitative n'entraîne aucune obligation pour la personne responsable du marché ;

- que l'obligation invoquée est sérieusement contestable dès lors qu'une information judiciaire est actuellement en cours du chef d'escroquerie portant sur la facturation à la ville de quantités non livrées ; que les faits relevant de cette information portent sur l'objet même de la présente instance ;

- que les factures établies à partir des tickets imprimés par le volucompteur ne sont pas probantes ;

- que des écarts significatifs existent entre les quantités prétendument livrées et celles réellement fournies ;

- qu'en l'espèce, le juge des référés n'étant pas tenu d'accorder la provision demandée, une condamnation au paiement de ladite provision ne serait pas opportune ;

- qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 3 mars 2003, par laquelle le Conseiller d'Etat, Président de la Cour administrative d'appel de Marseille a, sur le fondement de l'article L.555-1 du code de justice administrative, désigné M. BERNAULT, Président de la 4ème chambre, pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés des tribunaux administratifs du ressort, pour les matières relevant de la compétence de la 4ème chambre ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le paiement de la provision à la constitution d'une garantie ; que, selon l'article L.555-1 dudit code : Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le Président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet sont compétents pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés ;

Sur les conclusions de la Ville de Marseille tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la demande de la société Sud Combustibles jusqu'au dénouement d'une instance pénale engagée contre cette société :

Considérant que la circonstance que les marchés litigieux feraient l'objet d'une information judiciaire, dont il ne ressort pas, d'ailleurs, qu'elle aurait donné lieu à une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif des référés-provision, saisi dans les limites de sa compétence et statuant par des mesures provisoires, puisse apprécier le caractère non sérieusement contestable d'une obligation invoquée au titre de l'exécution des marchés précités ; qu'il n'est, en outre soutenu ni même allégué que les factures litigieuses seraient celles mêmes visées par l'information pénale en cours ; qu'il suit de là que les conclusions de la Ville de Marseille tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la présente requête doivent être écartées ;

Sur la recevabilité des conclusions à fin de provision présentées par la société Sud Combustibles :

Considérant que la société Sud Combustibles soutient que la Ville de Marseille s'est abstenue de régler un certain nombre de factures liquidées en contrepartie de livraisons de fioul effectuées par la société requérante auprès des services municipaux en exécution des marchés de fournitures N° 00640 et 01104 ; que ce défaut de règlement, dont il est constant qu'il a généré un litige relatif à l'exécution des marchés précités alors même qu'il n'aurait été assorti d'aucune contestation par la commune contractante, constitue, par suite, un différend au sens de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales des marchés de fournitures courantes et de services applicable en l'espèce ; qu'il suit de là que les dispositions dudit article, qui imposent la saisine de la personne responsable du marché en préalable à tout recours contentieux, sont opposables à la société requérante ;

Considérant qu'il ressort des propres affirmations de la société Sud Combustibles, que le différend relatif au non paiement de celles des factures qui n'auraient pas été contestées par la Ville de Marseille, n'a fait l'objet d'aucune réclamation préalable à la saisine du juge des référés ; qu'ainsi, à supposer même que les factures litigieuses seraient désormais insusceptibles de contestation, les conclusions présentées par la société requérante tendant à la condamnation de la Ville de Marseille à lui payer une provision à valoir sur leur montant sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Considérant toutefois que cette fin de non recevoir ne saurait être étendue aux conclusions relatives au non paiement de celles des factures qui ont été contestées par la Ville de Marseille, dont il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été précédées d'une lettre de réclamation en réponse aux dites contestations ; qu'il y a lieu, par suite, d'examiner le bien fondé de la demande de provision en tant qu'elle est présentée de ce chef pour un montant exposé de 174.962, 47 euros, sans que puisse y faire obstacle, en l'espèce, la circonstance qu'aucun décompte final ne serait intervenu ;

Sur le bien fondé de la demande de provision :

Considérant que, pour contester le bien fondé de la demande de provision présentée par la société Sud Combustibles, la Ville de Marseille soutient que les factures litigieuses seraient infondées en raison d'un désaccord persistant sur le volume réel des quantités livrées ; qu'un tel litige, s'il révèle une difficulté dans l'exécution des marchés précités dont il n'appartient qu'au juge du fond de connaître, n'est en revanche pas de nature, dès lors qu'il ne porte que sur des quantités limitées, à contredire, d'une part, le caractère non sérieusement contestable de la créance alléguée par la société requérante au titre des livraisons dont il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été réellement effectuées, d'autre part, le bien fondé partiel de sa demande de provision ; qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, contrairement a ce qu'a estimé le juge des référés de premier ressort, de condamner la Ville de Marseille a payer à la société Sud Combustibles une provision de 150.000 euros ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit, en l'état de l'instruction, aux conclusions à fin de provision à valoir sur le montant des intérêts moratoires ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société requérante tendant à la condamnation de la Ville de Marseille à lui payer la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, non plus, de faire droit aux conclusions incidentes présentées par la commune défenderesse sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance en date du 12 novembre 2003 du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, rendue dans l'instance N° 03-3621 est annulée.

Article 2 : La Ville de Marseille est condamnée à payer à la société Sud Combustibles une provision de 150.000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société requérante est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la Ville de Marseille tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Sud Combustibles et à la Ville de Marseille.

Copie en sera adressée au Trésorier Payeur Général des Bouches du Rhône en application de l'article R.751-12 du code de justice administrative.

Fait à Marseille, le 1er mars 2004

Le Président de la 4ème chambre,

Signé

François BERNAULT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 03MA02315 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 03MA02315
Date de la décision : 01/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BERNAULT
Avocat(s) : CAVIGLIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-01;03ma02315 ?
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