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01/03/2004 | FRANCE | N°00MA02328

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 01 mars 2004, 00MA02328


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 septembre 2000 sous le n° 00MA002328, présentée par Maître Baudoux pour Mme Mebrouka X, demeurant ..., M. Mohamed X, demeurant ..., Mme Aïcha X, épouse Y, demeurant ..., Mme Djémâä X, épouse Z, demeurant ..., Mme Isabelle X épouse A, demeurant ..., M. Alain X, demeurant ..., Mlle Jacqueline X, demeurant ...et Mlle Nadia X, demeurant ..., agissant tant en leur nom qu'en leur qualité d'héritiers de M.Abdallah X, décédé le 6 juin 1996, par Maître Baudoux, avocat ;

Classement CNIJ :

60-01-02-02-02

60-01-02-02-03

C+

Les requérants demandent à la Cour :...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 septembre 2000 sous le n° 00MA002328, présentée par Maître Baudoux pour Mme Mebrouka X, demeurant ..., M. Mohamed X, demeurant ..., Mme Aïcha X, épouse Y, demeurant ..., Mme Djémâä X, épouse Z, demeurant ..., Mme Isabelle X épouse A, demeurant ..., M. Alain X, demeurant ..., Mlle Jacqueline X, demeurant ...et Mlle Nadia X, demeurant ..., agissant tant en leur nom qu'en leur qualité d'héritiers de M.Abdallah X, décédé le 6 juin 1996, par Maître Baudoux, avocat ;

Classement CNIJ : 60-01-02-02-02

60-01-02-02-03

C+

Les requérants demandent à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 96 3615 du 2 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser diverses indemnités à la suite du décès de leur fils et frère, M. Kamel X, survenu le 17 décembre 1991 au centre de détention de Draguignan ;

2'/ à ce que l'Etat soit déclaré responsable du décès de M. Kamel X et condamné à leur payer des indemnités pour un montant total de 617.510 F (94.138,79 euros) ;

3°/ à la condamnation de l'Etat à leur payer une somme de 5.000 F (762,25 euros) chacun au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Ils soutiennent :

- que, affecté au service entretien de la maison d'arrêt de Draguignan, M. Kamel X avait pour mission de nettoyer les sanitaires ;

- qu'il est décédé au cours de la nuit du 16 au 17 décembre 1991 à la suite d'une intoxication provoquée par le dégagement de chlore résultant du mélange d'eau de Javel concentrée avec un détartrant WC qui lui avaient été remis par les surveillants de l'établissement ;

- qu'il s'est plaint, dès l'après-midi, de douleurs dans la poitrine et a demandé par écrit une consultation à l'infirmerie ;

- que, vers 23H40, il a alerté ses gardiens par des cris et des coups frappés sur la porte de sa cellule ;

- que ce n'est qu'à 00H45 que l'un des surveillants, au cours de sa ronde, a constaté qu'il était allongé sur le dos, la bouche ouverte ;

- que le médecin du SMUR, arrivé vers 01H15 après un appel infructueux au médecin de garde, n'a pu que constater le décès vers 01H35 ;

- que la responsabilité de l'administration est engagée sans faute du fait que M. Kamel X doit être réputé avoir eu, en raison des ses activités au sein de la maison d'arrêt de Draguignan, la qualité de collaborateur occasionnel du service public ;

- que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen qui avait pourtant été soulevé devant lui ;

- que la responsabilité de l'Etat est également engagée pour fautes, celles-ci résultant, d'une part, de l'absence d'information donnée à la victime sur l'extrême dangerosité des produits qui lui avaient été remis pour effectuer le travail demandé et, d'autre part, de l'absence de soins avant 01H15 du matin malgré la demande qu'il avait faite ;

- que le préjudice moral des parents de la victime devra être évalué à 100.000 F chacun, leur préjudice matériel devant être fixé à 100.000 F ;

- que le préjudice moral des frères et soeurs de la victime doit être évalué à 30.000 F chacun ;

- qu'en outre, les parents de M. Kamel X ont exposé une somme de 7.510 F pour les frais d'inhumation que l'Etat devra être condamné à leur rembourser ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 4 décembre 2000, présenté par le ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la responsabilité de l'administration, à raison de l'activité du service public pénitentiaire, ne peut être engagée que pour faute lourde ;

- qu'en l'espèce, aucune faute n'a été commise ;

- qu'en effet, les secours ont été alertés dès l'apparition de symptômes alarmants ;

- qu'avant leur évolution soudaine et rapide, les signes présentés par M. X pouvaient être considérés comme bénins et mis sur le compte d'une simple irritation pulmonaire ;

- qu'affecté depuis le 29 octobre 1991 comme auxiliaire de parloir, M. X avait l'habitude d'utiliser les produits détartrants et l'eau de Javel qui, utilisés normalement, ne présentent aucun risque d'intoxication par inhalation ;

- que les détenus blessés à l'occasion des tâches effectuées à titre bénévole sont considérés non comme des collaborateurs occasionnels du service public, mais comme des usagers obligatoires et se voient dès lors appliquer un régime de responsabilité pour faute à l'exclusion de tout autre ;

- qu'en tout état de cause, le décès de M. X trouve son origine exclusive dans l'imprudence qu'il a commise en mélangeant deux produits destinés à des usages différents, qu'il connaissait bien pour les utiliser régulièrement ;

- que les parents de la victime ne sauraient prétendre à l'indemnisation d'un préjudice économique dans la mesure où il ne démontrent pas que leur fils leur ait, de son vivant, apporté un quelconque soutien financier ;

- qu'en tout état de cause, le préjudice économique du père de la victime ne saurait s'apprécier au delà de la date de son décès ;

- que les demandes relatives au préjudice moral sont excessives ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2004 :

- le rapport de M. Alfonsi, premier conseiller ;

- les observations de Maître Tosin substituant Maître Baudoux pour Mme mebrouka X-NOURI, M. Mohamed X, Mme Aïcha X (épouse Y), M. Djemâä X (épouse Z), Mme Isabelle X (épouse A), M. Alain X, Mlle Jacqueline X, Mlle Nadia X ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requérants relèvent appel du jugement du 2 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser diverses indemnités à la suite du décès de leur fils et frère, M. Kamel X, survenu le 17 décembre 1991 au centre de détention de Draguignan où il était détenu ;

Considérant que la responsabilité de l'administration pénitentiaire n'est engagée qu'en cas de faute à l'égard des détenus victimes d'un accident à l'occasion de l'exécution de travaux qu'elle leur a confiés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décès de M. Kamel X, survenu dans la nuit du 16 au 17 décembre 1991, est dû à un oedème pulmonaire consécutif à l'inhalation de chlore dont le dégagement a été provoqué par le mélange d'eau de Javel concentrée et d'un produit détartrant destiné au nettoyage des sanitaires auquel il avait procédé de sa propre initiative lors des travaux de nettoyage des sanitaires qui lui avaient été confiés, le matin même, par l'administration pénitentiaire ; qu'il est constant que l'emballage des produits qui lui ont été remis à cette occasion, qu'il connaissait pour les utiliser régulièrement depuis le 29 octobre 1991, reproduisait l'étiquetage réglementaire précisant l'interdiction de les mélanger entre eux ; que, dans ces conditions, aucune faute en relation avec cet accident ne peut être relevée à la charge de l'administration pénitentiaire ;

Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la surveillance de M. X, après qu'il eut alerté ses gardiens vers 23H40 pour se plaindre de douleurs dans la poitrine et solliciter une consultation à l'infirmerie le lendemain, ait été organisée selon des modalités qui révèleraient une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire à son égard ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à rembourser aux requérants les frais, non compris dans les dépens, qu'il ont exposés à l'occasion de la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Mebrouka X, M. Mohamed X, Mme Aïcha X (épouse Y), Mme Djémâä X (épouse Z), Mme Isabelle X (épouse A), M. Alain X, Mlle Jacqueline X, Mlle Nadia X et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de l'audience du 26 janvier 2004, où siégeaient :

Mme Bonmati président de chambre,

M. Moussaron, président assesseur,

M. Alfonsi, premier conseiller,

assistés de Mme Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 1er mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Dominique Bonmati Jean-François Alfonsi

Le greffier,

Signé

Patricia Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA02328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA02328
Date de la décision : 01/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. ALFONSI
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BAUDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-01;00ma02328 ?
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