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06/01/2004 | FRANCE | N°01MA01127

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 5, 06 janvier 2004, 01MA01127


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 mai 2001 sous le n°01MA01127, présentée pour la Société LEROY-MERLIN , par Me TUFFAL-NERSON, avocat ;

La Société LEROY-MERLIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de l'Association Société des commerçants, industriels et artisans de Marseille (SOCIAM), a annulé les arrêtés du préfet des Bouches du Rhône autorisant les commerçants de la zone d'activité de Plan de Campagne à dé

roger à la règle du repos dominical des salariés et à ouvrir le dimanche ;

2°) de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 mai 2001 sous le n°01MA01127, présentée pour la Société LEROY-MERLIN , par Me TUFFAL-NERSON, avocat ;

La Société LEROY-MERLIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de l'Association Société des commerçants, industriels et artisans de Marseille (SOCIAM), a annulé les arrêtés du préfet des Bouches du Rhône autorisant les commerçants de la zone d'activité de Plan de Campagne à déroger à la règle du repos dominical des salariés et à ouvrir le dimanche ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de la SOCIAM tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Bouches du Rhône autorisant les commerçants de la zone d'activité Plan de Campagne à déroger à la règle du repos dominical des salariés et à ouvrir le dimanche ;

3°) de condamner la SOCIAM à lui verser la somme de 15 000 F (2286,74 euros) au titre des frais irrépétibles ;

Classement CNIJ : 66-03-02-02

C

Elle soutient :

1 - A titre principal, sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :

- que la SOCIAM n'a pas qualité pour agir dès lors que dans sa demande elle ne précise ni sa forme juridique ni l'organe habilité à prendre la décision d'une action en justice, ni le titre ou le nom de son représentant légal ; qu'elle ne justifie ni être régulièrement déclarée, ni de la désignation régulière de son président en exercice tant à l'origine du recours que durant la procédure ; que si elle produit une délibération du conseil d'administration habilitant M. X, président de l'association, il n'est pas justifié que celui-ci a été régulièrement élu ;

- que l'objet de la SOCIAM n'est pas suffisamment précis pour lui donner intérêt à agir en l'espèce ; que cet objet porte sur la défense des droits professionnels des membres, or la libre concurrence ne constitue pas un droit professionnel mais un intérêt professionnel ; que l'action en cause vise à défendre un intérêt commercial et non un droit professionnel ; que, de plus, la SOCIAM n'établit pas de distorsion effective de concurrence ; qu'elle devra justifier de l'existence d'adhérents intervenant dans les secteurs des entreprises concernées par les arrêtés et notamment dans le secteur de l'exposante ;

- que la SOCIAM n'a pas produit les arrêtés attaqués en méconnaissance de l'article R.94 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2 - Sur le fond à titre très subsidiaire :

-que si la SOCIAM soutient que le renouvellement d'année en année des dérogations est exclusif, par nature, d'une dérogation temporaire et limitée mettant en oeuvre une situation pérenne, il s'agit en réalité de dérogations accordées individuellement, chaque année, après dépôt par l'entreprise d'une demande motivée et étayée par des pièces et dûment analysée par le préfet ; qu'en tout état de cause il serait vain d'accorder une dérogation pour quelques mois seulement puis de la refuser l'année suivante sous prétexte que cette dernière doit être temporaire ;

-qu'il convenait, comme l'a fait le préfet, d'apprécier globalement l'intérêt d'un ouverture dominicale des établissements commerciaux en prenant en considération l'habitude du public de fréquenter le dimanche, depuis sa création, la zone commerciale de Plan de Campagne qui propose diverses activités de loisirs familiaux, et le besoin de ce même public de compléter cette fréquentation par la possibilité de réaliser des achats en famille dans les secteurs couverts par les commerces concernés ;

- que les deux conditions de l'article L.221-6 du code du travail sont réunies par l'exposante en l'espèce ;

-qu'en ce qui concerne le préjudice au public, cette notion doit s'entendre comme le précise la circulaire de 1994 comme l'impossibilité de bénéficier le dimanche de services qui, soit répondent à une nécessité immédiate insusceptible d'être différée, soit correspondent à des activités familiales et de loisirs qui pour leur majorité de la population ne peuvent, sans un inconvénient sérieux se dérouler un autre jour de la semaine ; qu'il y a donc lieu de s'attacher à la nature de l'activité ou des produits vendus ; que s'agissant de la zone de Plan de Campagne où est situé le magasin LEROY-MERLIN, celle-ci correspond en tous points aux conditions requises en raison des structures fédératrices qu'elle comporte, alliant commerces et attractions ; que celles-ci supposent des activités ou des achats familiaux ou en couple notamment en l'espèce pour les achats de bricolage ; qu'en cette matière, 42% des clients viennent faire leurs achats plus de 11 fois dans l'année le dimanche, pour 50% d'entre eux, le dimanche est le seul jour réellement disponible pour effectuer de tels achats et pour 66% l'ouverture le dimanche est une nécessité lorsqu'ils ont besoin de produits de dépannage ; que pour 39% des clients le bricolage est un loisir comme d'ailleurs le jardinage ; que s'agissant du magasin de l'exposante à Plan de Campagne, le chiffre d'affaires le dimanche est passé de 19,51% en 1997 à 21% en 2000 et le nombre de passage en caisse représente 31% du nombre total annuel, soit un nombre de visiteurs d'environ 300000 compte tenu des achats en couple et des simples visiteurs ;

- qu'en ce qui concerne, à titre subsidiaire, l'atteinte au fonctionnement normal de l'établissement, le chiffre d'affaires le dimanche est de 21% contre 13% en moyenne les autres jours (excepté le samedi) ; que l'ouverture le samedi et le dimanche représente plus de 60% de son chiffre d'affaires annuel ; que la fermeture le dimanche compromettrait le résultat de l'entreprise environ de 40% sur ces deux jours et la part variable de la rémunération des salariés liée à ce résultat ; que chaque commerçant ouvert le dimanche à Plan de Campagne est dépendant de l'animation créée par le centre de loisirs et par l'ouverture le même jour des 150 autres commerçants ; que la modification des habitudes depuis trente ans de la clientèle n'est pas envisageable ; qu'en ce qui concerne la situation de l'emploi dans l'entreprise de l'exposante, sur 140 salariés, 115 travaillent volontairement le dimanche et pour 40% d'entre eux essentiellement le dimanche et le week-end ; que ce travail le dimanche, approuvé par les organes de représentation des salariés, entraîne des compensations financières et l'octroi de repos compensateur puisque le magasin est fermé le lundi toute la journée et le mardi matin ; que compte tenu du fait que la clientèle n'est pas une clientèle de proximité mais une clientèle de passage, il ne pourrait pas y avoir un report suffisant sur les autres jours de la semaine en cas de fermeture le dimanche ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 3 septembre 2001 présenté pour la SOCIETE DES COMMERÇANTS, INDUSTRIELS ET ARTISANS DE MARSEILLE ET LA REGION (SOCIAM), par Me LE MERCIER, avocat ;

La SOCIAM demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la société LEROY-MERLIN à lui verser la somme de 10 000 F (1524,49 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

1 -Sur la recevabilité de l'action qu'elle a intentée :

- qu'elle a pour objet la défense des droits professionnels de ses membres présentant un intérêt général commun à l'ensemble des professions ou à une famille professionnelle déterminée ; que dès lors que la réglementation relative au repos hebdomadaire des salariés constitue non seulement une règle les protégeant mais également une condition du maintien d'une situation d'égalité de la concurrence, le défaut de qualité à agir ne peut pas lui être opposé ;

- qu'elle est une association régulièrement constituée et déclarée ; que son conseil d'administration a régulièrement, le 18 juin 1997, autorisé son président à engager la procédure dont s'agit devant le tribunal administratif ;

- que les arrêtés attaqués ayant fait l'objet de la procédure pour annulation ont tous le même texte sans aucune spécificité eu égard à chacune des sociétés bénéficiaires de la dérogation ; qu'elle a d'ailleurs produit la liste exacte de ces arrêtés portant les dates et les numéros correspondants ; qu'en tout état de cause, ils figurent tous au dossier comme le précise le jugement attaqué ;

2 - Sur la légalité des arrêtés :

- qu'ils n'auraient pas dû se borner à rappeler les termes de l'article L.221-6 du code du travail mais auraient dû être motivés eu égard aux conditions de fait et de droit qui justifient l'octroi de la dérogation ;

- que la motivation générale établit, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, que le préfet n'a pas pris en compte précisément le type d'activité exercé et la nature des produits mis en vente par chaque établissement concerné implanté sur la zone commerciale de Plan de Campagne mais s'est fondé sur une approche globale et générale de l'ensemble des commerces implantés dans cette zone ;

- que le motif des arrêtés tiré de ce que le préjudice pour le public de la fermeture dominicale du magasin serait constitué par l'impossibilité d'effectuer des achats en famille dans un ensemble commercial assez étendu pour offrir un large choix de produits, ne correspond nullement à la notion de préjudice au public établie par la jurisprudence en la matière ; que la réalité du préjudice au public ne peut reposer sur de simples motifs de commodité ou de gêne ; qu'il doit exister dans les faits des inconvénients ou des dommages réels ; que s'agissant d'une exception au principe du repos dominical, la dérogation doit revêtir un caractère exceptionnel et induire une interprétation stricte ; que d'ailleurs l'application des 35 heures entraîne pour le public, dans sa grande majorité, des journées de repos supplémentaires en semaine ;

- que de plus, alors qu'actuellement les salariés aspirent aux 35 heures, il ne peut être soutenu qu'il existe aujourd'hui dans le secteur commercial un accord entre les partenaires sociaux en faveur du travail dominical ;

- qu'en ce qui concerne le fonctionnement normal de l'entreprise, il est à remarquer que les documents relatifs à l'argumentation de l'appelante tirée de ce qu'elle réalise le dimanche un chiffre d'affaires d'environ 25% à 30% de son chiffre d'affaires total ne sont pas majoritairement confirmés par un expert comptable ; que si les menaces de licenciement ou de réduction de salaires et même de dépôt de bilan sont formulées à nouveau, ces motifs ne peuvent être utilement invoqués eu égard aux conditions fixées par le code du travail ainsi que l'a rappelé le tribunal et en plus en l'espèce sont fondés sur des présentations en terme de chiffres d'affaires et de point mort de l'entreprise très simplistes, sans que soient recherchées les incidences de report des achats effectués le dimanche sur le autres jours de la semaine, et ce alors que la zone commerciale en cause n'est qu'à 15 km du centre des agglomérations de Marseille et d'Aix en Provence et qu'elle est desservie par l'autoroute reliant ces deux communes ;

- que les dérogations accordées et leur renouvellement démentent le caractère temporaire et limité de celles-ci ; qu'il y a de fait une voie générale de dérogations en méconnaissance des dispositions du code du travail ;

- qu'il n'appartient pas au juge de se substituer au législateur en adaptant sa jurisprudence aux coutumes qui seraient apparues dans le domaine commercial en ce qui concerne l'ouverture dominicale ; que l'usage et l'habitude ne peuvent primer sur les dispositions légales du code du travail applicables en l'espèce ;

Vu le mémoire enregistré le 7 mars 2002, présenté pour la société LEROY-MERLIN tendant aux mêmes fins que la requête et en outre, à titre subsidiaire à ce que la Cour surseoit à statuer jusqu'à l'expiration du protocole signé avec le préfet le 23 janvier 2002 et à la condamnation de la SOCIAM à lui verser la somme de 2300 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Elle invoque les mêmes moyens et soutient en outre qu'un protocole d'accord est intervenu entre les partenaires sociaux, le préfet et la SOCIAM, signé le 23 janvier 2002 pour une durée de cinq ans ; qu'il prévoit des avantages sociaux significatifs pour les salariés travaillant le dimanche sur la zone concernée, avec un suivi par une commission paritaire et une commission technique ; que les parties, notamment la SOCIAM, y ont reconnu l'importance économique de la zone de Plan de Campagne eu égard notamment à son chiffre d'affaires de 28% réalisé le dimanche, et s'y sont engagées à émettre un avis favorable à l'obtention des dérogations pendant quatre années, et ont renoncé à exercer tout recours durant la validité de l'accord ;

Vu les mémoires enregistrés les 6 et 8 mars 2002, présentés pour la SOCIAM tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Elle invoque les mêmes moyens et en outre :

- que l'argumentation par l'association des exploitants du centre commercial d'AVANT CAP tirée de ce que la zone commerciale serait un lieu de passage et un haut lieu touristique n'est pas sérieuse ;

- que le document produit au titre d'une enquête qui aurait été menée dans la zone auprès de 3000 clients et des commerçants relève du manifeste et non d'une étude reprenant de façon neutre les faits ; qu'en tout état de cause il s'agit d'une période postérieure aux arrêtés litigieux ;

- que si la société LEROY MERLIN produit aux débats un protocole d'accord signé le 23 janvier 2003, elle en dénature les termes et l'objectif ; qu'il n'est pas intervenu entre les partenaires sociaux, la SOCIAM et le préfet, celui-ci n'étant pas signataire ; que la SOCIAM n'y a pas reconnu, contrairement aux allégations de la société en cause, l'importance économique de la zone de Plan de Campagne, le montant du chiffre d'affaires indiqué comme réalisé par les commerçants de celle-ci qui ne sont d'ailleurs pas signataires et le fait que la fermeture le dimanche entraînerait un fonctionnement anormal de l'entreprise ; que la SOCIAM y précise qu'elle ne donnera des avis favorables en cas de demandes de dérogation par le commerçants concernés que si celles-ci sont conformes aux dispositions de l'article L221-6 et suivants du code du travail ;

Vu le mémoire enregistré le 10 décembre 2003 présenté pour la société LEROY MERLIN tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative aux contrats d'association ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2003 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- les observations de Me FOURRIER-MOALLIC de la SCP TUFFAL-NERSON pour la SOCIETE LEROY MERLIN et de Me LE MERCIER pour la SOCIAM ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

- Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne l'intérêt à agir de la SOCIAM devant le tribunal administratif :

Considérant d'une part, que l'objet social de l'association Société des commerçants, industriels et artisans de Marseille et de la région (SOCIAM), tel qu'il ressort de l'article 3 de ses statuts, tend à assurer la défense par tous les moyens appropriés, des droits professionnels présentant un caractère d'intérêt général à l'ensemble des professions ou à une famille professionnelle déterminée ... et que le nom de cette association précise la portée géographique de son action ; que la demande de la SOCIAM devant le Tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation d'arrêtés du préfet des Bouches du Rhône autorisant des établissements de la zone commerciale de Plan de campagne, située à environ 15 kilomètres de l'agglomération de Marseille à déroger à la règle du repos dominical des salariés, a notamment pour but d'obtenir le respect, par le préfet, de cette règle législative et des conditions auxquelles elle subordonne l'octroi des dérogations qu'elle prévoit ; qu'une telle action tendant à la défense d'un droit ouvert à tout établissement qui remplit les conditions fixées par la loi est conforme à l'objet social de la SOCIAM et se trouve justifiée par un intérêt suffisant ; que d'autre part, le moyen tiré de ce que la SOCIAM ne comporterait pas parmi ses membres, des commerces ou des organisations de commerçants dans le domaine d'activité de la requérante manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SOCIAM ;

En ce qui concerne la qualité pour agir de la SOCIAM devant le tribunal administratif :

Considérant d'une part, qu'en vertu de l'article 16 des statuts de la SOCIAM son conseil d'administration a seul le pouvoir d'engager l'association par une décision ; qu'en vertu de l'article 26 desdits statuts le président représente l'association en toute circonstances ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision en date du 18 juin 1997, le conseil d'administration de la SOCIAM a décidé, dans l'hypothèse où le préfet ne ferait pas droit à son action pré-contentieuse relative à l'ouverture dominicale des établissements de la zone commerciale de Plan de Campagne, de saisir le tribunal administratif et a donné mandat à son président en exercice pour exercer cette action, lequel a défaut de tout autre disposition des statuts avait, en tout état de cause, qualité pour ce faire ; que la requérante, qui a la qualité de tiers par rapport à l'association, ne peut contester utilement sa désignation ;

Considérant d'autre part, qu'il résulte des dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association que les associations peuvent se former librement sans autorisation préalable ou déclaration préalable et que si les associations non déclarées n'ont pas la capacité d'ester en justice pour y défendre des droits patrimoniaux, l'absence de déclaration ne fait pas obstacle à ce que, par la voie du recours pour excès de pouvoir et dès lors qu'elles sont légalement constituées, elles aient qualité pour contester la légalité des actes administratifs faisant grief aux intérêts qu'elles entendent défendre ; que dès lors la recevabilité de la demande de la SOCIAM devant le tribunal administratif de Marseille n'était pas subordonnée à la justification de la déclaration de ses statuts en préfecture ; qu'en tout état de cause, la requérante, qui a la qualité de tiers par rapport à l'association, ne peut utilement invoquer le défaut d'authenticité des statuts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SOCIAM ;

En ce qui concerne le défaut de production des arrêtés préfectoraux :

Considérant que pour rejeter les fins de non recevoir susmentionnées, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur les motifs suivants : ... qu'il ressort des pièces du dossier que la requête de la SOCIAM était accompagnée d'une copie de l'arrêté-type par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône autorise l'établissement demandeur à déroger à la règle du repos dominical des salariés ainsi qu'une liste sur laquelle figure les noms des établissements concernés et la date des arrêtés portant délivrance desdites autorisations ; qu'à la demande du greffe du Tribunal, le préfet des Bouches-du-Rhône a versé au dossier la totalité des arrêtés litigieux, que la requête de la SOCIAM a été ainsi régularisée et le Tribunal de céans mis en mesure de statuer ;

Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué et alors que la société requérante se borne à reprendre son argumentation de première instance et ne critique pas utilement ces motifs, de rejeter les conclusions de celle-ci tendant à l'annulation dudit jugement dès lors qu'il n'aurait pas rejeté la demande de la SOCIAM pour défaut de production des arrêtés attaqués ;

- Sur la légalité des arrêtés préfectoraux :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle concerne la partie du jugement relative à l'annulation des arrêtés autres que celui dont la société requérante a bénéficié :

Considérant qu'aux termes de l'article L.221-5 du code du travail : Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ; que l'article L.221-6 du même code énonce : Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après : a) un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ; b) du dimanche midi au lundi matin ; c) le dimanche après-midi avec repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; d) par roulement à tout ou partie du personnel. Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune... ; qu'il résulte de ces dispositions que toute dérogation à la règle du repos dominical ne peut revêtir qu'un caractère d'exception pour faire face à des situations particulières tenant à des circonstances déterminées de temps, de lieu et au regard du type d'activité exercée et de la nature des produits vendus ;

Considérant que les arrêtés attaqués se fondent d'une part, sur des motifs tirés de ce que les établissements de la zone commerciale de Plan de Campagne bénéficient, depuis sa création, d'une ouverture le dimanche, que la fermeture le dimanche empêcherait le public important qui s'y rend ce jour là d'y mener des activités dominicales, notamment d'achats en famille, avec un large choix et une gamme de prix étendue et serait de ce fait préjudiciable au public, et, d'autre part, sur des motifs tirés de ce que, en cas de fermeture le dimanche, il y aurait impossibilité d'un report suffisant de la clientèle du dimanche sur les autres jours de la semaine compte tenu de l'implantation excentrée et éloignée de toute agglomération importante, et, en conséquence, que cela compromettrait le fonctionnement normal des établissements ainsi que l'emploi ;

Considérant que, eu égard aux dispositions précitées de l'article L. 221-6 du code du travail, il appartient à l'autorité préfectorale, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier, pour chaque établissement commercial demandeur, si la dérogation sollicitée à la règle du repos dominical des salariés respecte les conditions de fond posées par cette disposition législative ; qu'ainsi, les arrêtés préfectoraux litigieux, dont il résulte des termes mêmes qu'ils ont été pris, non pas en considération du type d'activité exercée par la société demanderesse de la dérogation à la règle du repos dominical des salariés, de la nature des produits vendus par elle, ou encore de l'impact de l'absence de dérogation sur le fonctionnement de l'établissement ou sur les intérêts de sa clientèle, mais sur le fondement de considérations relatives aux intérêts de l'ensemble des établissements de la zone et de l'ensemble de leur clientèle, sont entachés d'une erreur de droit ; que, par suite, le moyen de la société requérante tiré de ce qu'il convenait d'apprécier globalement, pour l'ensemble des commerces de la zone commerciale, la réalisation de l'une ou l'autre des conditions posées par le premier alinéa de l'article L. 221-6 du code du travail, ne peut être accueilli ;

Considérant, en tout état de cause, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à l'activité de l'établissement exploité par la société requérante, consistant en la vente de matériels de bricolage et de jardinage, que le repos simultané le dimanche de tout son personnel puisse être regardé comme préjudiciable au public au sens des dispositions précitées de l'article L .221-6 du code du travail ; qu'en effet, si la requérante fait état de l'habitude du public de fréquenter en famille, le dimanche, la zone commerciale de Plan de Campagne, il n'est pas établi que ce public est dans l'impossibilité d'effectuer ses achats les autres jours de la semaine dans l'établissement de la requérante situé dans une zone commerciale distante seulement de 15 kilomètres des agglomérations de Marseille et d'Aix en Provence et desservie par l'autoroute reliant ces deux villes, ou dans d'autres magasins ; que cet établissement ne peut en outre être regardé comme proposant des activités familiales ; que la société requérante soutient également que le chiffre d'affaires qu'elle réalise le dimanche représente environ 21% de son chiffre d'affaires total ; que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que sa clientèle ne puisse reporter sur les autres jours de la semaine les achats qu'elle effectue le dimanche ; qu'en outre, la perte de chiffre d'affaires alléguée ne pourrait résulter que de la cessation d'une situation illégale et non d'un refus illégal de déroger à la règle du repos dominical des salariés ; que dès lors, l'absence d'autorisation d'ouverture dominicale ne peut être regardée comme de nature à compromettre le fonctionnement normal de la société au sens de l'article L.221-6 du code du travail ; que la société requérante ne peut utilement invoquer le volontariat de ses salariés travaillant le dimanche et les repos compensateurs dont ils bénéficient, dès lors que ces circonstances ne sont pas au nombre de celles que la loi permet d'invoquer comme pouvant justifier une dérogation à la règle du repos dominical des salariés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du protocole signé avec le préfet le 23 janvier 2002, lequel est dépourvu de toute valeur légale et ne saurait donc s'imposer au juge, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés préfectoraux autorisant les établissements commerciaux de la zone de Plan de Campagne à déroger à la règle du repos dominical des salariés et en particulier l'arrêté en date du 15 juin 1996 délivré au bénéfice de la requérante ;

- Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIAM, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à verser à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société requérante à verser la somme de 150 euros à la SOCIAM au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE LEROY-MERLIN est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE LEROY-MERLIN versera à la SOCIAM une somme de 150 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LEROY-MERLIN, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et à la société des commerçants, industriels et artisans de Marseille (SOCIAM).

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré à l'issue de l'audience du 16 décembre 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

M. MOUSSARON, président assesseur,

Mme GAULTIER, premier conseiller,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 janvier 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 01MA01127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 01MA01127
Date de la décision : 06/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : TUFFAL NERSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-01-06;01ma01127 ?
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