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06/01/2004 | FRANCE | N°01MA01085

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 5, 06 janvier 2004, 01MA01085


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2001 en télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, confirmée par l'original le 16 mai 2001 sous le n° 01MA01085, présentée pour la Société d'exploitation RAPP, par Me Z..., avocat ;

La Société d'exploitation RAPP demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 6 mars 2001 du Tribunal administratif de Marseille, en tant que celui-ci, à la demande de l'Association Société des commerçants, industriels et artisans de Marseille (SOCIAM), a annulé les arrêtés des 15 juin et 22 novembre 1997 du p

réfet des Bouches du Rhône autorisant les établissements ATLAS et FLY situés dan...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2001 en télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, confirmée par l'original le 16 mai 2001 sous le n° 01MA01085, présentée pour la Société d'exploitation RAPP, par Me Z..., avocat ;

La Société d'exploitation RAPP demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 6 mars 2001 du Tribunal administratif de Marseille, en tant que celui-ci, à la demande de l'Association Société des commerçants, industriels et artisans de Marseille (SOCIAM), a annulé les arrêtés des 15 juin et 22 novembre 1997 du préfet des Bouches du Rhône autorisant les établissements ATLAS et FLY situés dans la zone commerciale de Plan de campagne à déroger à la règle du repos dominical des salariés et à ouvrir le dimanche ;

Classement CNIJ : 66-03-02-02

C

2°/ de rejeter les demandes de première instance de la SOCIAM tendant à l'annulation des arrêtés des 15 juin et 22 novembre 1997 du préfet des Bouches du Rhône autorisant les établissements ATLAS et FLY situés dans la zone commerciale de Plan de campagne à déroger à la règle du repos dominical des salariés et à ouvrir le dimanche ;

3°/ de condamner la SOCIAM à lui verser la somme de 20.000 F (3.048,98 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :

1 - A titre principal, sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :

- que la SOCIAM, laquelle n'a pas produit ses statuts, n'a pas qualité pour agir dès lors que dans sa demande elle ne précise ni sa forme juridique ni l'organe habilité à prendre la décision d'une action en justice, ni le titre ou le nom de son représentant légal ;

- que la demande de la SOCIAM introduite le 24 octobre 1997 est tardive ;

- que la SOCIAM qui a introduit un recours en annulation, à l'exclusion d'un recours de toute demande d'indemnisation, ne dispose d'aucun intérêt à agir pour un tel recours ;

2 - Sur le fond à titre très subsidiaire :

- que si la SOCIAM soutient que le renouvellement d'année en année des dérogations est exclusif, par nature, d'une dérogation temporaire et limitée mettant en oeuvre une situation pérenne, il s'agit en réalité de dérogations accordées individuellement et pour une année, après dépôt par les entreprises ATLAS et FLY d'une demande motivée et étayée par des pièces et dûment analysée par le préfet ;

- que les deux conditions de l'article L.221-6 du code du travail sont réunies par l'exposante en l'espèce bien qu'elles ne soient pas cumulatives ;

- qu'en ce qui concerne le préjudice au public, il est à préciser que les magasins ATLAS et FLY exercent leurs activités dans le secteur du meuble ; que compte tenu de la spécificité des achats en matière de mobilier, à savoir une fréquence d'achat faible, une fonction utilitaire mais aussi symbolique du produit, le fait qu'il s'agisse d'un bien d'équipement de valeur importante, de tels achats constituent pour le consommateur des actes réfléchis impliquant l'assentiment de la famille entière ; que 67 % des consommateurs comparent les meubles dans quatre magasins en moyenne et procèdent à l'achat effectif que 3,3 mois plus tard environ ; que la durée moyenne de présence dans un magasin de meubles pour l'achat est compris entre une heure trente et quatre heures selon le type de mobilier acheté, très souvent à crédit ; que cela suppose que le consommateur dispose d'un temps libre suffisant pour se déplacer en famille ; que le dimanche constitue le jour idéal, le samedi étant consacré à l'achat des biens de consommation courante ; que les consommateurs ont pris l'habitude de fréquenter la zone de Plan de Campagne le dimanche depuis quinze ans ; que la clientèle dominicale est à l'origine en moyenne de 30 % du chiffre d'affaires des deux magasins dont s'agit ; que, de plus, ladite zone est située à une vingtaine de kilomètres de Marseille et d'Aix en Provence ; que cet éloignement exclut tout report de la clientèle dominicale sur les autres jours de la semaine ;

- qu'en ce qui concerne l'atteinte au fonctionnement normal de l'établissement, le chiffre d'affaires le dimanche est de 30 % en moyenne ; qu'il a été démontré que le report sur les autres jours de la semaine est impossible ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 3 septembre 2001 présenté pour la SOCIETE DES COMMERÇANTS, INDUSTRIELS ET ARTISANS DE MARSEILLE ET LA REGION (SOCIAM), par Me A..., avocat ;

La SOCIAM demande à la Cour :

1°/ de rejeter la requête ;

2°/ de condamner la société d'exploitation RAPP à lui verser la somme de 10.000 F (1.524,49 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

1 - Sur la recevabilité de l'action qu'elle a intentée :

- qu'elle a pour objet la défense des droits professionnels de ses membres présentant un intérêt général commun à l'ensemble des professions ou à une famille professionnelle déterminée ; que, dès lors que la réglementation relative au repos hebdomadaire des salariés constitue non seulement une règle les protégeant mais également une condition du maintien d'une situation d'égalité de la concurrence, le défaut de qualité à agir ne peut pas lui être opposé ;

- qu'elle est une association régulièrement constituée et déclarée ; que son conseil d'administration a régulièrement, le 18 juin 1997, autorisé son président à engager la procédure dont s'agit devant le tribunal administratif ;

- que les arrêtés attaqués ayant fait l'objet de la procédure pour annulation ont tous le même texte sans aucune spécificité eu égard à chacune des sociétés bénéficiaires de la dérogation ; qu'elle a d'ailleurs produit la liste exacte de ces arrêtés portant les dates et les numéros correspondants ; qu'en tout état de cause, ils figurent tous au dossier comme le précise le jugement attaqué ;

2 - Sur la légalité des arrêtés :

- qu'ils n'auraient pas dû se borner à rappeler les termes de l'article L.221-6 du code du travail mais auraient dû être motivés eu égard aux conditions de fait et de droit qui justifient l'octroi de la dérogation ;

- que la motivation générale établit, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, que le préfet n'a pas pris en compte précisément le type d'activité exercée et la nature des produits mis en vente par chaque établissement concerné implanté sur la zone commerciale de Plan de Campagne mais s'est fondé sur une approche globale et générale de l'ensemble des commerces implantés dans cette zone ;

- que le motif des arrêtés tiré de ce que le préjudice résultant pour le public de la fermeture dominicale du magasin serait constitué par l'impossibilité d'effectuer des achats en famille dans un ensemble commercial assez étendu pour offrir un large choix de produits, ne correspond nullement à la notion de préjudice au public établie par la jurisprudence en la matière ; que la réalité du préjudice au public ne peut reposer sur de simples motifs de commodité ou de gêne ; qu'il doit exister dans les faits des inconvénients ou des dommages réels ; que s'agissant d'une exception au principe du repos dominical, la dérogation doit revêtir un caractère exceptionnel et induire une interprétation stricte ; que d'ailleurs l'application des 35 heures entraîne pour le public, dans sa grande majorité, des journées de repos supplémentaires en semaine ;

- que de plus, alors qu'actuellement les salariés aspirent aux 35 heures, il ne peut être soutenu qu'il existe aujourd'hui dans le secteur commercial un accord entre les partenaires sociaux en faveur du travail dominical ;

- qu'en ce qui concerne le fonctionnement normal de l'entreprise, il est à remarquer que les documents relatifs à l'argumentation de l'appelante tirée de ce qu'elle réalise le dimanche un chiffre d'affaires d'environ 25 % à 30 % de son chiffre d'affaires total ne sont pas majoritairement confirmés par un expert comptable ; que si les menaces de licenciement ou de réduction de salaires et même de dépôt de bilan sont formulées à nouveau, ces motifs ne peuvent être utilement invoqués eu égard aux conditions fixées par le code du travail, ainsi que l'a rappelé le tribunal, et sont de plus, en l'espèce, fondés sur des présentations en terme de chiffres d'affaires et de point mort de l'entreprise très simplistes, sans que soient recherchées les incidences de report des achats effectués le dimanche sur les autres jours de la semaine, et ce alors que la zone commerciale en cause n'est qu'à 15 km du centre des agglomérations de Marseille et d'Aix en Provence et est desservie par l'autoroute reliant ces deux communes ;

- que les dérogations accordées et leur renouvellement démentent le caractère temporaire et limité de celles-ci ; qu'il y a de fait une voie générale de dérogations en méconnaissance des dispositions du code du travail ;

- qu'il n'appartient pas au juge de se substituer au législateur en adaptant sa jurisprudence aux coutumes qui seraient apparues dans le domaine commercial en ce qui concerne l'ouverture dominicale ; que l'usage et l'habitude ne peuvent primer sur les dispositions légales du code du travail applicables en l'espèce ;

Vu les mémoires enregistrés les 6 et 8 mars 2002, présentés pour la SOCIAM tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Elle invoque les mêmes moyens et soutient en outre :

- que l'argumentation par l'association des exploitants du centre commercial d'AVANT CAP tirée de ce que la zone commerciale serait un lieu de passage et un haut lieu touristique n'est pas sérieuse ;

- que le document produit au titre d'une enquête qui aurait été menée dans la zone auprès de 3000 clients et des commerçants constitue davantage un manifeste qu'une étude reprenant de façon neutre les faits ; qu'en tout état de cause, il s'agit d'une période postérieure aux arrêtés litigieux ;

- que si dans un autre dossier, la société LEROY MERLIN produit aux débats un protocole d'accord signé le 23 janvier 2003, elle en dénature les termes et l'objectif ; qu'il n'est pas intervenu entre les partenaires sociaux, la SOCIAM et le préfet, celui-ci n'étant pas signataire ; que la SOCIAM n'y a pas reconnu, contrairement aux allégations de la société en cause, l'importance économique de la zone de Plan de Campagne, le montant du chiffre d'affaires indiqué comme réalisé par les commerçants de celle-ci qui ne sont d'ailleurs pas signataires et le fait que la fermeture le dimanche entraînerait un fonctionnement anormal de l'entreprise ; que la SOCIAM y précise qu'elle ne donnera des avis favorables en cas de demandes de dérogation par les commerçants concernés que si celles-ci sont conformes aux dispositions de l'article L.221-6 et suivants du code du travail ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2003 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- les observations de Me Z... pour la société d'exploitation RAPP, et de Me A... pour la SOCIAM

-et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

- Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne l'intérêt à agir de la SOCIAM devant le tribunal administratif :

Considérant que l'objet social de l'association Société des commerçants, industriels et artisans de Marseille et de la région (SOCIAM), tel qu'il ressort de l'article 3 de ses statuts, tend à assurer la défense par tous les moyens appropriés, des droits professionnels présentant un caractère d'intérêt général à l'ensemble des professions ou à une famille professionnelle déterminée ... et que le nom de cette association précise la portée géographique de son action ; que la demande de la SOCIAM devant le Tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation d'arrêtés du préfet des Bouches du Rhône autorisant des établissements de la zone commerciale de Plan de campagne, située à environ à 15 kilomètres de l'agglomération de Marseille à déroger à la règle du repos dominical des salariés, a notamment pour but d'obtenir le respect, par le préfet, de cette règle législative et des conditions auxquelles elle subordonne l'octroi des dérogations qu'elle prévoit ; qu'une telle action tendant à la défense d'un droit ouvert à tout établissement qui remplit les conditions fixées par la loi est conforme à l'objet social de la SOCIAM et se trouve justifiée par un intérêt suffisant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a écarté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SOCIAM ;

En ce qui concerne la qualité pour agir de la SOCIAM devant le tribunal administratif :

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 16 des statuts de la SOCIAM, son conseil d'administration a seul le pouvoir d'engager l'association par une décision ; qu'en vertu de l'article 26 desdits statuts, le président représente l'association en toutes circonstances ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision en date du 18 juin 1997, le conseil d'administration de la SOCIAM a décidé, dans l'hypothèse où le préfet ne ferait pas droit à son action pré-contentieuse relative à l'ouverture dominicale des établissements de la zone commerciale de Plan de Campagne, de saisir le tribunal administratif et a donné mandat à son président en exercice pour exercer cette action, lequel à défaut de toute autre disposition des statuts avait, en tout état de cause, qualité pour ce faire ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, que les associations peuvent se former librement sans autorisation préalable ou déclaration préalable, et que, si les associations non déclarées n'ont pas la capacité d'ester en justice pour y défendre des droits patrimoniaux, l'absence de déclaration ne fait pas obstacle à ce que, par la voie du recours de l'excès de pouvoir et dès lors qu'elles sont légalement constituées, elles aient qualité pour contester la légalité des actes administratifs faisant grief aux intérêts qu'elles entendent défendre ; que, dès lors, la recevabilité de la demande de la SOCIAM devant le tribunal administratif de Marseille n'était pas subordonnée à la justification de la déclaration de ses statuts en préfecture ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SOCIAM ;

En ce qui concerne le délai pour agir devant le tribunal administratif :

Considérant que, pour rejeter, par le jugement attaqué, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande qui lui était présentée, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur les motifs suivants : qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés attaqués aient été notifiés à la SOCIAM ou aient été publiés ; que dès lors la requête n'est pas tardive ;

Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué et alors que la société requérante se borne à soutenir, sans autre précision et éléments probants, que la demande de la SOCIAM était tardive, de rejeter les conclusions de celle-ci tendant à ce que ledit jugement soit annulé pour ne pas avoir rejeté la demande de la SOCIAM comme tardive ;

- Sur la légalité des arrêtés préfectoraux des 15 juin et 22 novembre 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.221-5 du code du travail : Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ; que l'article L.221-6 du même code dispose que : Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après : a) un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ; b) du dimanche midi au lundi matin ; c) le dimanche après-midi avec repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; d) par roulement à tout ou partie du personnel. Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune... ; qu'il résulte de ces dispositions que toute dérogation à la règle du repos dominical ne peut revêtir qu'un caractère d'exception pour faire face à des situations particulières tenant à des circonstances déterminées de temps, de lieu, et au regard du type d'activité exercée et de la nature des produits vendus ;

Considérant que les arrêtés attaqués se fondent d'une part, sur des motifs tirés de ce que les établissements de la zone commerciale de Plan de Campagne, bénéficient, depuis sa création, d'une ouverture le dimanche, que la fermeture le dimanche empêcherait le public important qui s'y rend ce jour là d'y mener des activités dominicales, notamment d'achats en famille, avec un large choix et une gamme de prix étendue et serait de ce fait préjudiciable au public, et, d'autre part, sur des motifs tirés de ce que, en cas de fermeture le dimanche, il y aurait impossibilité d'un report suffisant de la clientèle du dimanche sur les autres jours de la semaine compte tenu de l'implantation excentrée et éloignée de toute agglomération importante, et, en conséquence, que cela compromettrait le fonctionnement normal des établissements ainsi que l'emploi ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des arrêtés attaqués que ceux-ci ont été pris, non pas en considération du type d'activité exercée par le demandeur de la dérogation à la règle du repos dominical des salariés, de la nature des produits vendus par lui, ou encore de l'impact d'une absence de dérogation sur le fonctionnement de l'établissement ou sur les intérêts de sa clientèle, mais sur le fondement de considérations relatives aux intérêts de l'ensemble des établissements de la zone et de l'ensemble de leur clientèle ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à l'activité de l'établissement exploité par la société requérante, consistant en la vente de meubles, que le repos simultané le dimanche de tout son personnel puisse être regardé comme préjudiciable au public au sens des dispositions précitées de l'article L.221-6 du code du travail ; qu'en effet, si la requérante allègue que les spécificités de l'achat en matière de mobilier, lesquelles impliquent l'assentiment de la famille entière, du fait d'une fréquence d'achat faible, de la fonction utilitaire et symbolique du produit acquis, du coût important de l'investissement et d'un nécessaire délai de réflexion, supposent que le consommateur dispose d'un temps libre suffisant pour se déplacer en famille et que la clientèle du dimanche est à l'origine d'environ 30 % des chiffres d'affaires des deux magasins en cause, il n'est pas établi que ce public est dans l'impossibilité d'effectuer ses achats les autres jours de la semaine, dans les établissements de la requérante situés dans une zone commerciale distante seulement de 15 kilomètres des agglomérations de Marseille et d'Aix en Provence et desservie par une autoroute reliant ces deux villes, ou dans d'autres magasins, les achats qu'il est susceptible de faire dans l'établissement de la société requérante ; qu'en outre, ce dernier ne peut être regardé comme proposant des activités familiales ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que le chiffre d'affaires réalisé le dimanche dans les deux magasins exploités dans la zone de Plan de Campagne représente environ 30 % de son chiffre d'affaires total, et que la cessation de cette situation compromettrait son fonctionnement normal ; que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que sa clientèle ne puisse reporter sur les autres jours de la semaine les achats qu'elle effectue le dimanche ; qu'en outre, la perte de chiffre d'affaires alléguée ne pourrait résulter que de la cessation d'une situation illégale et non d'un refus illégal de déroger à la règle du repos dominical des salariés ; que dès lors, l'absence d'autorisation d'ouverture dominicale ne peut être regardée comme de nature à compromettre le fonctionnement normal de la société au sens de l'article L.221-6 du code du travail ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés préfectoraux en date du 15 juin et 22 novembre 1997 autorisant les établissements commerciaux de la zone de Plan de Campagne qu'elle exploite à déroger à la règle du repos dominical des salariés ;

- Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIAM, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société requérante à verser la somme de 150 euros à la SOCIAM au titre de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE RAPP est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE RAPP versera à la SOCIAM une somme de 150 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation RAPP, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et à la société des commerçants, industriels et artisans de Marseille et de la région (SOCIAM).

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré à l'issue de l'audience du 16 décembre 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

M. MOUSSARON, président assesseur,

Mme GAULTIER, premier conseiller,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 janvier 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE X...
Y...

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 01MA01085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 01MA01085
Date de la décision : 06/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : LARAIZE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-01-06;01ma01085 ?
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