La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2003 | FRANCE | N°00MA00677

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 19 décembre 2003, 00MA00677


Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 avril 2000 sous le n° 00MA00677, présentée par Maîtres Febbarro, Mattei et Dehapiot pour M. Domenico X, domicilié ... ;

Le requérant demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 987164 du 27 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 1998 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français en urgence absolue ;

2'/ d'annuler l'arrêté susmentio

nné du ministre de l'intérieur ;

Classement CNIJ : 335-02-05

C

Il soutient :

- ...

Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 avril 2000 sous le n° 00MA00677, présentée par Maîtres Febbarro, Mattei et Dehapiot pour M. Domenico X, domicilié ... ;

Le requérant demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 987164 du 27 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 1998 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français en urgence absolue ;

2'/ d'annuler l'arrêté susmentionné du ministre de l'intérieur ;

Classement CNIJ : 335-02-05

C

Il soutient :

- que le jugement attaqué, qui a laissé sans réponse plusieurs moyens de la requête, n'est pas suffisamment motivé ;

- que l'arrêté du ministre de l'intérieur, qui ne comporte pas le visa de l'urgence absolue, est insuffisamment motivée ; qu'en ne se référant pas expressément à l'urgence absolue, le ministre devait respecter la procédure prévue par l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ce qu'il n'a pas fait ;

- que si la notification irrégulière qui lui a été faite est sans conséquence sur la légalité de l'acte lui-même, il n'en demeure pas moins que ses droits de la défense ont été violés, dans la mesure où il a été mis dans l'impossibilité d'exercer le moindre recours ;

- que le tribunal n'a pas tenu compte de l'argumentation probante qu'il avait exposée pour contester la qualification de chef mafieuxque lui avait attribuée le ministre de l'intérieur ; qu'il ne se trouvait pas clandestinement en France puisqu'il avait régulièrement inscrit sa fille à l'école et avait déclaré aux autorités la perte de sa carte d'identité ; que le mandat d'arrêt italien délivré à son encontre le 24 avril 1998 a été annulé, entraînant l'abandon de la procédure d'extradition ; que sa prétendue intention d'entreprendre des activités criminelles en France n'est étayée par aucun élément ; que la circonstance que cet arrêté lui ait été notifié le jour de sa libération et ait été exécuté immédiatement démontre que l'administration française ne cherchait pas à exécuter cette décision, mais à le remettre aux autorités italiennes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 18 septembre 2001, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que son arrêté, qui visait explicitement l'article 26 a) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatif à l'expulsion en urgence absolue, est suffisamment motivé ; que la procédure prévue par l'article 24 de l'ordonnance n'avait pas à être suivie en vertu des dispositions de l'article 26a) lui-même ;

- que l'intéressé est entré en France en 1997 dans des conditions indéterminées et a été interpellé le 11 juin 1998 en possession de faux papiers ; qu'il a été formellement identifié comme un responsable actif de la Camorra napolitaine d'une extrême dangerosité, ayant notamment participé à une vingtaine de meurtres ; qu'à la suite de retrait par les autorités italiennes du mandat d'arrêt international le concernant, il a été maintenu en détention en raison de l'information judiciaire ouverte à son encontre pour usage de faux documents d'identité ;

- qu'eu égard à son extrême dangerosité, et à sa libération prochaine, il n'était pas possible d'envisager d'autoriser le maintien de M. X sur le territoire français ; que la procédure de refus de séjour pour motif d'ordre public après consultation de la commission du titre de séjour n'était pas adaptée à la situation ; que les autorités françaises ne pouvaient prendre le risque de laisser l'intéressé quitter la France par ses propres moyens, dès lors que les services spécialisés de la police italienne avaient informé l'administration de la présence clandestine de complices en France et de la collusion entre les milieux français et italiens ; qu'il importait que M. X soit raccompagné par une escorte ; que son renvoi vers le territoire italien ne pouvait se faire sans que les autorités italiennes en soient informées, d'autant qu'en l'espèce, les magistrats italiens avaient été destinataires de menaces de morts sous condition durant la détention en France du requérant ; que, dans ces conditions, le transfert de M. X vers l'Italie n'a pas eu d'autre but que de mettre à exécution l'arrêté d'expulsion ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 15 octobre 2001, le mémoire présenté pour M. X qui persiste, par les mêmes moyens, dans ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2003 ;

- le rapport de M. Alfonsi, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal administratif de Marseille a expressément écarté les moyens soulevés devant lui par M. X et tirés de ce que l'arrêté du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion en urgence absolue était insuffisamment motivé, que la procédure prévue par l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n'avait pas été respectée, que la notification qui lui en avait été faite était irrégulière, que la preuve des faits retenus par le ministre n'était pas rapportée, que l'urgence à l'expulser n'était pas établie et que les modalités d'exécution de cet arrêté révélaient un détournement de procédure ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur certains des moyens de la demande de M. X manque en fait ;

Au fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : L'expulsion peut être prononcée : a) en cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 (...) ; qu'en visant expressément ces dispositions, le ministre de l'intérieur, qui n'était pas tenu de mentionner explicitement que l'expulsion de M. X était prononcée en urgence absolue, n'a pas entaché son arrêté du 14 août 1998 d'une insuffisance de motivation ;

Considérant, en deuxième lieu, que les conditions dans lesquelles l'arrêté a été notifié à M. X, à les supposer irrégulières, n'ont d'incidence que sur le cours du délai contentieux mais sont sans influence sur la légalité dudit arrêté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, connu comme un des responsables d'une organisation de type mafieux très active dans un grand nombre d'entreprises illégales dans la région napolitaine, est venu en France où il dispose de complicités pour poursuivre ses activités criminelles depuis le territoire national ; que si, à la date de la décision, les autorités italiennes avaient annulé le mandat d'arrêt international qu'elles avaient délivré à son encontre, M. X avait été maintenu en détention provisoire pour les besoins de l'instruction se rapportant aux faux papiers d'identité et faux documents administratifs en possession desquels il avait été arrêté ; qu'eu égard, d'une part, à la gravité des troubles à l'ordre public que sa présence en France était susceptible de causer et, d'autre part, à l'imminence de sa sortie de prison, le ministre de l'intérieur a pu à bon droit décider, dès le 14 août 1998, d'ordonner son expulsion en urgence absolue sans attendre sa libération intervenue le 31 août 1998 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 26 a de l'ordonnance du 2 novembre 1945, que la procédure prévue par l'article 24 de cette ordonnance n'a pas à être mise en oeuvre lorsque l'expulsion est prononcée, comme en l'espèce, en urgence absolue ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté a été pris en méconnaissance de la procédure instituée par ces dernières dispositions n'est pas fondé ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en le transférant immédiatement à la frontière italienne, l'administration aurait poursuivi un autre but que la seule mise à exécution de l'arrêté pris à l'encontre de M. X et, en particulier, celui de mettre en oeuvre une procédure d'extradition déguisée à laquelle, au demeurant, les autorités italiennes avaient renoncé ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que les modalités selon lesquelles l'exécution de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre a été conduite révèleraient un détournement de procédure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 24 novembre 2003, où siégeaient :

Mme Bonmati, président de chambre,

M. Moussaron, président assesseur,

M. Alfonsi, premier conseiller,

assistés de Mlle Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 19 décembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Dominique Bonmati Jean-François Alfonsi

Le greffier,

Signé

Patricia Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00677
Date de la décision : 19/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. ALFONSI
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : FEBBRARO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-12-19;00ma00677 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award