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18/12/2003 | FRANCE | N°98MA00690

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 18 décembre 2003, 98MA00690


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 27 avril 1998 sous le n° 98MA00690, présentée pour la société Cabinet d'études Edouard X, demeurant ...), par la S.C.P. COSTE-BORIES, avocats ;

La société Cabinet d'études Edouard X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement n° 92259 du Tribunal administratif de Montpellier du 12 février 1998 en ce qu'il condamne solidairement le Cabinet d'études Edouard X et la S.A.U.R. au titre de la responsabilité décennale des constructeurs à hauteur de 70 % des coûts de réfection

, soit 271.429, 79 F TTC, consécutifs aux désordres survenus ayant rendu impropre...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 27 avril 1998 sous le n° 98MA00690, présentée pour la société Cabinet d'études Edouard X, demeurant ...), par la S.C.P. COSTE-BORIES, avocats ;

La société Cabinet d'études Edouard X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement n° 92259 du Tribunal administratif de Montpellier du 12 février 1998 en ce qu'il condamne solidairement le Cabinet d'études Edouard X et la S.A.U.R. au titre de la responsabilité décennale des constructeurs à hauteur de 70 % des coûts de réfection, soit 271.429, 79 F TTC, consécutifs aux désordres survenus ayant rendu impropre à sa destination un complexe de fontaines publiques ;

Classement CNIJ : 39-06-01-04-03

C

2°/ de dire qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre lui ;

3° / de condamner la commune de Béziers aux entiers dépens ;

Il soutient :

- que le juge de première instance a commis une erreur d'appréciation quant à la consistance des lots attribués à la société requérante et au partage de responsabilité qui en a découlé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré au greffe le 12 juin 1999 présenté par Me D. LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la commune de Béziers et tendant :

1°/ au rejet du recours du Cabinet d'études Edouard X et à l'accueil de son recours incident ;

2°/ à la condamnation conjointe et solidaire du Cabinet d'études Edouard X et la S.A.U.R. à lui verser la somme de 387.756, 85 F au titre des travaux de réfection et celle de 200.000 F au titre du trouble de jouissance avec intérêts de droit à compter du 3 février 1992, date d'enregistrement de la requête de première instance ;

3°/ au paiement de la somme de 12.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle fait valoir que les incidents techniques affectant le fonctionnement de l'ouvrage ont été de nature à le rendre impropre à sa destination et qu'ainsi, la responsabilité solidaire des constructeurs, la S.A.U.R. et le Cabinet d'études Edouard X, doit être engagée, sans que ce dernier ne puisse s'exonérer de sa responsabilité ; qu'elle demande également la condamnation du Cabinet d'études Edouard X à lui verser 200.000 F de dommages-intérêts au titre du trouble de jouissance de l'ouvrage depuis plus de onze ans sur le fondement de la garantie décennale ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2002 présenté par Me Y. MILON, avocat à la Cour, Cabinet C.M.C., pour la Société d'aménagement urbain et rural France, venant aux droits de la société S.A.U.R., tendant :

1°/ au rejet de la requête en ce qu'elle la concerne et à l'accueil de son recours incident ;

2°/ au partage de responsabilités entre elle et le Cabinet d'études Edouard X et à la condamnation de ce dernier à due proportion ;

3°/ à la condamnation de ce dernier au paiement de 1.500 euros HT, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que les juges de première instance ont très exactement apprécié les obligations incombant au Cabinet d'études Edouard X et que les désordres constatés résultant de la conception des ouvrages lui étaient directement imputables et que par suite, les dysfonctionnements concernant le lot n° 2 ne sauraient être entièrement imputables à la S.A.U.R. ; que la part la plus importante de responsabilité doit être mise à la charge du Cabinet d'études Edouard X et que la Cour doit déterminer la part de responsabilité respective des constructeurs ;

Vu, enregistré le 14 janvier 2003, le mémoire en défense présenté pour le Cabinet d'études Edouard X visant à faire droit à l'appel formalisé par le Cabinet et tendant à écarter les appels incidents de la S.A.U.R. et de la commune de Béziers ;

Il fait valoir que le Cabinet d'études Edouard X n'est pas entièrement responsable de la mission relative aux deux lots et que la conception du lot n° 2 revenait à la S.A.U.R. dans le cadre du concours passé à cet effet ;

Vu, enregistré le 19 février 2003, le mémoire présenté pour la société S.A.U.R. tendant à définir la mission d'étude du Cabinet d'études Edouard X ;

Elle soutient que, selon l'expert, les dysfonctionnements sont directement imputables à la conception même des bassins et que le Cabinet d'études Edouard X avait une mission de conseil technique auprès du maître de l'ouvrage délégué et qu'à ce titre, il lui appartenait d'émettre des réserves sur les propositions formulées par la société S.A.U.R. ;

Vu, enregistré le 2 avril 2003, le mémoire en réplique présenté pour la commune de Béziers tendant à établir la mission complète impartie au Cabinet d'études Edouard X et la responsabilité conjointe de cette dernière et de la S.A.U.R. ;

Elle fait valoir que le Cabinet d'études Edouard X a reçu une mission complète de conception engageant sa responsabilité à ce titre ; que la S.A.U.R. ne peut être exonérée de sa responsabilité en ce qu'elle n'a émis aucune réserve sur les propositions du Cabinet d'études Edouard X qui se sont avérées défaillantes, tout en ne faisant aucune proposition visant à la mise en place d'un matériel adapté ; qu'aucun défaut d'entretien ne lui est imputable et qu'elle est fondée à demander réparation pour le trouble de jouissance occasionné par la fermeture du bassin depuis plus de dix ans ;

Vu, enregistré le 14 novembre 2003, le mémoire présenté pour la société SAUR France ; celle-ci persiste dans ses écritures ; elle soutient en outre que ses conclusions tendant au partage de responsabilité avec le cabinet requérant s'analysent comme des conclusions reconventionnelles lesquelles, prenant la forme d'un appel incident, suivent un régime juridique propre ; que lesdites conclusions sont par suite recevables sans conditions de délai ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2003 :

- le rapport de M. FIRMIN, premier conseiller ;

- les observations de Me HASDAY pour la société SAUR France ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que par un jugement du 12 février 1998, le Tribunal administratif de Montpellier a solidairement condamné le cabinet d'études Edouard X et la S.A.U.R. à verser à la commune de Béziers 70 % de la somme demandée par cette dernière, soit 271.429, 79 F TTC, augmenté des intérêts de droits calculés à compter du 3 février 1992, au titre de la responsabilité décennale des constructeurs en raison des dysfonctionnement survenus dans un complexe de fontaines publiques le rendant impropre à sa destination au point d'entraîner sa fermeture, afin de permettre la remise en état des ouvrages concernés ; que le Cabinet d'études Edouard X se pourvoit régulièrement en appel ;

Sur la responsabilité :

Considérant que dans le cadre de la concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la gare du nord du 19 juin 1980 passée entre la commune de Béziers et la Société d'Equipement du Biterrois et de son Littoral (SEBLI), cette dernière a, avec l'accord de la commune de Béziers, par une convention du 5 août 1983, confié l'aménagement du jardin botanique de Béziers au cabinet d'études Edouard X ; que l'opération a été divisée en deux lots, le premier relatif au Génie civil , comprenant les bassins et la liaison entre eux et le dispositif de dégrillage des cascades et des fosses de pompages, et le second Equipement et Fontainerie , la tuyauterie, la fontainerie, l'équipement électronique et l'éclairage du bassin ; que ce dernier lot a été disjoint par décision de la SEBLI datant du 26 janvier 1983 et confié par le Cabinet d'études Edouard X à la société d'aménagement urbain et rural (S.A.U.R.) à la suite d'un concours ; que ce lot, qui devait prendre en compte le génie civil déjà réalisé comme le précisait l'appel d'offres fut entièrement confié par la suite à la S.A.U.R. ; que par une convention du 27 novembre 1986, la SEBLI, après avoir le même jour réceptionné sans réserve le lot n° 2, a remis à la commune les équipements avec ses fontaines, cette dernière se substituant à la SEBLI pour la garde et l'entretien des équipements ainsi que pour toute action de droit public ou privé relative en particulier à la garantie décennale des entreprises en tant que propriétaire de l'ouvrage, comme le reconnaît d'ailleurs la convention précitée ; que c'est donc à juste titre que la SEBLI n'a pas été appelée au présent litige ; que la commune a constaté par la convention précitée la conformité et le bon fonctionnement des ouvrages ainsi transférés ;

Considérant tout d'abord qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'expertise, que le cabinet d'études Edouard X a conçu les avant-projets sommaires et détaillés pour les deux lots concernés et était chargé de la conduite des opérations relatives à l'exécution d'une mission d'ingénierie et d'architecture l'ayant conduit à concevoir et suivre les équipements de bassins à l'origine en partie des désordres ; que par la suite, des désordres, concourant à la réalisation du dommage, sont apparus ; que la conception des bassins, et plus particulièrement les ouvrages de liaison par siphon-cheminée entre bassins ainsi que le sous dimensionnement des trop pleins, ne permettaient pas de faire face aux risques de colmatage inhérents au site arboré choisi ; que les matériels de fontainerie utilisés, proposés par la S.A.U.R. au titre du lot n° 2 et acceptés par le cabinet d'études Edouard X, se sont révélés inadaptés ; qu'il résulte ensuite de l'appel d'offres, de l'avant-projet détaillé, du dossier de consultation des entreprises et du règlement particulier d'appel d'offres que la S.A.U.R. avait pour mission le projet complet d'équipement électromécanique et hydraulique intérieur des bassins, en prenant en compte le génie civil déjà réalisé par le cabinet d'études Edouard X ; qu'elle devait également assurer le parfait et complet achèvement des travaux et veiller au bon fonctionnement des installations comme le prévoit l'article 1-3.1 du cahier des clauses techniques particulières ; qu'enfin, la commune de Béziers a accepté le 27 novembre 1986 la remise des équipements du complexe sans réserve alors qu'elle en connaissait les nombreux dysfonctionnements ; que ses services municipaux n'ont pas procédé à l'entretien régulier nécessaire des fontaines ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que les premiers juges ont recherché la responsabilité décennale des constructeurs sans qu'il y ait lieu de dissocier les deux lots, les dommages résultant de dysfonctionnements dus cumulativement à la conception, à la réalisation, à l'équipement et à l'entretien des bassins, et qu'ils ont condamné solidairement le cabinet d'études Edouard X et la société S.A.U.R. au paiement de 70 % de la somme de 387.756, 85 F demandée par la commune en première instance et représentant le coût, non contesté, de la réparation, des désordres affectant les fontaines, soit 271 429, 79 F, et laissé 30 % à la charge de la commune de Béziers, eu égard à son rôle propre dans la direction des travaux et dans l'entretien des ouvrages ; qu'eu égard aux principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs et architectes, le cabinet d'études, qui n'a d'ailleurs pas appelé en garantie la société SAUR en première instance, n'est pas fondé à solliciter une réduction de la part de responsabilité qui lui incombe dans la survenance des désordres en invoquant le fait du constructeur ; qu'il n'y a donc pas lieu de modifier la part de responsabilité qui lui a été assignée, solidairement avec la société SAUR, par les premiers juges ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la Commune de Béziers n'est donc pas fondée à demander par la voie de l'appel incident que le montant de la condamnation prononcée à leur encontre soit porté à 387.756, 85 F ;

Sur le préjudice tiré du défaut de jouissance de la commune :

Considérant que la commune de Béziers demande également, par la voie de l'appel incident, que la somme que la société SAUR et le cabinet d'études Edouard X ont été condamnés à lui payer soit majorée de 200.000 F, représentant le préjudice qui résulte selon elle du fait que l'ouvrage concerné n'a pas été mis en eau depuis dix ans ; qu'elle n'apporte cependant pas d'éléments pertinents de nature à établir le bien-fondé de cette demande ; que par suite, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté ses conclusions ;

Sur les conclusions présentées en appel par la société SAUR :

Considérant que les conclusions de la société SAUR issues du mémoire enregistré au greffe le 27 novembre 2002 tendant à la réduction de la part de responsabilité qui lui incombe en propre doivent également être réputées comme ayant entendu demander le partage de responsabilité entre elle-même et le cabinet d'études Edouard X, alors que le délai de l'appel était expiré ; qu'elles constituent non, comme elle l'affirme, des conclusions d'appel incident, mais des conclusions d'appel provoqué qui, en l'absence d'aggravation de sa situation par la présente décision, ne sont pas recevables ;

Sur les dépens :

Considérant que le jugement de la présente affaire ne comporte pas de dépens ; qu'il y a donc lieu de rejeter comme dépourvues d'objet les conclusions du cabinet d'études Edouard X tendant à la prise en charge des dépens par la commune de Béziers ; qu'à supposer que le Cabinet d'Etudes Edouard X ait entendu faire supporter les frais d'expertise à la commune de Béziers, il doit être considéré que, dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis ces derniers à la charge solidaire du Cabinet d'étude Edouard X et de la S.A.U.R. ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner le Cabinet d'études Edouard X à verser à la commune de Béziers une somme de 1.000 euros et à la S.A.U.R. une somme de 1.000 euros, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du cabinet d'études Edouard X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par la commune de Béziers et les conclusions d'appel provoqué présentées par la société S.A.U.R. sont rejetées.

Article 3 : Le Cabinet d'études Edouard X est condamné à verser à la S.A.U.R. et à la commune de Béziers une somme de 1.000 euros chacune.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Cabinet d'études Edouard X, à la commune de Béziers, à la Société d'aménagement urbain et rural (S.A.U.R.) et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 25 novembre 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

M. FIRMIN , premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 18 décembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

François BERNAULT Jean Pierre FIRMIN

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

8

N° 98MA00690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 98MA00690
Date de la décision : 18/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. FIRMIN
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : SCP COSTE-BORIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-12-18;98ma00690 ?
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