La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2003 | FRANCE | N°99MA02238

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 24 novembre 2003, 99MA02238


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 décembre 1999 sous le n° 99MA002238, présentée par Me X..., avocat, pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS, ayant son siège ... ;

Le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 9902812 du 27 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, sur déféré du préfet de l'Hérault, annulé une délibération de son conseil d'administration, en date du 29 mars 1999 ;

2°/de c

ondamner l'Etat à lui verser une somme de 12.060 F (1.838,54 euros) au titre de l'ar...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 décembre 1999 sous le n° 99MA002238, présentée par Me X..., avocat, pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS, ayant son siège ... ;

Le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 9902812 du 27 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, sur déféré du préfet de l'Hérault, annulé une délibération de son conseil d'administration, en date du 29 mars 1999 ;

2°/de condamner l'Etat à lui verser une somme de 12.060 F (1.838,54 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Classement CNIJ : 04-01-02-01

C

Il soutient :

- que le tribunal, qui a motivé sa décision par des appréciations à caractère philosophique, n'a pas fondé son analyse sur des lois ou règlements ; que de telles considérations, si elles constituent un mode pratique d'analyse du caractère discriminatoire ou non des décisions concernées, ne peuvent être regardées comme constitutives d'une base légale ;

- que les premiers juges se sont livrés à une simple appréciation factuelle en lieu et place d'un contrôle de légalité de la délibération attaquée ;

- que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE a entendu, par la délibération litigieuse, d'une part, rappeler aux bénéficiaires potentiels des services, que l'absence d'attitude citoyenne constituait une différence de situation objective, d'autre part, protéger l'institution au sens large, ce qui constitue une nécessité d'intérêt général ;

- que les fonctionnaires ont droit à la protection de leur administration ;

- qu'en jugeant que la différence de traitement instituée entre les différents bénéficiaires de l'aide sociale ne répondait pas à des nécessités d'intérêt général, le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- que la délibération litigieuse ne peut être regardée comme constituant une mesure de police administrative relevant de la compétence du maire ;

- que le conseil d'administration du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE était bien compétent pour définir les critères d'attribution des aides sociales facultatives ;

- que le principe d'égalité des citoyens comporte des limites au regard de certaines situations particulières, comme l'a toujours reconnu le Conseil d'Etat ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2000, présenté par le préfet de l'Hérault, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet de l'Hérault soutient :

- qu'il maintient l'ensemble des moyens développés à l'appui de son déféré contre la délibération litigieuse ;

- que les CENTRES COMMUNAUX D'ACTION SOCIALE ne sont pas compétents pour instituer des sanctions financières destinées à réprimer les atteintes à l'ordre public qu'il appartient aux tribunaux répressifs de connaître ;

- que la délibération litigieuse porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant le service public en ce qu'elle introduit une discrimination sans rapport avec l'objet du service ;

- que l'institution d'un critère tiré du comportement citoyen dans l'attribution des aides facultatives d'urgence ne peut s'inscrire dans le cadre légal de la protection des fonctionnaires et ne relève donc pas d' un intérêt général qui justifierait son caractère discriminatoire ;

- que si les CENTRES COMMUNAUX D'ACTION SOCIALE peuvent déterminer les conditions d'octroi des aides facultatives, il ne sauraient contrevenir aux lois et règlements ni aux principes jurisprudentiels d'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

- qu'en l'espèce, la rupture d'égalité résulte non seulement de la prise en compte a priori du critère de l'attitude citoyenne mais également, en raison de son imprécision, de l'extrême latitude d'interprétation qu'il comporte ;

Vu le mémoire complémentaire présenté le 2 mai 2000 pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les même moyens ;

Il soutient en outre que le déféré du préfet de l'Hérault n'était pas recevable devant le tribunal administratif ; qu'en effet, la délibération attaquée n'avait pas le caractère d'une mesure de police, ni celle d'une sanction financière et ne compromettait l'exercice d'aucune liberté publique , qu'elle constituait une simple mesure d'ordre intérieur destinée à assure la sécurité et la sérénité tant des agents que des usagers du service ; qu'elle n'était, dès lors, pas susceptible de recours ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2003 :

- le rapport de M. Alfonsi, premier conseiller ;

- les observations de Me X..., pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande en première instance :

Considérant qu'eu égard à son objet, qui était d'ajouter une condition nouvelle à celles qui existaient déjà pour l'octroi d'aides d'urgence facultatives, la délibération du 29 mars 1999 du conseil d'administration du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS ne peut être réputée avoir le caractère d'une mesure d'ordre intérieur non susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, le préfet de l'Hérault était recevable à déférer cette délibération au Tribunal administratif de Montpellier en vue de son annulation ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant que, par délibération du 29 mars 1999, le conseil d'administration du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS a décidé de réserver l'octroi des aides d'urgence facultatives aux personnes et parents de mineurs qui ont une attitude citoyenne, c'est à dire qui respectent les personnes et les biens, en particulier les agents du service public et les équipements collectifs ;

Considérant que l'institution de différences de traitement entre les attributaires potentiels des aides d'urgence facultatives, lesquelles n'étaient pas la conséquence nécessaire d'une loi, impliquait l'existence ou de différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement, ou de nécessités d'intérêt général en rapport avec l'objet des dites aides qui auraient commandé de telles discriminations ;

Considérant que l'attitude citoyenne telle qu'elle a été définie par la délibération litigieuse, ne peut constituer une différence de situation objective entre les bénéficiaires potentiels des aides de secours d'urgence qui ont pour objet de secourir les personnes en détresse ;

Considérant, en outre, que la protection due à ses agents par l'administration ainsi que la nécessité d'assurer le bon ordre dans les services ne peuvent être regardées comme des nécessités d'intérêt général en rapport avec l'objet des aides susmentionnées ; que, par suite, le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS ne peut utilement soutenir que la délibération litigieuse trouverait son fondement dans les dispositions du statut général de la fonction publique et, en particulier, dans celle de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 ;

Considérant, enfin, que la nécessité de transparence et de pédagogie quant aux modalités d'attribution des aides sociales facultatives alléguée par le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS ne peut pas davantage justifier légalement l'édiction de la délibération litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération de son conseil d'administration du 29 mars 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à rembourser au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS les frais non compris dans les dépens qu' il a exposés en appel ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE BEZIERS, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 20 octobre 2003, où siégeaient :

Mme Bonmati, présidente de chambre,

M. Moussaron, président assesseur,

M. Alfonsi, premier conseiller,

assistés de Mme Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 24 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Dominique Bonmati Jean-François Alfonsi

Le greffier,

Signé

Patricia Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA02238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA02238
Date de la décision : 24/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. ALFONSI
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : GRANDJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-24;99ma02238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award