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13/11/2003 | FRANCE | N°99MA02198

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 13 novembre 2003, 99MA02198


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 novembre 1999 sous le n° 99MA02198, présentée pour M. et Mme Lucien X, demeurant ..., par Me Serge DEYGAS, avocat au Barreau de Lyon ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 95-174, en date du 8 octobre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable du préjudice qui leur a été causé en raison du caractère inhabitable de leur habitation sise sur le territoire de la commune de C

astagniers, à la suite du sinistre survenu le 24 septembre 1993 ;

2°/ de co...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 novembre 1999 sous le n° 99MA02198, présentée pour M. et Mme Lucien X, demeurant ..., par Me Serge DEYGAS, avocat au Barreau de Lyon ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 95-174, en date du 8 octobre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable du préjudice qui leur a été causé en raison du caractère inhabitable de leur habitation sise sur le territoire de la commune de Castagniers, à la suite du sinistre survenu le 24 septembre 1993 ;

2°/ de condamner l'Etat à leur payer la somme de 2.271.213,01 F augmentée des intérêts et des intérêts des intérêts ;

Classement CNIJ : 68-03-06

60-01-04-005

C

3°/ de condamner l'Etat à leur payer la somme de 30.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Ils soutiennent :

- qu'ils ont obtenu le 30 décembre 1982 un permis de construire signé du maire de Castagniers au nom de l'Etat ;

- qu'un important éboulement s'est produit le 24 septembre 1993 menaçant leur propriété ;

- qu'à la suite de ce sinistre le maire a pris un arrêté d'interdiction d'habiter ;

- qu'ils n'ont toujours pas été autorisés à regagner leur habitation ;

- qu'un rapport du centre d'études techniques de l'équipement en date du 18 novembre 1993 a conclu à l'existence de risques très importants d'éboulements dans l'avenir ;

- qu'un expert désigné par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nice a conclu également à l'impossibilité de l'habitation des maisons évacuées ;

- que ce rapport démontre que les risques d'éboulement affectant la paroi rocheuse, propriété communale et les terrains privés surplombant la propriété des requérants étaient aisément déterminables ;

- que l'Etat savait, ou à tout le moins devait savoir, la consistance du risque, compte tenu de l'étude géologique préalable réalisée par le C.E.T.E. en 1975 ;

- que les services de l'Etat ont admis eux-mêmes l'erreur qui avait été commise ;

- qu'aucune prescription spéciale n'assortissait le permis de construire ;

- qu'en conséquence l'Etat a commis une faute en omettant de délimiter correctement un secteur de risques importants et en accordant un permis de construire illégal au mépris des articles R.111-2 et R.111-3 du code de l'urbanisme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 22 janvier 2001, présenté pour M. et Mme X, par Me Serge DEYGAS, avocat au Barreau de Lyon ; ils maintiennent leurs conclusions et sollicitent, en outre, la capitalisation des intérêts des sommes dues à compter de la date d'enregistrement du présent mémoire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 25 mai 2001, présenté par le Secrétaire d'Etat au logement qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que la responsabilité de l'administration n'est susceptible d'être engagée par la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, que s'il est établi qu'elle avait connaissance du risque ;

- que l'expert précise que l'étude technique faite par le C.E.T.E. en 1975 classe ce secteur en zone 2 définie comme apte à la construction faible sous réserve d'une étude géotechnique ;

- que le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait, au regard des conclusions de ce rapport, savoir que la paroi calcaire était intensément fracturée avec une géométrie de discontinuités favorable à la chute, fragilité qui ne sera mise en évidence qu'avec les très fortes pluies du mois de septembre 1993, dont l'intensité a dépassé très largement celle des pluies constatées habituellement dans le secteur ;

- que dans l'hypothèse où la responsabilité de l'Etat serait retenue, celle-ci serait exonérée partiellement par la faute de la victime ;

- que la maison des appelants est en parfait état et qu'elle est inhabitable en raison des arrêtés du maire de Castagniers ;

- que les emprunts contractés par les intéressés sont liés au choix de financement de leur maison et ne présentent pas de lien direct avec les fautes de l'Etat alléguées ;

- qu'en tout état de cause, le remboursement des emprunts ne peut se cumuler avec une indemnisation de la maison ;

- que la perte de valeur de leur propriété n'est que purement éventuelle, puisque les requérants sont restés propriétaires d'une maison qui n'a subi aucun dommage du fait de l'éboulement ;

- que l'évaluation faite ressort d'une expertise qui n'a pas été contradictoire et qui ne peut être retenue ;

- que le relogement est lié directement aux arrêtés de péril du maire de Castagniers et non à la faute alléguée de l'Etat et, ainsi, le montant des loyers qui en résulte ne peut être mis à sa charge ;

- que les factures d'électricité, d'eau, de chauffage, de fuel et de téléphone correspondent aux charges normales de tout locataire qu'ils auraient dû, en tout état de cause, payer en tant que propriétaires et ce même en l'absence d'éboulement ;

- que les impôts et taxes afférents au terrain sont sans lien direct avec les fautes alléguées de l'Etat ;

- que le préjudice lié aux frais divers relatif au référé et au procès-verbal n'est pas établi ;

- que la circonstance que la maison soit inhabitable ne résulte pas de la faute alléguée de l'Etat, mais des arrêtés de péril du maire de Castagniers ;

- que s'agissant de l'achat du canapé-lit, de l'armoire et du téléphone portable, ce préjudice est sans lien de causalité direct avec les fautes alléguées de l'Etat ;

- qu'en outre, aucun élément ne permet d'établir la réalité des dépenses ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 13 octobre 2003, présenté pour M. et Mme X, par Me Serge DEYGAS, avocat au Barreau de Lyon ;

Ils maintiennent leurs conclusions initiales et sollicitent, en outre, une nouvelle capitalisation des intérêts à compter de la date d'enregistrement de ce nouveau mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2003 :

- le rapport de M. LAFFET, président assesseur ;

- les observations de Me PROUVEZ, substituant Me DEYGAS, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que M. et Mme X sont propriétaires sur le territoire de la commune de ... - d'une maison d'habitation, située en contrebas de terrains en pente comportant des éboulis rocheux eux-mêmes dominés par une falaise ; qu'ils dont dû cesser d'occuper cet immeuble à la suite de deux arrêtés municipaux constatant le péril imminent, en date du 24 septembre et du 1er octobre 1993, en raison d'importantes chutes de blocs rocheux survenues après des précipitations exceptionnelles ; qu'un arrêté municipal de prolongation d'évacuation, en date du 7 octobre 1993, a ensuite interdit aux intéressés de regagner leur maison sans autorisation ; que la réalisation de cet immeuble avait été autorisée par un permis de construire délivré le 30 décembre 1982 par le maire de Castagniers, agissant au nom de l'Etat ; que M. et Mme X, qui invoquent la faute qui aurait été commise par les services de l'Etat, en s'abstenant de mettre en oeuvre la procédure de délimitation des terrains exposés à des risques naturels importants, et par le maire, en ne fixant pas dans le permis de construire qu'il leur avait délivré en 1982 des prescriptions spéciales, ont demandé devant le Tribunal administratif de Nice réparation à l'Etat du préjudice subi par eux tant en ce qui concerne la perte de valeur de leur propriété, qu'en ce qui concerne les frais qu'il ont dû engager pour se reloger ou pour ce qui est des troubles dans leurs conditions d'existence ; que, par jugement en date du 8 octobre 1999, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ; que M. et Mme X relèvent régulièrement appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la délivrance du permis de construire : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ; que selon l'article R.111-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : La construction sur des terrains exposés à un risque, tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales. - Ces terrains sont délimités par arrêté préfectoral... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une étude géologique réalisée par le laboratoire de Nice du Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement (C.E.T.E.) au mois d'octobre 1975, en vue de l'élaboration du plan d'occupation des sols de Castagniers, le terrain d'assiette de la villa des époux X n'avait pas été classé dans la zone 1 où existaient des risques naturels avérés liés à des écroulements ou éboulements de falaises, mais dans la zone 2 correspondant à des possibilités de risques naturels induits ou inhérents à une faible portance des terrains et dans laquelle toute construction devait faire l'objet pour cette dernière raison d'une étude géotechnique préalable ; que, toutefois, il re résulte ni des études géologiques effectuées après la survenance du sinistre tant par le C.E.T.E. d'Aix-en-Provence que par l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, que la pente d'éboulis existant au pied de la falaise située en amont de la parcelle où est situé l'immeuble pouvait présenter à la date de délivrance du permis de construire des risques prévisibles d'éboulement ; que, dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques de la zone où est située la propriété de M. et Mme X, telles qu'elles étaient connues des services techniques lorsqu'a été délivré, le 30 décembre 1982, le permis de construire, ni les services de l'Etat, en ne mettant pas en oeuvre la procédure de délimitation des zones exposées aux risques naturels prévue à l'article R.111-3 du code de l'urbanisme, alors applicable, ni le maire de Castagniers, agissant au nom de l'Etat, en se bornant à assortir le permis de construire délivré à M. et Mme X d'une étude géologique préalable sur la portance du terrain d'implantation de la construction, n'ont commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers les pétitionnaires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 8 octobre 1999, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable du préjudice qu'ils ont subi à raison d'un éboulement rocheux en amont de leur propriété et qui a justifié l'évacuation de leur habitation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la commune de Castagniers.

Délibéré à l'issue de l'audience du 23 octobre 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. LAFFET, président assesseur,

M. CHERRIER, premier conseiller,

assistés de Mme GUMBAU, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 13 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Bernard LAFFET

Le greffier,

Signé

Lucie GUMBAU

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA02198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA02198
Date de la décision : 13/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. LAFFET
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : DEYGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-13;99ma02198 ?
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