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10/11/2003 | FRANCE | N°00MA00095

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 10 novembre 2003, 00MA00095


Vu la requête enregistrée le 20 janvier 2000 au greffe de la Cour d'appel de Marseille sous le n° 00MA00095, présentée pour la société en nom collectif Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT (B.M.T.) dont le siège social est à Santa Giulia, à Propriano (20110), par Me Jean-Paul Y..., avocat au barreau d'Ajaccio ;

La S.N.C. demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 19 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 396.558, 45 euros ;

Classement CNIJ : 18-01

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/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 396.558, 45 euros en règlement des travau...

Vu la requête enregistrée le 20 janvier 2000 au greffe de la Cour d'appel de Marseille sous le n° 00MA00095, présentée pour la société en nom collectif Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT (B.M.T.) dont le siège social est à Santa Giulia, à Propriano (20110), par Me Jean-Paul Y..., avocat au barreau d'Ajaccio ;

La S.N.C. demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 19 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 396.558, 45 euros ;

Classement CNIJ : 18-01

2°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 396.558, 45 euros en règlement des travaux qu'elle a réalisés pour le compte de la commune de Levie, ainsi que les intérêts moratoires pour une somme de 146.409, 38 euros ;

3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2.286, 74 euros au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :

- que le principe d'universalité budgétaire et son corollaire, l'unité de caisse, admettent des exceptions pour l'affectation d'une subvention spécifique à une opération déterminée ;

- qu'en versant le produit de subventions et d'avances spécifiques à des dépenses étrangères à la nature et à l'objet des opérations devant être payées le comptable public a failli à son contrôle de l'exacte imputation de la dépense ;

- qu'en acceptant d'utiliser des fonds provenant de recettes destinées à financer des travaux d'assainissement déterminés pour payer des opérations étrangères à l'objet même desdits travaux, le comptable public a méconnu à due concurrence les droits du véritable créancier ;

- qu'aux termes du code général des collectivités territoriales les services publics d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial dont les budgets doivent être équilibrés en recettes et en dépenses ;

- que cette circonstance rendait impossible l'utilisation des subventions reçues pour le paiement des dépenses de la commune ;

- que le comptable, en méconnaissant ces règles, à commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- que le comptable public, en disposant à sa guise des recettes imputées sur des crédits de paiement inscrits sur des chapitres budgétaires déterminés par les autorités administratives appelées à financer l'ouvrage a commis une faute et ne s'est pas acquitté de ses contrôles sur le caractère libératoire du règlement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande à la Cour :

- de rejeter la requête susvisée ;

A cette fin, il soutient :

- qu'il n'appartient pas au comptable public de se substituer à l'ordonnateur pour émettre les mandats et désigner, en cas d'absence ou d'insuffisance de trésorerie, l'ordre de priorité des mandats à payer ;

- que le principe d'unité de caisse interdit au comptable public de bloquer les sommes correspondant à des subventions dans l'attente du règlement à l'entreprise ayant réalisé les travaux subventionnés ;

- que le comptable public n'a enfreint ni la règle selon laquelle il doit s'assurer du caractère libératoire des règlements, ni celle qui lui impose de contrôler l'exacte imputation budgétaire des dépenses ;

- que les suspensions de paiement effectuées par le comptable public compte tenu du résultat de ses contrôles sont justifiés et ne sauraient s'assimiler à un dysfonctionnement constitutif d'une faute de service ;

- que l'accusation de détournement des subventions par le comptable public est dépourvue de tout fondement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2003 :

- le rapport de M. FIRMIN, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant qu'en vertu d'un marché relatif aux travaux de restructuration du réseau d'assainissement et de construction de la station d'épuration communale conclu entre la société en nom collectif CISE Midi et la commune de Levie, le 17 janvier 1992, la société en nom collectif Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT (B.M.T.) était sous-traitante du lot n° 1, génie civil, dudit marché, lot dont le montant s'élevait, compte tenu du marché initial et des avenants l'ayant modifié, à 444.933, 77 euros ; que bien qu'ayant signé le décompte définitif du marché le 30 septembre 1994 et le procès verbal de réception sans réserves des travaux, le 4 octobre suivant, le maire de Levie n'a pu, eu égard au caractère déficitaire du budget communal, régler à la société titulaire que la somme de 48.375, 32 euros ; que ladite société demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 396.558, 45 euros en règlement du solde du marché qu'elle a exécuté pour le compte de la commune de Levie , outre les intérêts moratoires de ladite somme qu'elle estime à 146.409, 38 euros ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances : Sauf dérogation admise par le ministre des finances, les collectivités territoriales de la République et les établissements publics sont tenus de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités. Sous réserves des dispositions particulières concernant les comptes courants des Etats étrangers et des banques d'émission de la zone franc, aucun découvert ne peut être consenti à un correspondant du Trésor. ; qu'aux termes de l'article 23 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : Il est fait recette du montant intégral des produits sans contraction entre les recettes et les dépenses. et qu'aux termes de l'article 44 du même décret : Un poste comptable dispose d'une seule caisse et, sauf autorisation du ministre des finances, d'un seul compte courant postal. ;

Considérant que, si la société requérante soutient que le principe d'universalité budgétaire, posé par les dispositions sus-rappelées de l'article 23 du décret du 29 décembre 1962 connaît de nombreuses exceptions et qu'il en va notamment ainsi lorsque, comme au cas d'espèce, une opération déterminée fait l'objet , par des organismes publics, de subventions spécifiques devant être retracées dans un budget annexe équilibré en dépenses et en recettes, la fongibilité de la trésorerie des organismes publics, induite, d'une part, par ledit principe d'universalité budgétaire et, d'autre part, par le principe d'unité de caisse résultant des dispositions de l'article 44 du décret du 29 décembre 1962, s'oppose à ce que le comptable public opère une distinction entre les différentes recettes encaissées pour les imputer corrélativement aux dépenses correspondantes ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas au comptable public de se substituer à l'ordonnateur pour émettre les mandats et désigner, en cas d'absence ou d'insuffisance de trésorerie, l'ordre de priorité des mandats à payer, quand bien même une dépense ferait l'objet d'une subvention spécifique ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 12 du décret susvisé du 29 décembre 1962 : Les comptables sont tenus d'exercer : (...) B. En matière de dépenses, le contrôle : De la qualité de l'ordonnateur ou de son délégué ; De la disponibilité des crédits ; De l'exacte imputation des dépenses aux chapitres qu'elles concernent selon leur nature ou leur objet ; De la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après ; Du caractère libératoire du règlement. ; qu'aux termes de l'article 13 du même décret : En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : La justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation ; L'intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications.(...). ; et qu'aux termes de l'article 35 du décret du 29 décembre 1962 : Le règlement d'une dépense est libératoire lorsqu'il intervient selon l'un des modes de règlement prévus à l'article précédent au profit du créancier ou de son représentant qualifié.(...). ;

Considérant que si la S.N.C. Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT soutient à l'appui de ses conclusions qu'en versant le produit de subventions et d'avances spécifiques à des dépenses étrangères à la nature et à l'objet des opérations devant être payées le comptable public a failli à son contrôle de l'exacte imputation de la dépense et qu'en acceptant d'utiliser des fonds provenant de recettes destinées à financer des travaux d'assainissement déterminés pour payer des opérations étrangères à l'objet même desdits travaux, le comptable public a méconnu à due concurrence les droits du véritable créancier et par là même ne s'est pas acquitté de ses contrôles sur le caractère libératoire du règlement, il résulte des dispositions sus-reproduites que si le comptable est tenu de s'assurer qu'une dépense est bien imputée sur les chapitres qu'elle concerne, selon sa nature ou son objet, il ne lui appartient pas de vérifier que les sommes reçues au titre de subventions sont affectées au paiement exclusif des prestataires ayant réalisé l'ouvrage subventionné ; que le caractère libératoire d'un règlement s'apprécie au regard d'un mandat déterminé et des pièces justificatives produites à son appui ; que, de ces différents points de vue, il ne résulte pas de l'instruction que le comptable public de la commune de Levie aurait, à l'occasion de ces contrôles, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la société requérante notamment en acceptant un paiement partiel de la créance que cette dernière détenait sur la commune de Levie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société en nom collectif Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 396.558, 45 euros en règlement des travaux qu'elle a réalisés pour le compte de la commune de Levie , ainsi que les intérêts moratoires de ladite somme ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code précité la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions susmentionnées de la société Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société en nom collectif Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Bâtiment MOCCHI TOUSSAINT, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au Trésorier Payeur Général de la Corse du Sud.

Délibéré à l'issue de l'audience du 21 octobre 2003, où siégeaient :

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

M. X..., M. FIRMIN, premiers conseillers,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 10 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Jean-Christophe DUCHON-DORIS Jean-Pierre FIRMIN

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

00MA00095 6


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. FIRMIN
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : PASTOREL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Date de la décision : 10/11/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 00MA00095
Numéro NOR : CETATEXT000007581785 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-10;00ma00095 ?
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