Vu la requête et le mémoire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 octobre 2002, sous le n° 02MA02291, présentée pour la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR, représentée par son maire en exercice, autorisé par délibération du conseil municipal en date du 2 avril 2002 par Me CLAUZADE, avocat ;
La COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 10 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a, à la demande de M. Gilbert Y, annulé la décision du maire de LA VALETTE refusant de mandater l'indemnité du licenciement de M. Gilbert Y, et lui a enjoint de procéder à ce mandatement dans un délai de deux mois ;
Classement CNIJ : 54-01-07-05
C
2°/ d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;
3°/ de condamner M. Gilbert Y à lui verser une somme de 1.500 euros et une somme de 750 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- qu'il a été mis fin au détachement de M. Y dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services, compte tenu de l'incapacité de M. Y à pouvoir assurer physiquement l'ensemble de ses missions ;
- que la procédure de fin de détachement n'était pas applicable au cours d'espèce ;
- que les arrêtés du 6 novembre 2000 ne sont pas des décisions créatrices de droit ;
- que l'arrêté du 18 octobre 2000 a été obtenu par fraude et ne peut créer de droits ;
- qu'ainsi ces décisions pouvaient être retirées à tout moment ;
- que ces moyens sont sérieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 16 et 23 décembre 2002, présentés par M. Gilbert Y, qui conclut qu rejet de la requête et, en outre, à la condamnation de la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR à lui verser une somme de 750 euros et une somme de 1.500 euros ;
Il soutient :
- que les écrits du représentant de la commune sont calomnieux et diffamatoires ;
- que l'arrêté du 6 novembre 2000, assorti d'un certificat administratif de liquidation de dépense, n'a pas un caractère récognitif ;
- que l'arrêté du 18 octobre 2000 prenant effet au 1er février 2001 n'est pas une décision de retrait ;
- que la procédure n'est pas entachée de fraude ;
- que les autres mesures suggérées auraient été financièrement plus intéressantes pour l'intéressé ;
- que le contrôle de légalité n'a pas fait d'observation ;
- que le représentant de la Ville procède par amalgame et supputations ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 février 2003, présenté par M. Gilbert Y, qui conclut en outre à ce que la Cour enjoigne au maire de LA VALETTE DU VAR de mandater l'indemnité de licenciement, assortie des intérêts de retard dans un délai de 2 mois ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juin 2003, présenté pour la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR, qui persiste dans ses conclusions ;
Elle soutient :
- que la fin du détachement de M. Y procède d'une volonté délibérée de cesser son activité professionnelle, au mieux de ses intérêts ;
- que l'instruction de son dossier n'a pas été collégiale ;
- que la loi pénale fait partie du bloc de la légalité administrative ;
- que le maire de la VALETTE DU VAR était en situation de compétence liée pour refuser de mandater l'indemnité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2003 :
- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;
- les observations de Me CLAUZADE pour la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par arrêté en date du 18 octobre 2000, le maire de la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR a mis fin au détachement de M. Gilbert Y à compter du 1er février 2001, dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services de cette commune, pour des raisons liées à la dégradation de l'état de santé de celui-ci, et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter de la même date ; que M. Gilbert Y, ne pouvant être reversé dans un emploi correspondant à son grade de directeur territorial dans la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR, qui compte moins de 40.000 habitants, a demandé l'indemnité de licenciement prévue par les articles 53 et 98 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ; que, par arrêté du 6 novembre 2000, le maire a fait droit à cette demande ; que par un certificat administratif du même jour, le montant de cette indemnité a été liquidé à la somme de 408.357,70 F ; que cependant le maire de LA VALETTE DU VAR a refusé par la suite de mandater le paiement de cette indemnité, estimant que la procédure de licenciement prévue à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ne peut concerner qu'un fonctionnaire au détachement duquel il est mis fin sur l'initiative de l'employeur, pour des raisons professionnelles, et non à la demande de l'intéressé, pour des raisons de santé ; que, par le jugement dont la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR fait appel, le Tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite du maire de la VALETTE DU VAR refusant de mandater l'indemnité de licenciement qu'il avait accordée à M. Y par l'arrêté du 6 novembre 2000 ;
Considérant, en premier lieu, que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR ne conteste pas que la décision implicite de refus de versement de l'indemnité de licenciement est intervenue plus de quatre mois après le 6 novembre 2000 ;
Considérant qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 6 novembre 2000, constituant une décision purement récognitive, pourrait être retiré à tout moment, n'est pas fondé ; que si le certificat administratif de même date ne crée effectivement aucun droit au profit de M. Y, il n'est pas établi, ni même allégué, que la liquidation de l'indemnité de licenciement auquel il procède ne serait pas conforme au mode de calcul de cette indemnité fixé par l'arrêté du 6 novembre 2000 devenu définitif ;
Considérant, en second lieu, que si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré, il incombe à l'ensemble des autorités administratives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin ; que l'arrêté du 18 octobre 2000 mettant fin au détachement de M. Y selon la procédure prévue à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 n'a pas été retiré par la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR ; qu'ainsi, et en tout état de cause, à supposer même que M. Gilbert Y ait sciemment induit en erreur le maire de la commune sur les règles de droit applicables à son propre cas, pour en retirer un avantage indu, la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR ne pouvait se fonder sur cette fraude éventuelle pour refuser le mandatement de l'indemnité de licenciement de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR, dont le maire n'était pas tenu de refuser le versement de l'indemnité de licenciement, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé cette décision implicite de refus de mandatement, et lui a enjoint de procéder au mandatement de l'indemnité dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement ;
Sur l'exécution du jugement et les intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article L.11 du code de justice administrative : Les jugements sont exécutoires. ; qu'aux termes de l'article L.911-1 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; enfin qu'aux termes de l'article L.911-4 du même code : En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ;
Considérant que l'article 2 du jugement attaqué prescrit au maire de la VALETTE DU VAR de mandater le montant de l'indemnité de licenciement dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que, si la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR a demandé le sursis à exécution de ce jugement, l'intervention de la présente décision rend lesdites conclusions sans objet ;
Considérant que, dans son mémoire enregistré le 22 avril 2003, M. Y demande à la Cour d'enjoindre à la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR de procéder au mandatement de l'indemnité de licenciement, majorée des intérêts de retard, dans le délai de deux mois, sous astreinte ; que si, dans la mesure où le tribunal avait déjà prononcé une injonction à l'adresse de la commune, une partie de ces conclusions était sans objet à cette date, il y a lieu d'une part de préciser que la somme de 62.253 euros correspondant au montant de l'indemnité de licenciement due à M. Y doit porter intérêts à compter du 1er février 2001, date de prise d'effet de la décision de licenciement, d'autre part d'assortir l'injonction de procéder au mandatement de cette indemnité d'une astreinte de 200 euros par jour de retard au-delà du délai de deux mois à partir de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Y, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions susmentionnées de la requérante ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête susvisée de la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint à la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR de procéder, si elle ne l'a pas déjà fait en exécution du jugement susvisé, de procéder, dans un délai de deux mois après la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, au mandatement de la somme de 62.253 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 1er février 2001.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LA VALETTE DU VAR, à M. Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience du 24 juin 2003, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
M. ZIMMERMANN, premier conseiller,
assistés de Mlle FALCO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 16 septembre 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE FrancK ZIMMERMANN
Le greffier,
Signé
Sylvie FALCO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 02MA02291