Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 25 avril 2001 sous le n° 01MA00981, présentée pour M. Brahim X, demeurant chez
M. Y X, ..., par Me HUBERT, avocat ;
M. Brahim X demande à la Cour :
1'/ d'annuler le jugement du 13 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date
du 22 mai 1997 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
2'/ de faire droit à sa demande de première instance ;
3°/ de prescrire au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard ;
Classement CNIJ : 335-01-03-04
C
3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 F au titre des frais exposés ;
Il soutient que l'absence de visa de long séjour ne pouvait lui être opposée, dès lors qu'il avait formé sa demande sur le fondement de la circulaire du 24 juin 1997 ; qu'il est constant qu'il remplissait les conditions posées par cette circulaire pour voir sa situation régularisée ; qu'en outre il justifiait de dix années de présence habituelle en France et pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 12 bis de l'ordonnance du
2 novembre 1945 ; que le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa situation au regard de l'accord franco-tunisien, dès lors qu'aucune stipulation de cet accord n'a le même objet ; qu'enfin, compte tenu des liens sociaux qu'il a noués en France ainsi que de la présence de membres de sa famille, la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le12 juin 2001 par lequel le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2003 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- et les conclusions de M.TROTTIER, premier conseiller ;
Sur la légalité de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ; qu'aucune des stipulations dudit accord n'a pour objet de réglementer l'attribution d'une carte de séjour temporaire à un ressortissant tunisien du seul fait de la durée de sa résidence habituelle en France ; que, dès lors, ledit accord ne fait pas obstacle à ce qu'il soit fait application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 qui régissent l'octroi des cartes de séjour temporaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, applicable le 22 mai 1998, date à laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (...) 3°) à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de 10 ans ou plus de15 ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; que le requérant justifie qu'il résidait en France depuis dix ans à la date à laquelle lui a été opposé un refus de séjour ; que si les premiers juges ont estimé qu'il ne justifiait pas de sa présence en France au cours des années 1988 et 1991, les pièces qu'il produit en appel, dont la valeur probante n'a pas été contestée par le ministre de l'intérieur, attestent de sa présence au cours desdites années ; qu'il en résulte qu'en refusant de délivrer un titre de séjour au requérant, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions précitées de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que
M. X est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, ainsi que la décision du préfet des Bouches-du-Rhône ;
Sur la demande d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à M. X ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'autorité compétente de délivrer un tel titre au requérant ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prescrire que cette décision intervienne dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 13 mars 2001 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 mai 1998 sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à
M. Brahim X, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale .
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Brahim X, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au Trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône et à
Me Claudie Hubert.
Délibéré à l'issue de l'audience du 26 juin 2003, où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. GUERRIVE, président assesseur,
M. CHAVANT, premier conseiller,
assistés de Melle MARTINOD, greffière ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 2 juillet 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jean-Louis GUERRIVE
La greffière,
Signé
Isabelle MARTINOD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 01MA00981