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20/06/2003 | FRANCE | N°01MA02407

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre, 20 juin 2003, 01MA02407


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 novembre 2001 sous le n 01MA002407, présentée pour M. et Mme X demeurant ... , par Me JULLIEN, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 00-3254 en date du 23 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'Assistance Publique à Marseille soit condamnée à leur verser la somme de 1.000.000 F en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du décès de leur fils mineur Y outre la somme de 15.

000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 novembre 2001 sous le n 01MA002407, présentée pour M. et Mme X demeurant ... , par Me JULLIEN, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 00-3254 en date du 23 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'Assistance Publique à Marseille soit condamnée à leur verser la somme de 1.000.000 F en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du décès de leur fils mineur Y outre la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Classement CNIJ : 18-04-02-05

C

2°/ de condamner l'Assistance Publique à Marseille à leur verser l'indemnité susvisée de 1.000.000 F (152.449,02 euros) ainsi qu'une somme de 15.000 F (2.286,74 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Ils font valoir que leur enfant Y était atteint d'une maladie grave dite de Werdnig-Hoffman qui se manifeste par une paralysie des quatre membres et de l'axe du corps ; que le 29 avril 1993, alors qu'il était âgé de 2 ans et demi, leur fils s'est coincé la tête dans un coffre à jouets dont il n'a pu se dégager du fait de sa paralysie ; qu'il s'en est suivi un mal convulsif à la suite d'un arrêt respiratoire ; que leur enfant a alors été transporté au service de pédiatrie de l'hôpital de la Timone à Marseille ; que dès son arrivée à l'hôpital, son père a indiqué à l'interne de service que son fils devait être branché en permanence à un appareil appelé oxymètre de pouls nécessaire pour mesurer le taux d'oxygène dans le sang ; que, dans la mesure où le service en question ne disposait pas de cet appareil, ils ont apporté à l'hôpital leur propre oxymètre, qui devait selon les prescriptions de leur médecin traitant, être branché toutes les nuits afin de prévenir le risque d'un arrêt cardio-respiratoire auquel l'enfant était exposé du fait de sa maladie ; que l'interne de service, trouvant l'appareil en question trop compliqué d'utilisation, a omis d'indiquer aux infirmières de garde la nuit suivante de brancher cet appareil ; que leur enfant s'est étouffé au cours de la nuit du 30 avril au 1er mai 1993 et est décédé ;

Ils soutiennent que le décès de leur enfant résulte d'une faute médicale du fait de la négligence et de l'erreur d'appréciation de l'interne de service quant à l'utilisation de l'oxymètre ainsi que d'un défaut dans l'organisation du service en raison d'une part de l'insuffisance du personnel soignant travaillant la nuit que du non respect des horaires de rondes effectuées par les infirmières et de la négligence du personnel en activité cette nuit-là ; qu'ainsi leur enfant, du fait de ces fautes imputables au service hospitalier, a perdu la chance de vivre plus longtemps ; que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande au motif qu'elle était atteinte par la prescription quadriennale ; qu'en effet, dans le cours de ce délai, ils se sont constitués partie civile devant le doyen des juges d'instruction près le Tribunal de Grande Instance de Marseille le 27 février 1995 ; que s'ils ont attendu la fin de l'instance pénale pour saisir le tribunal administratif, le recours intenté devant le juge pénal était interruptif dès lors qu'il s'agissait du même fait générateur ; que l'existence des négligences fautives du service hospitalier n'a pu être établie que par la procédure pénale ; qu'ils sont donc fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense transmis par télécopie, enregistré le 18 juillet 2002, présenté pour l'Assistance Publique à Marseille, représentée par son directeur à ce dûment autorisé par une délibération du conseil d'administration en date du 25 avril 2002, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, et par lequel elle conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande de M. et Mme X au motif que leur créance était atteinte par la prescription quadriennale ; qu'en effet, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la plainte contre X déposée par les intéressés le 27 février 1995 qui n'était pas dirigée contre une collectivité publique n'a pu interrompre le délai de déchéance quadriennale ; qu'ainsi, lorsqu'ils ont saisi ses services le 27 mars 2000 de leur demande de réparation de leur préjudice, leur créance était éteinte ; que les appelants ne peuvent soutenir qu'ils étaient dans l'ignorance de la créance qu'ils pouvaient détenir à l'égard de l'Assistance Publique à Marseille jusqu'à la fin de l'instance pénale dès lors qu'il ressort de l'argumentation qu'ils ont développée devant le juge pénal qu'ils étaient conscients qu'ils avaient été victimes d' un fonctionnement défectueux du service public ;

Vu l'exemplaire original du mémoire susvisé, enregistré le 22 juillet 2002 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2002, présenté par M. et Mme X et par lequel ils concluent aux mêmes fins que leur requête et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2002, présenté par M. et Mme X et par lequel ils concluent aux mêmes fins que leur requête et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mars 2003, présenté pour M. et Mme X et par lequel ils transmettent à la Cour une pièce ;

Vu la décision en date du 28 janvier 2002 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de Grande Instance de Marseille a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme X ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mai 2003, présentée par M. et Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2003 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- les observations Me BŒUF-MARTIN substituant Me JULLIEN pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que M. et Mme X ont demandé au Tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance Publique à Marseille à leur verser une indemnité en réparation du préjudice qu'ils avaient subi du fait du décès de leur enfant mineur Y survenu dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1993 dans les services de l'hôpital de la Timone à Marseille ; que, par un jugement en date du 23 octobre 2001, le Tribunal administratif a rejeté la demande des intéressés en faisant droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par l'Assistance Publique à Marseille ; que M. et Mme X relèvent régulièrement appel du jugement dont s'agit ;

Sur l'exception de prescription retenue par le Tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ; qu'aux termes de l'article 2 de ladite loi : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance... / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ;

Considérant, en premier lieu, que le décès de l'enfant de M. et Mme X, alors âgé de deux ans et demi, est survenu dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1993 à l'hôpital de la Timone à Marseille où il avait été admis la veille suite à un accident domestique ; que, si M. et Mme X soutiennent qu'ils n'auraient eu connaissance de l'existence de négligences fautives du service hospitalier qu'à l'issue de la procédure pénale qu'ils avaient diligentée en déposant plainte avec constitution de partie civile le 27 février 1995, il résulte de l'instruction que les intéressés ne peuvent être regardés comme ayant, jusqu'à cette date, ignoré l'existence de la créance dont ils pouvaient éventuellement se prévaloir à l'égard de l'Assistance Publique à Marseille, pour les mêmes faits, dès lors que la faute médicale et les fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier sur lesquelles M. et Mme X fondent leur créance contre l'Assistance Publique à Marseille, leur étaient connues dès la date du décès de leur enfant ; que, dès lors, en application des dispositions sumentionnées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 1994 ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions susrappelées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 subordonnent l'interruption du délai de prescription qu'elles prévoient en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d'une collectivité publique ou d'un établissement public ; que si la plainte contre X déposée par M. et Mme X le 27 février 1995 n'était pas dirigée à l'encontre de l'établissement public hospitalier ou d'une collectivité publique, il résulte de l'instruction, et notamment de la pièce produite en appel par M. et Mme X, que ces derniers se sont constitués, le 3 août 1994, partie civile pour homicide involontaire contre le centre hospitalier de la Timone à Marseille, dans une action pénale dirigée à l'encontre de praticiens de cet établissement ; que ce recours juridictionnel, qui avait trait au fait générateur de la créance et qui mettait en cause expressément un établissement public a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ladite action pénale ait donné lieu à une décision du juge répressif passée en force de chose jugée au sens des dispositions précitées de l'article 2 dernier alinéa de la loi du 31 décembre 1968 ; que, par suite, il n'est pas établi que le nouveau délai de prescription de quatre ans qui, en application desdites dispositions, courrait à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision du juge pénal était passée en force de chose jugée, était expiré lorsque M. et Mme X ont adressé à l'Assistance Publique à Marseille, le 27 mars 2000, une demande tendant à la réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du décès de leur enfant Y ; que, par suite, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande en accueillant l'exception de prescription quadriennale opposée par le directeur de l'Assistance Publique à Marseille ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. et Mme X tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, pour rechercher la responsabilité de l'Assistance Publique à Marseille, M. et Mme X soutiennent que le décès de leur enfant résulterait tant de fautes médicales que de fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de statuer sur la demande des intéressés ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

D E C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. et Mme X, procédé à une expertise médicale.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Il aura pour mission :

1) de décrire l'état de santé de l'enfant Y X avant l'accident domestique dont il a été victime ;

2) de décrire les conditions dans lesquelles l'enfant Y X a été hospitalisé le 29 avril 1993 et soigné à l'hôpital de la Timone à Marseille ; il précisera le traitement entrepris, les soins reçus ainsi que les mesures de surveillance décidées par le personnel soignant de l'établissement hospitalier ;

3) de réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, de soins, dans l'organisation ou le fonctionnement du service ont été commises lors de l'hospitalisation de l'enfant Y ;

4) de se prononcer sur l'origine du décès de l'enfant Y et de rechercher si les traitements administrés à l'enfant et la surveillance exercée par l'établissement hospitalier étaient adaptés à son état, de préciser notamment si le branchement à l'appareil dénommé oxymètre de pouls était nécessaire pour assurer la surveillance ou le traitement de son état de santé et enfin d'indiquer si le centre hospitalier ne devait pas apporter d'autres soins à l'enfant au cours de son hospitalisation, compte tenu de son état de santé initial.

Article 4 : L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de l'enfant Y X et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiqués sur l'enfant au cours de son hospitalisation ; il pourra entendre toute personne du service hospitalier ayant donné des soins à l'enfant Y.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 :Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à l'Assistance Publique à Marseille, à la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Délibéré à l'issue de l'audience du 7 mai 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. HERMITTE et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme RANVIER, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 05 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

Le greffier,

Signé

Patricia RANVIER

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°01MA02407 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 01MA02407
Date de la décision : 20/06/2003
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit - expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. BENOIT
Avocat(s) : JULLIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-20;01ma02407 ?
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