La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2003 | FRANCE | N°99MA01440

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 19 juin 2003, 99MA01440


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 juillet 1999, sous le n° 99MA01440, présentée pour la société à responsabilité limitée JUNEL, dont le siège social est ..., par Me Hubert X..., avocat ;

La S.A.R.L. JUNEL demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 97/5948 et n° 98/3797, en date du 29 avril 1999, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune d'Eguilles à lui payer la somme de 2.007.562,72 F en réparation des préjudices qu'elle estimai

t avoir subi du fait, d'une part, de la délivrance, le 9 juin 1995, par le maire...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 juillet 1999, sous le n° 99MA01440, présentée pour la société à responsabilité limitée JUNEL, dont le siège social est ..., par Me Hubert X..., avocat ;

La S.A.R.L. JUNEL demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 97/5948 et n° 98/3797, en date du 29 avril 1999, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune d'Eguilles à lui payer la somme de 2.007.562,72 F en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subi du fait, d'une part, de la délivrance, le 9 juin 1995, par le maire de la commune, d'un permis de construire illégal et, d'autre part, du refus illégal du maire de lui délivrer un nouveau permis de construire ;

Classement CNIJ : 68-03-06

C

2°/ de condamner la commune d'Eguilles à lui payer la somme de 2.007.562,72 F ;

3°/ de condamner également la commune à lui verser la somme de 20.000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

La S.A.R.L. JUNEL soutient :

- que la requête n° 98-3797 est parfaitement recevable, dans la mesure où une demande préalable a été adressée à la commune, qui, au demeurant, a lié le contentieux en ne soulevant pas cette irrecevabilité avant toute défense au fond ;

- que les multiples irrégularités qui ont affecté la délivrance du permis de construire, puis le refus de délivrance d'un nouveau permis de construire lui ont causé un préjudice certain, dont elle est fondée à demander réparation ;

- que ledit préjudice ne saurait être inférieur à la somme de 2.007.562,72 F ;

Vu, enregistré le 14 octobre 1999, le mémoire ampliatif de la S.A.R.L. JUNEL, tendant aux mêmes conclusions par les mêmes moyens et exposant en outre :

- que c'est à tort que les premiers juges ont limité la période de responsabilité de la commune à la durée comprise entre la date du 9 juin 1995, à laquelle le permis de construire lui a été illégalement délivré et celle du 4 août 1995, à laquelle le maire d'Eguilles a retiré ledit permis ;

- que l'annulation prononcée le 10 avril 1997 par le tribunal administratif ayant un effet rétroactif, le permis délivré le 9 juin 1995 a valablement produit ses effets jusqu'au jour du jugement attaqué ;

- que l'appel devant la Cour de céans n'ayant eu aucun effet suspensif, elle était fondée à se prévaloir d'un permis légal jusqu'à la date du 13 octobre 1998, à laquelle l'arrêt de la Cour administrative de Marseille a infirmé le jugement du tribunal administratif annulant la décision du maire d'Eguilles, retirant le permis de construire délivré le 9 juin 1995 ;

- que si le maire d'Eguilles a, le 4 août 1995, refusé de lui délivrer un nouveau permis de construire, le tribunal administratif a, par un jugement en date du 10 avril 1997, confirmé par l'arrêt en date du 13 octobre 1998 de la Cour de céans, annulé cette décision ; que, contrairement à la position adoptée par les premiers juges, dès lors que la Cour avait estimé légal le reclassement en zone constructible d'un espace boisé classé, elle pouvait obtenir un permis de construire sur la parcelle dont s'agit ;

- que l'estimation du préjudice subi doit, tout d'abord, intégrer le coût d'acquisition du terrain, qui à la suite d'une nouvelle révision du plan d'occupation des sols doit être regardé comme inconstructible ; qu'elle est fondée de ce chef, à réclamer la somme de 1.420.000 F ;

- que les frais d'acquisition foncière, les frais d'études et de gestion, ainsi que les frais financiers sont indemnisables ; que leur montant s'élève à la somme de 587.562,72 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 15 novembre 1999, présenté pour la commune d'Eguilles par Me Jean-Bernard Z..., avocat, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

La commune d'Eguilles soutient :

- que dans sa requête d'appel, enregistrée le 30 juillet 1999, la société JUNEL se borne à reprendre les moyens soulevés en première instance, sans articuler aucun moyen à l'encontre du jugement entrepris ;

- que de tels moyens n'ont été articulés que dans le mémoire ampliatif enregistré le 14 octobre 1999, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel ; que la requête est, par conséquent, irrecevable ;

- que c'est à juste titre que les premiers juges ont limité la période de responsabilité de la commune à la date du 4 août 1995, la situation fautive n'ayant existé que jusqu'à la date de retrait du permis de construire litigieux et ce, quand bien même, par l'effet rétroactif du jugement du 10 avril 1997, le permis initial aurait-il été remis en vigueur jusqu'à l'arrêt de la Cour en date du 10 octobre 1998 ;

- que le terrain n'a été acquis que le 6 novembre 1995, soit postérieurement au retrait prononcé par le maire ;

- que les honoraires d'architecte et de géomètre sont datés de 1994 ;

- que, de même, les travaux de défrichement ont commencé avant que le permis du 9 juin 1995 ait été accordé ;

- que s'agissant des frais d'huissier, des travaux divers et des frais financiers, rien ne démontre qu'ils aient, avec l'illégalité commise par le maire, un lien de causalité direct ;

- que la société appelante, au demeurant, a commis de nombreuses imprudences, dès lors qu'un permis similaire avait déjà fait l'objet, en 1992, d'un sursis à exécution prononcé par le Tribunal administratif de Marseille ;

- qu'en outre, après l'annulation du refus de permis de construire, il était possible à la société JUNEL, de confirmer sa demande dans le délai de 6 mois, par application des dispositions de l'article L.600-2 du code de l'urbanisme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, le code de l'urbanisme ;

Vu, le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel,

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2003 :

- le rapport de M. LOUIS, premier conseiller ;

- les observations de Me A..., substituant Me X..., pour la société JUNEL ;

- les observations de Me Y..., substituant Me Z..., pour la commune d'Eguilles ;

- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que par un jugement en date du 29 avril 1999, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la société à responsabilité limitée JUNEL, tendant à la condamnation de la commune d'Eguilles à lui payer la somme de 2.007.562,72 F en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait, d'une part, de la délivrance, le 9 juin 1995, par le maire de la commune, d'un permis de construire illégal et, d'autre part, du refus illégal du maire de lui délivrer un nouveau permis de construire ; que la société JUNEL interjette appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par arrêté en date du 9 juin 1995, le maire de la commune d'Eguilles a délivré à la société JUNEL un permis de construire, en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier de trois bâtiments comprenant dix-sept logements ; que, par un premier arrêté en date du 4 août 1995, le maire d'Eguilles a retiré ledit permis de construire ; que par un second arrêté du même jour, il a, en revanche, refusé de délivrer à la société JUNEL le nouveau permis de construire qu'elle sollicitait ; que par un jugement en date du 10 avril 1997, le Tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux arrêtés ; que par un arrêt, devenu définitif, en date du 13 octobre 1998, la Cour de céans a confirmé ce jugement en tant qu'il avait annulé le refus de permis de construire, mais l'a annulé en tant qu'il prononçait l'annulation de la décision de retrait du permis de construire ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, si le maire de la commune d'Eguilles, en délivrant à la société appelante le 9 juin 1995, un permis irrégulier, a commis une illégalité de nature à engager la responsabilité de la commune, ladite illégalité n'a pas produit d'effet au-delà du 4 août 1995, date à laquelle il a été régulièrement procédé au retrait de cet acte ; que si, ainsi que le soutient la société appelante, le tribunal administratif, a, par l'effet de son jugement du 10 avril 1997, qui prononçait l'annulation cette décision de retrait, remis en vigueur le permis délivré le 9 juin 1995, cette circonstance ne saurait, à elle seule, être de nature à faire regarder la période durant laquelle l'illégalité commise par le maire d'Eguilles a porté préjudice à l'appelante, comme s'achevant le 13 octobre 1998, date de l'arrêt de la Cour, dès lors que ce dernier, dont l'effet est également rétroactif, a eu pour résultat de remettre en vigueur la décision en date du 4 août 1995, par laquelle le maire d'Eguilles a retiré le permis précédemment délivré ; que dès lors, seules les dépenses qui peuvent être regardées comme la conséquence directe de la décision illégale du 9 juin 1995, et qui ont été engagées entre cette date et le 4 août 1995 sont susceptibles d'ouvrir droit à indemnité ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort clairement des termes de l'arrêt en date du 13 octobre 1998, que la Cour a fondé son appréciation de l'illégalité du refus de permis de construire, qu'a opposé, le 4 août 1995, le maire d'Eguilles à la demande de la société JUNEL, sur la circonstance que le maire n'avait pu légalement refuser le permis de construire sollicité sans avoir, au préalable, procédé à une nouvelle consultation, au vu des modifications apportées par la société JUNEL à son projet initial, de la direction des routes, des transports et des équipements du département des Bouches-du-Rhône, en raison des risques que présentait le projet pour la sécurité publique, compte tenu de ses accès sur la route départementale n° 17 ; que dans ces conditions, il n'est nullement établi, contrairement à ce que soutient la requérante, que cette dernière était en droit d'obtenir une nouvelle autorisation de construire ;

Considérant que la société JUNEL présente également des conclusions subsidiaires, tendant au bénéfice de l'indemnité prévue par le second alinéa de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme, qui dispose : ...une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain... ; que, toutefois, de telles conclusions reposent sur une cause juridique distincte de celle qui fonde la responsabilité pour faute de la commune, et qui a seule été soumise aux premiers juges ; qu'elles doivent donc être regardées comme des conclusions nouvelles, présentées pour la première fois à hauteur d'appel ; qu'il suit de là qu'elles sont irrecevables ;

Considérant que si la société appelante a versé au dossier douze extraits de comptes bancaires qui relèvent entre le 1er janvier 1996 et le 1er octobre 1998, le montant des agios qui ont été débités sur son compte bancaire, elle n'établit pas, par cette seule production que ces frais financiers, qui ont en tout état de cause été prélevés postérieurement à la date du 4 août 1995, trouvent leur origine directe dans les fautes commises par le maire d'Eguilles à l'occasion de la délivrance illégale d'un permis de construire le 6 juin 1995 et du refus illégal de délivrer, le 4 août 1995, un nouveau permis de construire ; que, par ailleurs, l'acte authentique par lequel la société JUNEL s'est portée acquéreur des parcelles AO 16, AO 145 et AO 146, a été conclu le 6 novembre 1995, soit postérieurement à la date de retrait du permis de construire ; qu'il en va de même des notes d'honoraires d'huissier, datées du 9 juin 1997, 24 juillet 1997 et du 3 juin 1998, concernant les frais de signification d'un acte, de la facture de la S.A.R.L. JIMI, datée du 8 juin 1998, de la facture de la Compagnie d'Exploitation et de Comptage, en date du 31 juillet 1996 ; que la facture afférente aux honoraires d'architecte d'un montant de 47.440 F, datée du 7 juillet 1994, celle relative aux travaux de dessin, datée du 9 mai 1995, la note d'honoraire de géomètre émise le 7 décembre 1994, qui ont été, en revanche, émises antérieurement à la date de délivrance du permis de construire ne peuvent davantage, de ce fait, être regardées comme ayant leur origine directe dans le permis de construire illégalement délivré ou dans le refus opposé par le maire dans des conditions illégales, à la nouvelle demande de la société JUNEL ; qu'enfin, ni la taxe de défrichement qui n'a au demeurant pas été réclamée à la requérante, ni la facture datée du 2 novembre 1995 qui concerne les études relatives à une opération de lotissement, ni la facture de la société ZERBOLA, qui ne comporte pas la date d'exécution des travaux de défrichement, ne sauraient être regardées comme de nature à établir le lien direct du préjudice allégué avec les fautes commises par le maire de la commune d'Eguilles ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société JUNEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions de la société JUNEL, tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Eguilles, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la S.A.R.L. JUNEL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de la commune d'Eguilles, tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative de condamner la S.A.R.L. JUNEL à payer à la commune d'Eguilles une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la S.A.R.L. JUNEL est rejetée.

Article 2 : La S.A.R.L. JUNEL versera à la commune d'Eguilles une somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. JUNEL, à la commune d'Eguilles et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 5 juin 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M.LOUIS, Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mlle RANVIER, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 19 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

signé signé

Marc ROUSTAN Jean-Jacques LOUIS

Le greffier,

signé

Patricia RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 99MA01440 2


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. LOUIS
Rapporteur public ?: M. BENOIT
Avocat(s) : AMIEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Date de la décision : 19/06/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99MA01440
Numéro NOR : CETATEXT000007581208 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-19;99ma01440 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award