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03/06/2003 | FRANCE | N°99MA01563

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4 eme chambre, 03 juin 2003, 99MA01563


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 août 1999, sous le n° 99MA01563, présentée pour M. et Mme X Giuseppe, demeurant ..., par Me KORHILI, avocate à la Cour ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 98-7153 et n° 98-7154 en date du 25 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande dirigée contre la décision en date du 20 mai 1998 par laquelle le sous-préfet d'Aix en Provence a accordé le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision

de justice prononçant leur expulsion domiciliaire ;

Classement CNIJ : 60-02...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 août 1999, sous le n° 99MA01563, présentée pour M. et Mme X Giuseppe, demeurant ..., par Me KORHILI, avocate à la Cour ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 98-7153 et n° 98-7154 en date du 25 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande dirigée contre la décision en date du 20 mai 1998 par laquelle le sous-préfet d'Aix en Provence a accordé le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice prononçant leur expulsion domiciliaire ;

Classement CNIJ : 60-02-03-01-03

C

2°/ d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

Ils soutiennent que la décision litigieuse méconnaît la déclaration universelle des droits de l'homme du 1er décembre 1948, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du

26 août 1789, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, la déclaration du 26 août 1991 de la sous-commission des droits de l'homme du Conseil Economique et Social, l'article 1er de la loi du 22 juin 1982, dite loi Quillot, l'article 1er de la loi du 6 juillet 1989, dite loi Madelin, l'article 1er de la loi du 31 mai 1990, la décision du Conseil Constitutionnel du 19 janvier 1995 ; que le droit au logement s'impose ainsi à toutes les autorités publiques ; qu'en vertu des dispositions de l'article 26 de la loi dite Besson, de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 et de la circulaire des ministres de la justice, de l'intérieur et du logement du 26 août 1994, il appartenait au préfet d'instituer une coordination entre les procédures de recherche de relogement et l'instruction des demandes de concours de la force publique ; qu'en l'espèce, le préfet n'a pas justifié des démarches accomplies pour reloger les requérants avant d'accorder son concours à leur expulsion ; que, dans ces conditions, le préfet, en autorisant la force publique à intervenir, a pris une décision qui porte gravement atteinte à l'ordre public et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les requérants n'ont jamais obtenu de proposition de relogement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2002, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre demande à la Cour le rejet de la requête ;

Il soutient que l'Etat n'a aucune obligation générale et absolue de trouver des logements pour les personnes en difficulté ; que la loi du 29 juillet 1998 n'était pas applicable aux requérants à la date d'octroi du concours de la force publique et ne les concernerait en tout état de cause pas puisqu'ils n'étaient pas en situation d'impayés de loyers et charges ; que le législateur n'a pas subordonné l'exécution d'une décision de justice autorisant une expulsion domiciliaire à la condition d'un relogement préalable ; que le Conseil Constitutionnel a rappelé dans sa décision concernant la loi du 29 juillet 1998 qu'une telle disposition méconnaîtrait la séparation des pouvoirs ; que, de surcroît, les requérants n'ont pas déposé de dossier alors que trois logements étaient disponibles sur le contingent préfectoral ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 29 avril 2002, présenté par M. et

Mme X ;

M. et Mme X persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre que le sous-préfet était informé de la plainte des requérants visant les faits de faux et usage de faux viciant les jugements de redressement et de liquidation dont l'entreprise de M. X avait fait l'objet ; que ces jugements étaient à l'origine de la vente aux enchères publiques illégale de leur maison ; qu'il a en conséquence exécuté une décision de justice rendue suite à des escroqueries ; que seule la mairie de Salon de Provence a proposé aux requérants un dossier de relogement, sans toutefois donner suite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme du 1er décembre 1948 ;

Vu la convention de l'Organisation des Nations Unies relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 modifiée ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2003 :

- le rapport de M. POCHERON, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi susvisée du 9 juillet 1991 : L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les justiciables nantis d'une décision de justice revêtue de la formule exécutoire sont en droit de compter sur l'appui de la force publique pour assurer l'exécution du titre qui leur a ainsi été délivré ; que cependant l'autorité administrative peut, dans certaines circonstances, notamment en cas de risques de troubles pour l'ordre public, refuser le concours de la force publique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, par ordonnance de référé rendue le 29 avril 1997, le président du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence prononçait l'expulsion de M. et Mme X de leur villa sise à ... ; qu'après une tentative d'expulsion infructueuse le 20 août 1997, l'huissier poursuivant demandait au sous-préfet d'Aix en Provence le concours de la force publique ; que, par lettre du 20 mai 1998, le sous-préfet informait les requérants que leur maintien dans les lieux ne pourrait se prolonger au-delà du 30 juin suivant, date à laquelle l'huissier disposerait du concours de la force publique pour procéder aux opérations d'expulsion ; que, par la suite, le même sous-préfet accordait le dit concours à compter du 15 juin 1998, et l'expulsion était effectuée le 30 octobre suivant ; qu'il ressort des termes mêmes de la requête des époux X que celle-ci doit être regardée comme étant dirigée contre la décision annoncée par la lettre du 20 mai 1998 par laquelle le sous-préfet d'Aix en Provence a accordé le concours de la force publique à l'huissier poursuivant à compter du 15 juin 1998 ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte des dispositions susvisées de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991, qu'en laissant courir un délai d'au moins neuf mois entre la demande de concours de la force publique par l'huissier poursuivant et son octroi, délai pendant lequel les époux X ont eu le temps de chercher un nouveau logement, le sous-préfet d'Aix en Provence, qui n'était tenu par aucune stipulation conventionnelle, disposition législative ou réglementaire, ni par aucun principe général du droit, de s'assurer du relogement effectif des appelants avant d'accorder le concours de la force publique à leur expulsion, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de l'existence de troubles à l'ordre public ; qu'en l'absence de risques de troubles à l'ordre public, il résulte des mêmes dispositions que le sous-préfet dont s'agit était tenu d'apporter le concours de la force publique à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion rendue le 29 avril 1997 par le président du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence, qui avait par nature un caractère exécutoire ; que les époux X ne sauraient ainsi utilement invoquer les conditions dans lesquelles ont été mises en oeuvre en l'espèce les dispositions de la loi susvisée du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement pour établir l'illégalité de la décision du sous-préfet d'Aix en Provence de prêter le concours de la force publique à leur expulsion ; qu'ils ne peuvent davantage invoquer à l'appui de leur requête la déclaration universelle des droits de l'homme du 1er décembre 1948, la convention de l'Organisation des Nations Unies relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dont les stipulations n'ont pas pour effet de priver de sa portée l'article 16 précité de la loi du

31 mai 1990 ; qu'au surplus la déclaration de la sous-commission des droits de l'homme du Conseil Economique et Social est dépourvue de valeur normative ; que la circulaire du

26 août 1994 du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, du ministre de l'Intérieur et du ministre chargé du Logement n'a pas de caractère réglementaire ; que, par ailleurs, la loi du

28 juillet 1998 est entrée en vigueur postérieurement à la décision litigieuse ;

Considérant en deuxième lieu que le moyen tiré de ce que le sous-préfet d'Aix en Provence a accordé à tort le concours de la force publique pour l'expulsion domiciliaire des époux X alors qu'il était informé qu'était en cours une procédure judiciaire relative à des faits de faux et usages de faux devant le Tribunal de commerce d'Aix en Provence dont ils se prétendaient victimes, est inopérant à l'encontre de la décision contestée, qui a été prise en exécution de l'ordonnance d'expulsion du 29 avril 1997, dépourvue de tout lien juridique avec l'instruction en cause ;

Considérant en troisième lieu que le moyen tiré d'une faute lourde qu'aurait commise le sous-préfet d'Aix en Provence en prenant la décision litigieuse est en tout état de cause inopérant devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme X Giuseppe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X Giuseppe et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 20 mai 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur

M. POCHERON, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

François BERNAULT Michel POCHERON

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

6

N° 99MA01563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4 eme chambre
Numéro d'arrêt : 99MA01563
Date de la décision : 03/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. POCHERON
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : KORHILI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-03;99ma01563 ?
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