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27/05/2003 | FRANCE | N°99MA01609

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre, 27 mai 2003, 99MA01609


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 août 1999 sous le n° 99MA01609, présentée par M. Alexandre X, demeurant ... ;

M. X demande que la Cour :

1°/ annule le jugement en date du 20 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 181 860,99 F représentant les intérêts moratoires afférents à la somme de 399 029 F correspondant à des rappels de traitement et à la revalorisation de sa pension de retraite qui lui ont été vers

és le 6 décembre 1992 à la suite de la reconstitution de sa carrière par arrêt...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 août 1999 sous le n° 99MA01609, présentée par M. Alexandre X, demeurant ... ;

M. X demande que la Cour :

1°/ annule le jugement en date du 20 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 181 860,99 F représentant les intérêts moratoires afférents à la somme de 399 029 F correspondant à des rappels de traitement et à la revalorisation de sa pension de retraite qui lui ont été versés le 6 décembre 1992 à la suite de la reconstitution de sa carrière par arrêtés en date du 6 février 1992 du ministre de l'intérieur ;

Classement CNIJ : 36-04-03

48-02-03-11

C

Il soutient que devant le tribunal administratif il a produit une lettre du ministre délégué aux relations avec le Sénat, chargé des rapatriés, indiquant très clairement que pour les demandes de reclassement fondées sur la loi du 8 juillet 1987, les intérêts moratoires étaient dus ; que ni le commissaire du gouvernement, ni le jugement attaqué n'en fait état ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 17 janvier 2000 présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre demande que la Cour rejette la requête ;

Il soutient que si M. X sollicite le versement d'intérêts moratoires pour la période comprise entre sa demande de reclassement le 15 janvier 1988 et le paiement effectif de la somme afférente au reclassement dont il a bénéficié au titre de rappel de traitement et de pension de retraite, selon le service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'octroi d'intérêts de retard accordés conformément à l'instruction n° 82-104 BS du 3 juin 1982 de la comptabilité publique est limitée aux cas d'erreurs entraînant un moins perçu et commises, soit au stade de la liquidation des droits à pension ou de la concession de la pension, soit lors du paiement des arrérages ; que si par contre aucune erreur de décompte n'a été constaté dans le calcul de ces droits à pension, il ne peut être accordé d'intérêts aux pensionnés du seul fait du retard intervenu dans la liquidation de leurs droits, la mise en paiement de la pension ou le règlement des arrérages échus ; qu'aucune erreur n'a été commise dans le traitement du dossier de pension de M. X ; que dès que ce dernier a été admis au bénéfice de la loi du 3 décembre 1982 modifiée relative au règlement de certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord, par arrêté du 13 février 1992, le secrétaire général pour l'administration de la police de Marseille, chargé du paiement du rappel de traitement correspondant aux années d'activité, a transmis au bureau des pensions et allocations d'invalidité le 20 août 1992 le décompte de ce rappel nécessaire à l'instruction de la révision de la pension de l'intéressé ; qu'aussitôt, une proposition de révision a été adressée le 31 août 1992 au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; qu'elle a été approuvée le 23 septembre 1992 et par arrêté du 5 octobre suivant, il a été concédé en faveur de celui-ci la pension civile liquidée sur la base du grade d'inspecteur divisionnaire de police, conformément au reclassement dont il a bénéficiait en vertu de la loi précitée ; que dans ces conditions il n'est pas possible de faire droit à la demande de M. X ;

Vu le mémoire enregistré 10 février 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande que la Cour rejette la requête ;

Il soutient que les intérêts ne courent qu'à compter du jour où la demande du principal a été présentée ; quant à la forme que doit revêtir la demande de paiement du principal, il convient, en l'absence de texte ou de jurisprudence spécifique, de se référer aux dispositions du code civil dont le juge administratif s'inspire en contentieux des intérêts moratoires ; qu'aux termes de l'article 1153 dudit code, les intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer ; que la demande de reconstitution de carrière présentée par M. X le 15 janvier 1988 ne peut être tenue pour l'équivalent d'une sommation de payer ; qu'elle n'a pas valeur de demande de paiement du principal dans la mesure où son auteur n'a pas demandé à l'administration de lui verser un rappel d'arrérages de pension ; que d'ailleurs selon la jurisprudence, même en matière de traitement, la demande de reconstitution de carrière n'a pas le caractère de demande explicite de paiement du principal ; que par ailleurs il est constant que la demande d'intérêts doit être formulée avant le paiement du principal ; qu'en l'espèce la demande d'intérêts de M. X en mai 1993 est intervenue postérieurement au versement des rappels de traitement et d'arrérages de pension le 6 décembre 1992 ; qu'elle n'est donc pas recevable ;

Vu le mémoire enregistré le 23 février 2000, présenté pour M. X, par la SCP ROBERT, société d'avocats, tendant aux mêmes fins que la requête et en outre à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient les mêmes moyens et en outre que l'article 3 alinéa 1er de la loi n° 87-503 du 8 juillet 1987 relative à certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord prescrit que les reclassements prononcés entraîneront un effet pécuniaire rétroactif à compter de la date du fait générateur ; que par ailleurs, indépendamment de ce texte, il est de principe que les intérêts sont dus sur les demandes relatives à des décomptes erronés ; que selon une circulaire du ministre chargé du budget, le point de départ des intérêts de retard est constitué par la date de réception de la demande portant sur le principal adressée par le requérant à l'administration ; qu'il peut également invoquer le principe d'égalité régissant le fonctionnement des services publics, dont la violation a les mêmes conséquences que celle d'une loi écrite, c'est-à-dire la constatation d'une faute à la charge de l'autorité à l'origine de l'acte ; que les intérêts moratoires ont été accordés à un autre agent dans la même situation ; qu'il y a également un retard anormal de l'administration dans le traitement de son dossier ; qu'en effet sa demande de reconstitution de sa carrière a été présentée le 15 janvier 1988 dans les délais de la loi du 8 juillet 1987 et l'administration n'a pris de décision favorable que le 16 février 1992, soit plus de quatre ans après ; que ce délai anormalement long constitue une faute de nature à, à elle seule, justifier le règlement des intérêts sollicités ;

Vu le mémoire enregistré le 27 novembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande que la Cour sursoit à statuer ;

Il soutient que l'administration gestionnaire du requérant s'est engagée à lui verser les intérêts moratoires sollicités, compte tenu de l'évolution favorable de la jurisprudence ;

Vu le mémoire enregistré le 27 décembre 2000, présenté pour M. X tendant aux mêmes fins que la requête et ses écritures postérieures ;

Il soutient les mêmes moyens et en outre que la simple déclaration d'intention de son administration gestionnaire de lui verser les intérêts moratoires sollicités ne peut être un motif de sursis à statuer pour la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 87-503 du 8 juillet 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2003 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur les intérêts moratoires sollicités :

Considérant que la carrière de M. X, inspecteur de police en retraite a fait l'objet sur sa demande, par arrêté du 13 février 1992, d'une reconstitution effectuée, en application de la loi n° 87-503 du 8 juillet 1987, relative à certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord ; que le rappel de traitement et de pension de retraite découlant de cette reconstitution et s'élevant à la somme de 60 831,58 euros (399 029 F) lui a été payé le 6 décembre 1992 ; que M. X demande que l'Etat lui verse les intérêts de cette somme ;

Considérant que les intérêts légaux résultant du retard dans l'exécution du paiement d'une somme due courent, aux termes de l'article 1153 du code civil, du jour de la sommation de payer ; qu'en l'absence de décision juridictionnelle prononçant une condamnation, la demande de paiement de la somme due au principal détermine le point de départ des intérêts ; que par suite et contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le fait que M. X n'a demandé à percevoir les intérêts de la somme de 60( 831,58 euros (399 029 F) qu'après que celle-ci lui a été payée est sans influence sur l'existence de son droit à des intérêts ;

Considérant, il est vrai, qu'il est soutenu en défense par l'administration que, en l'absence de demande de M. X tendant au versement d'un rappel de traitements et d'arrérages de pension, les intérêts correspondants n'avaient pu courir ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 3-I de la loi du 8 juillet 1987 susvisée : Les reclassements prononcés entraîneront un effet pécuniaire rétroactif à compter de la date du fait générateur ; que par suite, en réclamant, par lettre du 15 janvier 1988, la révision de sa carrière sur le fondement de cette loi, M. X doit être regardé comme ayant demandé que la reconstitution subséquente soit assortie de tous les effets pécuniaires expressément prévus par la loi ; qu'ainsi, sa demande du 15 février 1988 a constitué une demande de paiement, faisant courir les intérêts de la somme due, de la date de sa réception par l'administration jusqu'à celle du 6 décembre 1992, a laquelle ladite somme a été payée ; qu'il n'est pas contesté que le montant de ces intérêts s'élève, pour la période du 15 février 1988 au 6 décembre 1992, à la somme de 27 724,53 euros (181 860,99 F) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à M. X au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 20 mai 1999 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 27 724,53 euros (vingt-sept mille sept cent vingt-quatre euros cinquante trois cents) (181 860,99 F) à M. X représentant les intérêts moratoires afférents à la somme de 60 831,58 euros (soixante mille huit cent trente et un euros cinquante huit cents) (399 029 F) correspondant à des rappels de traitement et à la revalorisation de sa pension de retraite après reconstitution de carrière.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 29 avril 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Melle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 mai 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

7

N° 99MA01609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 99MA01609
Date de la décision : 27/05/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-05-27;99ma01609 ?
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