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20/05/2003 | FRANCE | N°99MA01831

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4 eme chambre, 20 mai 2003, 99MA01831


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 septembre 1999, sous le n° 99MA01831, présentée pour Mme Marie Madeleine X, demeurant ..., par Me Jean-Paul MUSCATELLI, avocat ;

Mme Marie Madeleine X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia, en ce qu'il a limité à 100.216,92 F le montant de l'indemnisation, que la commune de Monticello était condamnée à lui verser, à la suite de la réalisation défectueuse de travaux publics ;

Classement CNIJ : 67 03 04 01

C

/ de condamner la commune de Monticello à lui verser une somme de 220.493,84 F, avec intérêts ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 septembre 1999, sous le n° 99MA01831, présentée pour Mme Marie Madeleine X, demeurant ..., par Me Jean-Paul MUSCATELLI, avocat ;

Mme Marie Madeleine X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Bastia, en ce qu'il a limité à 100.216,92 F le montant de l'indemnisation, que la commune de Monticello était condamnée à lui verser, à la suite de la réalisation défectueuse de travaux publics ;

Classement CNIJ : 67 03 04 01

C

2°/ de condamner la commune de Monticello à lui verser une somme de 220.493,84 F, avec intérêts de droit au 31 juillet 1998 et capitalisation au 31 juillet 1999, en réparation du préjudice causé par les travaux publics litigieux ;

3°/ de condamner la commune de Monticello à lui verser une somme de 15.000 F, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, ceci comprenant les frais d'expertise, pour un montant de 25.804,78 F ;

Elle soutient :

- que les conclusions de l'expertise judiciaire, ordonnée par le tribunal, sont sans ambiguïté sur l'origine des dommages à sa propriété ; que ceux-ci trouvent leur origine dans la construction et la conception de l'ouvrage public ; qu'ayant la position de tiers par rapport à ces ouvrages, elle n'a pas à démontrer la faute de la commune, seule l'existence du lien de causalité justifiant la mise en jeu de la responsabilité de celle-ci ;

- que, contrairement à ce que soutient la commune, l'effondrement du mur de clôture n'est pas antérieur mais postérieur aux travaux communaux ; qu'il résulte même des différents rapports que si les travaux d'élargissement du chemin public avaient été correctement conçus et réalisés, avec notamment la réalisation d'un soutènement de la voie, sa propriété n'aurait subi aucun dommage ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité communale ;

- que, pour remédier à la situation qu'elle connaît, seule est possible la conservation du mur actuel, la démolition pour reconstruire identique ne pouvant être envisagée tant pour des raisons pratiques que pour des raisons d'opportunité ;

- que le chiffrage de son préjudice se décompose d'une part dans le coût des travaux indispensables de remise en état et de prévention, qui s'élève à 185.039,20 F et d'autre part dans la dépréciation du fonds qui s'élève à 66.925,85 F ; que son préjudice doit donc être chiffré à 220.493, 84 F, somme qui devra lui être versée ;

- que c'est à tort que le tribunal, pour réduire son indemnisation, a pris en compte un abattement pour vétusté, alors d'une part qu'il avait déjà été intégré par l'expert dans ses conclusions, et d'autre part qu'il ne saurait s'appliquer ni au surcoût lié à l'absence de reprofilage la voie, ni à la dépréciation permanente du fonds ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2002, présentée pour la commune de Monticello, par Me Jacques VAILLANT, avocat ;

La commune de Monticello demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 8 juillet 1999, en tant qu'il a retenu la responsabilité de la commune ;

À cet effet, elle soutient :

- que la propriété de Mme X, est en état d'abandon, est entourée d'un mur très ancien, non entretenu depuis de très longues années ;

- que s'agissant de l'effondrement du mur de clôture, l'expert n'a pas tenu compte de sa vétusté, et de son absence d'entretien, qui devait inévitablement conduire à son effondrement ;

- que s'agissant des deux accès litigieux, l'expert n'a pas non plus tenu compte de la circonstance que ceux-ci avaient toujours été piétonniers, et que ce n'est donc pas la surélévation de la voie qui les a rendus impraticables ;

- que dans ces conditions, le lien de causalité invoqué par Mme X, entre la réalisation des travaux publics par la commune, et des dommages subis par sa propriété, n'est pas établi ; que n'est pas davantage établie l'anormalité des dommages dont se plaint Mme X ;

- que, dans ces conditions, le jugement attaqué doit être annulé, et l'indemnisation sollicitée par Mme X doit être rejetée ;

- que s'agissant de l'indemnisation, le rapport d'expertise est contestable, dès lors qu'après avoir remarqué que les accès avaient toujours été piétonniers, il préconise le reprofilage de la voie publique ; que cela aurait pour effet de donner une plus-value extraordinaire, sur deniers publics, à la propriété de Mme X ;

- que s'agissant du mur, et si par extraordinaire la commune devait être condamnée, il conviendrait de pratiquer un abattement de 80 %, compte-tenu de la vétusté, et de l'absence d'entretien de ce mur ; que le massif de soutènement à la voie publique constitue un ouvrage public ; qu'enfin les travaux liés à l'absence de reprofilage de la voie ne sont pas justifiés, et sont en tout état de cause constitutifs d'un ouvrage public ;

- que s'agissant de la dépréciation du fonds, les calculs de l'expert ont pour conséquence de transformer deux accès piétonniers, en accès automobiles, et de viabiliser une propriété, en lui conférant une plus-value injustifiée ;

- que la capitalisation des intérêts au 31 juillet 1999 n'avait pas été demandée et ne peut donc prospérer ;

2°/ de rejeter purement et simplement la requête de Mme X ;

3°/ de condamner Mme X à lui verser une somme de 2.287 euros, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2003 :

- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;

- les observations de Mme X ;

- les observations de Me VAILLANT pour la commune de Monticello ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que Mme Marie Madeleine X relève régulièrement appel du jugement en date du 8 juillet 1999, par lequel le Tribunal administratif de Bastia n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation de la commune de Monticello à l'indemniser à raison des dommages subis à sa propriété par la réalisation d'un chemin communal en amont de sa propriété ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Monticello demande à être déchargée de toute responsabilité dans les dommages survenus à Mme Marie Madeleine X ;

Sur les conclusions présentées à titre principal par Mme Marie Madeleine X :

Considérant que Mme Marie Madeleine X étant en situation de tiers par rapport au chemin communal réalisé, il lui appartient seulement d'établir le lien de causalité entre la réalisation des travaux et les dommages qu'elle a subis, la commune de Monticello ne pouvant s'exonérer de celle-ci qu'en cas de force majeure, ou de faute de la victime ;

Sur le lien de causalité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que des travaux réalisés par la commune de Monticello sur le chemin public d'Orniccio à Pigna ont été réalisés à partir du mois d'août 1995 ; que par la suite, il a été constaté, le 21 août 1995, l'effondrement du mur bordant la propriété de Mme X, sur une longueur de 15,50 mètres, et la désolidarisation de la maçonnerie des 32 mètres restants ; qu'enfin les accès à la propriété sont devenus impraticables ; qu'il résulte de l'instruction que le mur qui s'est effondré était partiellement un mur de soutènement, et partiellement un mur de clôture ; qu'il résulte également du rapport d'expertise contradictoire dressé à la demande des premiers juges que la cause essentielle des désordres subis par Mme Marie Madeleine X est à rechercher dans la réalisation de la voie publique, qui a eu pour effet d'augmenter la contrainte exercée sur le mur de Mme X, supérieure de 4 à 8 fois à celle qu'il supportait auparavant, et que le mur, par ailleurs ancien, n'a pu supporter ; qu'enfin l'impraticabilité des accès a eu pour cause unique la surélévation de la voie publique ainsi que la réalisation d'un caniveau entre celle-ci et les accès à la propriété ; que dès lors le lien de causalité entre la réalisation de la voie publique par la commune de Monticello et les dommages déplorés par Mme Marie Madeleine X est établi ; que par suite, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a retenu la responsabilité de la commune dans la réalisation de ce sinistre ;

Sur le préjudice :

Considérant d'une part que s'il résulte de l'instruction que le mur longeant la propriété de Mme X présentait des dégradations dues à l'ancienneté, le rapport d'expertise précise que sur les parties du parcours sur lesquelles il ne subit pas les pressions de contrebutée le mur est sain ; que dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont appliqué un abattement pour vétusté au coût des travaux de remise en état du mur qui s'élèvent suivant l'estimation non contestée de Mme X à 153.567,99 F ; qu'enfin, en affirmant que le mur en cause forme, par sa partie basse, le soubassement du chemin communal, la commune n'établit pas qu'il y ait lieu de diminuer le chiffrage du montant du coût des travaux nécessaires à la réfection du mur privé dont s'agit, tel que l'a fixé l'expert, alors et surtout que la commune n'allègue pas devoir et vouloir entreprendre à ses frais les travaux afférents à ce soubassement ; qu'il en résulte que la commune de Monticello devra être condamnée à verser à Mme X la somme de 153.567,99 F ;

Considérant d'autre part que l'impraticabilité des deux dessertes actuelles, et la nécessité d'empiéter sur le terrain de la requérante pour 113,10 m² ont été chiffrées par l'expert à 66.925,85 F ; que ce poste de préjudice doit être évalué indépendamment du reprofilage éventuel de la voie publique ; qu'il y a lieu toutefois de lui appliquer un abattement pour tenir compte de la plus value apportée à la propriété de Mme X, auparavant accessible aux seuls piétons, et qui sera à la suite de la réalisation des travaux accessible aux véhicules automobiles ; qu'il en résulte, par voie de conséquence, qu'il n'y a pas lieu d'accorder à Mme X d'indemnité au titre de la perte de valeur vénale, et qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en accordant à l'appelante, au titre des travaux d'accès à sa propriété la somme de 20.000 F ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Monticello devra être condamnée à verser à Mme X la somme de 173.567,99 F ;

Sur les intérêts :

Considérant que la somme due par la commune de Monticello à Mme X devra porter intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 1998, date de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Bastia ;

Sur la capitalisation :

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;

Considérant que la demande de capitalisation des intérêts a été demandée le 23 juin 1999 devant le Tribunal administratif de Bastia ; qu'à cette date il n'était pas dû une année d'intérêts ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté cette demande ; que la demande ayant été formulée une nouvelle fois en appel, le 16 septembre 1999, les intérêts devront être capitalisés à cette date ;

Sur les conclusions présentées à titre incident par la commune de Monticello :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la commune de Monticello tendant à être déchargée de toute responsabilité dans le sinistre survenu à la propriété de Mme X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que Mme X qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Monticello la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions en ce sens présentées par Mme X, et de condamner la commune de Monticello à lui verser la somme de 1.000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que la commune de Monticello est condamnée à verser à Mme X est portée à 173.567,99 F (cent soixante-treize mille cinq cent soixante-sept francs et quatre-vingt dix-neuf centimes), soit 26.460,27 euros (vingt-six mille quatre cent soixante euros et vingt-sept centimes).

Article 2 : Cette somme portera intérêt à compter du 31 juillet 1998, date d'enregistrement de la requête devant le Tribunal administratif de Bastia.

Article 3 : Les intérêts échus le 16 septembre 1999 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Monticello sont rejetées.

Article 6 : La commune de Monticello est condamnée à verser à Mme X la somme de 1.000 euros (mille euros).

Article 7 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie Madeleine X, et à la commune de Monticello.

Délibéré à l'issue de l'audience du 25 mars 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur

Mme PAIX, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 20 mai 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

François BERNAULT Evelyne PAIX

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 98MA01831 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4 eme chambre
Numéro d'arrêt : 99MA01831
Date de la décision : 20/05/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-05-20;99ma01831 ?
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