Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 septembre 2002 sous le n° 02MA02066, présentée pour M. Francis X, demeurant ... et
Mme Monique Y demeurant ..., par Me LUCIANI, avocat ;
Classement CNIJ : 19-04-01-02-05-01
C
M. X et Mme Y demandent à la Cour la réformation du jugement du Tribunal administratif de Nice n° 98-1343 en date du 27 juin 2002 rejetant leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur nom au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;
Ils font valoir que l'administration a usé régulièrement du droit de communication ; que l'administration ne les a pas suffisamment informés de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice du droit de communication ; que les notifications de redressements sont insuffisamment motivées, que, notamment la référence aux documents obtenus par l'administration dans le cadre de son droit de communication est trop imprécise ; qu'en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers, il n'y a pas d'acte anormal de gestion ; qu'en ce qui concerne les dividendes perçus de la S.A. SEREL-MONACO, ils ne concernent la période vérifiée que pour 90.000 F en 1990 ; que les revenus distribués ont été surévalués ; que le compte d'associé de M. X n'a jamais donné lieu à rémunération ; que les salaires versés par la société CER à M. X n'avait rien de fictif ; que les charges dont se prévaut la S.A. SEREL sont réelles et justifiées ; que la cession de valeurs mobilières en litige n'existe pas ; qu'en effet M. X a simplement effectué une libéralité pour aider un club sportif ; que les opérations concernant la Villa Trianon n'ont donné lieu à aucune plus-value immobilière ; que les sommes considérées comme des revenus d'origine indéterminée ont été justifiées par la vente d'un bijou et une restitution de trop-perçu sur des droits de succession ; que les pénalités de mauvaise foi ont été appliquées à tort faute de fondement des redressements et qu'elles sont contraires à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, l'administration ne pouvant infliger régulièrement de sanction à caractère pénal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 31 mars 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé de 418.504 euros et rejette le surplus des conclusions ;
Il soutient :
- que la procédure d'imposition était régulière ; que les notifications de redressement étaient suffisamment motivées ; que la nature et la teneur des documents utilisés étaient convenablement indiquées ; que le calcul des revenus distribués a été fait selon une méthode régulière ; que les revenus d'origine indéterminée ne sont pas justifiés par les contribuables ; que la plus-value de valeur mobilière retenue dans les bases d'imposition l'a été à bon droit ; que le décompte des dépenses relatives aux biens en cause a été fait correctement ; que les pénalités de mauvaise foi ont été appliquées à bon droit en matière de plus-value immobilière comme de revenus distribués, qu'en effet le contribuable a sciemment déclaré une base insuffisante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2003 :
- le rapport de M. DUBOIS, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision en date du 4 avril 2003, le directeur général des impôts a accordé à M. X et Mme Y des dégrèvements s'élevant à 66.025 F (10.065,45 euros), 1.406.502 F (214.419,85 euros) et 1.272.685 F (194.019,58 euros) au titre, respectivement, des années 1991, 1992 et 1993 ; que, par suite la demande est devenue sans objet à concurrence de ces montants ; que, dans cette mesure, il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, en notifiant les 22 décembre 1994 et 19 juillet 1995, les redressements qu'elle se proposait d'apporter selon la procédure contradictoire, aux bases de l'impôt sur le revenu, informé le contribuable de la nature et de la teneur des documents antérieurement obtenus grâce à son droit de communication, et qu'elle avait utilisés pour élaborer lesdits redressements ; qu'à cet effet elle a mentionné les pièces du dossier pénal de l'intéressé, poursuivi pour corruption active d'élus, sur lesquelles elle fondait les divers chefs de redressements en mentionnant chaque fois, la pièce, sa côte de classement et les conséquences qu'elle tirait de son contenu ; que dans ces conditions, le moyen tiré par le contribuable qui n'allègue pas avoir demandé communication de ces documents, d'une insuffisance d'information sur ce point qui aurait entaché la procédure d'irrégularité manque en fait ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Sur les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant que M. X et Mme Y, qui étaient mariés et soumis à une imposition commune à l'impôt sur le revenu au cours des années en litige, ont fait l'objet au titre des années 1991 à 1993 d'un examen de situation fiscale d'ensemble au regard de l'impôt sur le revenu ; que, parallèlement, le service des impôts a vérifié les comptabilités des sociétés SEREL et CER/RTV, dont M. X était le dirigeant, et qui avait toutes deux pour activité la fourniture et la mise en place de signalisations routières pour collectivités locales ; qu'à la suite de ces contrôles, l'administration a estimé que M. X et Mme Y avaient appréhendé des revenus distribués par ces deux sociétés, pour des montants, s'agissant des distributions imputées à la société SEREL, de 964.881 F (1991), 326.196 F (1992) et 146.786 F (1993), et, s'agissant des distributions provenant de la société CER/RTV, de 2.184.142 F (1992) et 2.065.689 F (1993), sommes comprenant les salaires, regardés comme injustifiés, versées par cette entreprise aux deux intéressés, de revenus de capitaux mobiliers et leur a assigné, selon la procédure contradictoire, les rehaussements de revenus de capitaux mobiliers correspondants ; que le service a également majoré les revenus de M. X et de Mme Y des sommes de 60.000 F (1991) et 90.000 (1992), montants de dividendes provenant de la société SAM SEREL MONACO, et qu'ils avaient omis de déclarer ; que, cependant, à la suite du jugement du Tribunal administratif de Nice du 11 janvier 2000 dont les motifs reconnaissaient que les charges engagées par la société CER/RTV et estimées par le service exposées dans l'intérêt des époux X l'avaient bien été dans l'intérêt de cette entreprise, l'administration a renoncé aux rehaussements portant sur les sommes susmentionnées de 2.184.142 F et 2.065.689 F ; qu'elle a cependant maintenu dans les revenus des intéressés, en substituant la qualification de salaires à celle de distributions, les rémunérations versées par l'entreprise à M. X (467.941 F en 1992 et 379.048 F en 1993) et à Mme Y (251.332 F en 1992 et 263.302 F en 1993) ;
Considérant, en premier lieu, que la substitution de base légale à laquelle a procédé le service en ce qui concerne les rémunérations servies par las société CER/RTV, qui correspond d'ailleurs aux déclarations initiales faites par les intéressés, ne prive ces derniers d'aucune garantie de procédure et n'est pas contestée dans son bien-fondé ; qu'il y a donc lieu de la confirmer ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait que le vérificateur, pour calculer la masse des revenus distribués tracée à l'article 109 du code général des impôts et aux articles 41 et 42 de l'annexe II à ce code, consistant à déterminer le montant des distributions à partir de la comparaison du total des postes de capital, de réserves et de résultats figurant au bilan à la clôture de la période considérée avec le total des mêmes postes figurant au bilan à la clôture de la période précédente, la méthode dite analytique procédant de l'application de l'ensemble des dispositions des articles 109 à 115 ter du code, consistant à examiner tous les produits sortis du patrimoine social et à apprécier, chef par chef et montant par montant, s'il s'agit ou non de revenus distribués, ne saurait constituer ni une irrégularité ni une erreur de principe dès lors qu'il n'est pas établi que la seconde méthode aboutirait à une surévaluation des distributions ;
Considérant, en troisième lieu, que le vérificateur a considéré que M. X avait bénéficié de distributions de la part de la S.A. SEREL pour les montants de 2.964.881 F en 1991, de 326.196 F en 1992 et de 146.786 F en 1993 ; que ces montants correspondaient à la prise en charge par la société de dépenses personnelle de son dirigeant : travaux réalisés sur des immeubles appartenant à M. X, dépenses correspondant au versement par la société de primes d'assurances souscrites à son profit, à des abonnements à CANAL PLUS et à des honoraires versés à des avocats et à des détectives ; qu'en indiquant que M. X a payé à la société SEREL la somme de 5.742.258 F entre 1987 et 1990, années différentes de celles en cause, les requérants n'établissent pas que la société SEREL n'a pas réellement pris en charge les dépenses litigieuses ; qu'il en va de même de l'argument selon lequel les travaux accomplis pour son compte permettaient d'employer les ouvriers de la société pendant les périodes d'absence de commande ; qu'en l'absence de tout document en ce sens, les requérants n'établissent pas que le règlement d'une prime d'assurance-vie de 574.310 F par la société SEREL aurait été remboursé par compensation avec la renonciation à percevoir une somme de 4.771.766 due en rémunération d'un compte-courant ; que si cette somme figure sur une attestation d'un expert-comptable indiquant qu'il s'agit des intérêts qui auraient pu rémunérer le compte-courant de M. X dans une société dénommée SITAEL, ces éléments n'apportent pas la preuve requise ; que s'il est affirmé que les travaux effectués par la société SEREL ont été payés en 1991 par débit du compte-courant de M. X pour un montant de 3.386.729 F, et si une attestation d'un expert-comptable est apportée en ce sens, cette assertion ne peut être retenue dès lors que cette somme ne correspond pas au montant des dépenses en litige, que les extraits du compte-courant comportant ce ou ces débits ne sont pas produits et que le ministre affirme que seules les dépenses dont le remboursement n'a pu être formellement identifié ont été considérées comme des distributions ; qu'il en va de même de l'explication des requérants selon laquelle une somme de 326.196 F considérée comme distribuée représente en réalité des excédents de droit de succession pour 158.000 F et des dépenses réglées par débit de compte-courant pour 57.995,40 F et 6.404,40 F ; que l'invocation du fait que M. X aurait lui-même payé directement certains travaux du chantier TRIANON ne démontre pas que les dépenses ou travaux relevés par le service comme directement effectués par la société SEREL au profit de M. X ont été remboursés ou n'ont pas existé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les honoraires d'avocat payés en 1993 par la société concernaient une instance pénale ouverte non contre M. X personnellement, mais contre la société et son président-directeur général ès-qualité, alors que cette instance a débouché sur une condamnation personnelle de M. X pour abus de biens sociaux par une arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 12 janvier 1996 ; qu'il n'est pas établi que les trois abonnements souscrits par la société à la chaîne de télévision CANAL PLUS ne l'ont pas été dans le seul intérêt des requérants ; qu'enfin, si les redevables soutiennent que les frais correspondant à des honoraires de détective et payés par la société ont été engagés au bénéfice de cette dernière et non au leur, ils n'apportent sur ce point aucune justification alors que l'administration relève à juste titre que ces prestations ne correspondent à aucun besoin clairement précisé de la société ;
Considérant, en quatrième lieu, que les redressements liés à la distribution par la société SEREL MONACO d'un montant de dividendes de 60.000 F concernant l'exercice clos le 31 décembre 1990, décodée par procès-verbal du 20 juin 1991 ont été à bon droit rattachés à l'année d'imposition 1991, contrairement à ce que soutient le contribuable, dès lors que ces dividendes n'ont été inscrits à son compte que cette année-là ;
Sur les plus-values de cession de valeurs mobilières :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a opéré des redressements correspondant à des plus-values de cession réalisées à hauteur de 143.395 F en 1991 sur des SICAV de la Banque Hervet et à hauteur de 39.371 F la même année sur des SICAV du Crédit Lyonnais ; que si les contribuables soutiennent qu'il s'agit en réalité du simple transit sur le compte de M. X de sommes correspondant à une aide fournie avec un autre partenaire financier à un club de football ils ne produisent, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir la véracité de ces allégations ;
Sur la plus-value de cession immobilière :
Considérant que pour contester le montant de plus-values finalement retenu par l'administration, qui intègre la prise en compte d'une réduction du prix de cession d'un montant de 100.000 F correspondant, selon les requérants, dont les explications ont été admises sur ce point, à une indemnité d'immobilisation, les contribuables soutiennent que le prix d'acquisition doit être majoré du montant des travaux pour une somme de 4.737.888,27 F ; que toutefois les factures produites par les requérants à l'appui de leurs affirmations ne comportent aucun élément permettant de les rattacher à des travaux concernant la Villa dite du Trianon qui est l'immeuble en cause ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur les revenus d'origine indéterminée :
Considérant que pour expliquer l'origine d'une somme de 150.000 F taxée au titre de 1991 le contribuable fait état de la vente d'un bijou ; que toutefois l'attestation produite établie par un bijoutier, est sans date certaine et porte sur une opération en espèce non précisée ; que dans ces conditions elle ne saurait constituer la preuve, dont la charge pèse sur le contribuable dans le cadre de cette procédure de taxation d'office, de la vente alléguée ;
Considérant que pour justifier d'une somme de 158.000 F taxée en 1992, le contribuable fait état du reversement d'un excédent de droits de succession mais n'en apporte aucune justification ; que dès lors, ce moyen doit aussi être écarté ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant que ces pénalités pouvant être contestées devant le juge de l'impôt ne sont dès lors en rien contraire au principe du droit à un procès équitable garantit par les dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Considérant qu'en ce qui concerne les pénalités relatives aux redressements relatifs aux dividendes le vérificateur a rappelé expressément que les contribuables avaient persisté à ne pas les déclarer malgré les avertissements répétés délivrés par le service ; qu'en ce qui concerne les redressements relatifs aux revenus distribués par la S.A. SEREL il a clairement indiqué que le contribuable avait sciemment fait supporter à la société certaines de ses dépenses personnelles ; qu'ainsi, sur ces deux points, l'acte établissant les pénalités prévues par l'article 1729-1 du code général des impôts était motivé conformément aux exigences de l'article L.80-D du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en revanche qu'en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée le service s'est borné à relever que le contribuable avait persisté à ne pas fournir d'explication sur les revenus en cause ; que par cette affirmation qui ne fait état d'aucun élément intentionnel, le vérificateur n'a, dès lors, pas motivé suffisamment lesdites pénalités ; que, dès lors il y a lieu d'en accorder la décharge ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X et Mme Y sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit à leur demande en ce qui concerne les pénalités susdites relatives aux revenus d'origine indéterminée ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur d'un montant global de 418.504,87 euros (quatre cent dix-huit mille cinq cent quatre euros et quatre-vingt-sept centimes), soit 66.025 F - soixante-six mille vingt-cinq francs (10.065,45 euros - dix mille soixante-cinq euros et quarante-cinq centimes) au titre de l'année 1991, 1.406.502 F - un million quatre cent six mille cinq cent deux francs (214.419,85 euros - deux cent quatorze mille quatre cent dix-neuf euros et quatre-vingt-cinq centimes) au titre de l'année 1992, et 1.272.685 F - un million deux cent soixante-douze mille six cent quatre-vingt-cinq francs (194.019,58 euros - cent quatre-vingt-quatorze mille dix-neuf euros et cinquante-huit centimes) au titre de l'année 1993.
Article 2 : Il est accordé à M. Francis X et à Mme Monique Y décharge des majorations pour mauvaise foi établies au titre de l'article 1729-1 du code général des impôts pour les années 1991 et 1992 en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée redressés respectivement pour les montants de 150.000 F (cent cinquante mille francs) et de 158.000 F (cent cinquante-huit mille francs).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Francis X et à
Mme Monique Y et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience du 8 avril 2003, où siégeaient :
M. BERNAULT, président de chambre,
M. DUCHON-DORIS, président assesseur,
M. DUBOIS, premier conseiller,
assistés de Mme GIORDANO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 20 mai 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
François BERNAULT Jean DUBOIS
Le greffier,
Signé
Danièle GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 02MA02066