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10/04/2003 | FRANCE | N°99MA00108

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre, 10 avril 2003, 99MA00108


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 janvier 1999 sous le n° 99MA00108, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me ITRAC, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 94-6703, en date du 17 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir retenu la responsabilité de la commune de Cuges-les-Pins, a rejeté leur demande tendant à ce que cette commune soit condamnée à réparer leur préjudice résultant de la faute commise par le maire en leur délivrant u

n permis de construire par un arrêté en date du 26 juillet 1993 ;

2°/ de con...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 janvier 1999 sous le n° 99MA00108, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me ITRAC, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 94-6703, en date du 17 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir retenu la responsabilité de la commune de Cuges-les-Pins, a rejeté leur demande tendant à ce que cette commune soit condamnée à réparer leur préjudice résultant de la faute commise par le maire en leur délivrant un permis de construire par un arrêté en date du 26 juillet 1993 ;

2°/ de condamner la commune de Cuges-les-Pins à prendre les dispositions pour éviter que les eaux du torrent de la Serre soient déversées dans leur terrain ;

Classement CNIJ : 60-02-05-01-01

60-04-02-01

C

3°/ de condamner ladite commune à leur verser la somme de 5.000.000 de F au titre de la réparation des divers troubles de jouissance, matériels, psychologiques et moraux ;

4°/ de la condamner également à leur verser la somme de 70.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

5°/ de condamner enfin la commune de Cuges-les-Pins à supporter les entiers dépens comprenant les frais d'expertise, qui s'élèvent à la somme de 8.997 F

Ils font valoir que la responsabilité de la commune de Cuges-les-Pins est engagée, du fait de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré le 26 juillet 1993 en ce qui concerne les troubles résultant des inondations qui affectent leur terrain, même pour la partie inscrite au plan d'occupation des sols en zone non inondable ; que cette responsabilité est entière ; qu'en effet, aucune part de responsabilité ne peut être laissée à leur charge dès lors qu'aucune disposition ou prescription n'imposait qu'ils réalisent un remblai pour protéger leur construction des eaux ; que le maire leur a délivré un certificat de conformité le 22 janvier 1996 ; que dès lors qu'un permis de construire ne pouvait légalement être délivré dans la zone concernée, ils ont droit à la réparation de leur préjudice ; qu'à ce titre, la commune doit être condamnée à leur verser une somme de 5.000.000 de F en réparation des divers troubles de jouissance, aussi bien matériels que psychologiques et moraux ; que la commune devra également supporter, au titre des dépens, les frais d'expertise qui s'élèvent à 8.997 F ainsi qu'une somme de 70.000 F en ce qui concerne leurs frais non compris dans les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure de présenter sa défense, adressée le 16 novembre 1999 à la commune de Cuges-les-Pins ;

Vu, enregistrés le 17 décembre 1999 et 7 février 2003, le mémoire en défense et le mémoire complémentaire présentés pour la commune de Cuges-les-Pins, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 3 décembre 1999, par Me VAILLANT, avocat ;

La commune demande à la Cour :

1°/ de rejeter la requête présentée par M. et Mme X tant en ce qui concerne l'indemnité principale que les frais non compris dans les dépens ;

2°/ de réformer le jugement, en date du 17 décembre 1998, en tant qu'il la condamne à payer à M. et Mme X la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratif et des cours administratives d'appel et à supporter les dépens s'élevant à 8.997 F ;

3°/ de condamner les requérants à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratif et des cours administratives d'appel ;

La commune fait valoir que le rapport établi à la demande des requérants par un expert ne peut être retenu faute d'avoir respecté le principe du contradictoire ; que le maire n'a commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune ; qu'en effet, les requérants, qui n'ignoraient pas l'existence d'un risque d'inondation, ont accepté d'y être exposés en toute connaissance de cause ; que M. X, en sa qualité de professionnel du bâtiment, était à même d'apprécier ce risque ; que, de plus, les requérants n'ont pas respecté les prescriptions spéciales contenues dans le permis de construire qui leur a été délivré le 26 juillet 1993 et n'ont pas rehaussé leur terrain ; qu'ils se sont également opposés à la réalisation par la commune d'une digue destinée à l'envahissement, par les eaux, de la partie du terrain déclarée constructible ; que dès lors, l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et une faute éventuelle de la commune n'est pas établie ; qu'en outre, leur demande d'indemnisation est globale et ne comporte aucune évaluation de chacun des chefs de préjudice invoqués ; que ces derniers ne sont pas établis par les pièces du dossier ; que le préjudice moral n'est pas réparé en matière d'urbanisme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2003 :

- le rapport de M. HERMITTE, premier conseiller ;

- les observations de Me ITRAC pour M. et/ou Mme X Yves ;

- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que M. et Mme X ont acquis, par acte notarié en date du 11 décembre 1992, un terrain cadastré section A8 n° 36 et 53, d'une superficie de 9.128 m², situé quartier de la Curasse sur le territoire de la commune de Cuges-les-Pins ; que le 24 mars 1993, M. X a déposé une demande de permis de construire sur ce terrain pour un bâtiment à usage d'habitation, autorisation qui lui a été accordée par un arrêté en date du 26 juillet 1993 du maire de Cuges-les-Pins ; qu'à la suite d'inondations qui ont touché le terrain d'assiette du projet, M. et Mme X ont saisi le Tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à ce que la commune de Cuges-les-Pins soit déclarée responsable de leur préjudice résultant de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré dans les conditions susrappelées ; que, par le jugement en date du 17 décembre 1998 susvisé, le tribunal administratif, après avoir retenu la responsabilité de la commune de Cuges-les-Pins, atténuée de moitié, a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme X pour absence de justification d'un préjudice lié à la faute imputable à la commune et condamné cette dernière aux dépens et au versement d'une somme de 10.000 F au titre des frais non compris dans les dépens ; que M. et Mme X relèvent appel de ce jugement ; que la commune de Cuges-les-Pins a formé un appel incident ;

Sur la responsabilité de la commune de Cuges-les-Pins :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le terrain appartenant à M. et Mme X était classé dans le plan d'occupation des sols approuvé le 2 juin 1992 pour partie en zone NB 2, dans laquelle sont autorisées notamment des constructions à usage d'habitation et pour le reste en zone ND 1 de protection naturelle pour être situé dans une zone soumise à un risque d'inondation, une année sur deux, en raison de la déviation de l'eau du Vallon de la Serre vers le quartier de la Curasse les années paires et vers le Vallon de la Grand Vigne les années impaires décidée par une délibération en date du 7 mai 1985 du conseil municipal de la commune de Cuges-les-Pins ; qu'en délivrant un permis de construire sur un terrain dont il n'ignorait pas qu'il était susceptible d'être inondé même pour sa partie classée en zone NB 2, le maire de Cuges-les-Pins a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré la commune de Cuges-les-Pins responsable des conséquences dommageables résultant pour M. et Mme X de la faute ainsi commise ;

Considérant, en second lieu, que si les requérants connaissaient le caractère inondable de la partie du terrain classée au plan d'occupation des sols en zone ND 1, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre pour avoir sollicité la délivrance d'un permis de construire pour un projet dont l'implantation était prévue sur la partie de ce terrain classée en zone NB 2, où des constructions étaient autorisées, conformément d'ailleurs aux énonciations du certificat d'urbanisme qui leur avait été délivré le 24 juillet 1992 ; que si les requérants n'ont pas entièrement réalisé les travaux de remblais qu'ils avaient prévus, ce fait, postérieur à la délivrance de l'autorisation de construire en litige et distinct de la faute commise par la commune, n'est pas de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité eu égard au fondement juridique de l'action en responsabilité introduite par les requérants ; que dès lors, ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à la moitié la responsabilité de la commune de Cuges-les-Pins dès lors que celle-ci est entière ;

Sur le préjudice :

Considérant que M. et Mme X demandent que leur soit versée une somme globale de 5.000.000 de F (762.245,08 euros) en réparation de leurs préjudices matériel, moral et psychologique ; que, d'une part, le préjudice matériel allégué par les requérants n'a fait l'objet, de leur part, d'aucune précision destinée à en établir la nature ou le montant exacts ; qu'en admettant même qu'ils aient entendu demander à ce titre le montant des travaux nécessaires pour remblayer leur terrain afin de le mettre hors d'eau ainsi que le coût des travaux de remise en état de la fosse septique qu'ils ont installée, il résulte de l'instruction que les travaux de remblaiement résultent du caractère inondable du terrain et non de l'illégalité du permis de construire ; que les dégradations de la fosse septique sont imputables à un mauvais choix de la part des requérants quant à son emplacement, ainsi que l'a relevé, dans son rapport, l'expert désigné par le tribunal administratif ; qu'à cet égard, si les requérants ont produit le rapport d'un expert rédigé à leur demande, cette expertise, qui n'a pas été diligentée au contradictoire de la commune, ne peut lui être valablement opposée ; que d'autre part, les préjudices moral et psychologique allégués, résultant des troubles que les requérants estiment avoir subi dans la jouissance de leur immeuble, qui n'est plus accessible lors des inondations du terrain, trouvent exclusivement leur origine selon l'expert désigné par le tribunal, dans l'absence de réalisation par les requérants de la totalité du remblai prévu dans leur demande de permis de construire, qui permettait l'accès à la construction édifiée ; que les intéressés ne peuvent utilement se prévaloir de la délivrance, le 22 janvier 1996, d'un certificat de conformité pour soutenir que cette carence dans l'exécution des travaux ne peut être retenue ; que dès lors, comme l'ont décidé à bon droit les premiers juges, M. et Mme X ne justifient pas d'un préjudice directement lié à la faute de la commune résultant de l'illégalité du permis de construire délivré le 26 juillet 1993 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant au versement d'une indemnité ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des mesures d'exécution des décisions qu'il rend, d'adresser des injonctions à l'administration ; que par suite, les conclusions présentées par M. et Mme X tendant à ce que la Cour ordonne à la commune de Cuges-les-Pins de prendre les dispositions pour éviter que les eaux du torrent de la Serre soient déversées dans leur terrain, qui ne portent pas sur des mesures d'exécution de la présente décision ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant, en premier lieu, que la commune de Cuges-les-Pins ayant été déclarée responsable des conséquences dommageables résultant pour M. et Mme X de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré le 26 juillet 1993, une condamnation pouvait être prononcée à son encontre sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur ; que la commune de Cuges-les-Pins n'avance aucun argument de nature à considérer qu'il aurait été équitable de laisser l'intégralité des frais exposés par les demandeurs et non compris dans les dépens, à leur charge ;

Considérant, en second lieu, qu'en ce qui concerne les frais non compris dans les dépens exposés en appel, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, tant par les requérants que par la commune de Cuges-les-Pins ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la commune de Cuges-les-Pins est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à la commune de Cuges-les-Pins et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 13 février 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. HERMITTE, Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme GUMBAU, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 10 avril 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Gilles HERMITTE

Le greffier,

Signé

Lucie GUMBAU

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 99MA00108 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 99MA00108
Date de la décision : 10/04/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. HERTGEN
Rapporteur ?: M. HERMITTE
Rapporteur public ?: M. BENOIT
Avocat(s) : ITRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-04-10;99ma00108 ?
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